Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 avril 2000

• 1540

[Traduction]

Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Nous reprenons notre examen du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Cet après-midi, nous accueillons des représentants de l'Association des banquiers canadiens; de H&R Block Canada, Inc.; de l'Association canadienne des policiers et policières; et de la Gendarmerie royale du Canada. Bienvenue à tous. J'aimerais commencer par l'Association des banquiers canadiens.

Normalement, nous vous écoutons pendant cinq à sept minutes, ensuite les membres du comité peuvent poser des questions aux témoins une fois qu'ils ont tous fait leurs déclarations.

Nous allons commencer par l'Association des banquiers canadiens, M. Warren Law. Peut-être pourriez-vous nous présenter vos collègues.

M. Warren Law (vice-président des Affaires commerciales et chef du contentieux, Association des banquiers canadiens): Oui, merci, monsieur le président.

Monsieur le président, membres du comité, bon après-midi. Je m'appelle Warren Law et je suis vice-président, Affaires commerciales, ainsi que trésorier, chef du contentieux et secrétaire à l'Association des banquiers canadiens. Au nom du secteur bancaire, je suis heureux d'être ici pour vous faire part de l'expérience de notre industrie dans la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité.

Plus particulièrement, nous apprécions d'avoir l'occasion de vous fournir notre point de vue sur le projet de loi actuellement déposé devant la Chambre des communes ainsi que sur le document de consultation connexe émis par le ministère des Finances en décembre 1999.

Je suis accompagné de M. Frank Craddock, chef de la sécurité au Groupe financier Banque TD et président du Comité sur la sécurité de l'Association des banquiers canadiens, et de M. Gene McLean, directeur de la sécurité à l'Association des banquiers canadiens.

M. Craddock a fait partie du service de police de Toronto pendant 26 ans, au cours desquelles il a eu la responsabilité d'enquêter sur divers crimes importants. Il travaille au sein du Groupe financier Banque TD depuis 1993, où il est actuellement à la tête de la sécurité et est responsable des programmes de la banque en matière de répression du recyclage des produits de la criminalité.

M. McLean a fait partie de la Gendarmerie royale du Canada pendant plus de 25 ans, au cours desquelles il a eu la responsabilité d'enquêter sur le crime organisé et a tenu le rôle d'officier de liaison en Angleterre et en Suisse pendant un certain nombre d'années. Il est actuellement responsable du développement et de l'exécution des stratégies sectorielles, notamment en matière de répression du recyclage des produits de la criminalité.

En tant qu'intermédiaires clés du système financier, nous reconnaissons les conséquences désastreuses du recyclage des produits de la criminalité et nous comprenons ses effets nuisibles sur notre société.

Je cède maintenant la parole à M. Craddock qui passera en revue la position de notre industrie en matière de répression du recyclage des produits de la criminalité.

M. Frank Craddock (président, Comité sur la sécurité, Association des banquiers canadiens; chef de la sécurité, Groupe financier Banque TD): Je vous remercie, monsieur Law. Merci également monsieur le président et membres du comité de nous avoir invités à participer à cet important processus.

J'aimerais expliquer le rôle d'un responsable de la sécurité d'une banque au sein des institutions financières canadiennes. Le recrutement à ce poste que j'occupe relève habituellement des autorités policières. Le domaine de la sécurité comprend deux secteurs distincts qui requièrent notre supervision.

Le premier a trait aux services de protection, lesquels comprennent les gardiens, la sécurité physique, le matériel de sécurité et la technologie.

Le second, celui sur lequel je me concentrerai aujourd'hui, concerne les enquêtes, lesquelles comprennent nos activités de répression du recyclage des produits de la criminalité. Afin de nous protéger contre cette activité criminelle, nous avons établi de solides politiques et programmes qui permettent de déceler et de prévenir le recyclage des produits de la criminalité.

Voici quelques-unes seulement des mesures préventives prises par les banques canadiennes: le droit de refuser des opérations financières que l'on soupçonne être des produits de la criminalité, comme le définit le Code criminel; l'exigence de faire signer une déclaration de la provenance des fonds aux clients qui effectuent des opérations financières de 10 000 $ ou plus; l'exigence que les employés de banque déclarent toutes les opérations financières qu'ils jugent douteuses, quel qu'en soit le montant; la désignation dans chaque succursale d'un cadre supérieur, appelé «agent désigné», auquel les opérations douteuses sont signalées; l'accent mis sur l'importance de «connaître le client», règle en vertu de laquelle les employés doivent obtenir des pièces d'identité et la documentation appropriée auprès des clients et comprendre leurs habitudes en matière de transactions financières; une vérification interne de la conformité de la succursale aux politiques de lutte au recyclage des produits de la criminalité; divers programmes de sensibilisation et d'éducation du personnel, y compris la distribution de bandes vidéo par le Comité sur la sécurité de l'ABC.

• 1545

Nous travaillons tous dans le champ d'application de la loi actuelle et des lignes directrices émises par le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, et nous estimons avoir mis au point des mesures très efficaces pour déceler le recyclage des produits de la criminalité, tout en évitant les volumes élevés de rapports non pertinents.

L'élément le plus important pour assurer notre réussite, c'est notre relation avec les autorités policières, et la GRC en particulier. Les banques ont toujours souscrit au principe de la déclaration obligatoire des opérations douteuses et, depuis plusieurs années, il existe une entente volontaire entre la GRC et les banques pour faciliter la déclaration des opérations douteuses. Nous travaillons tous ensemble, partageons les renseignements de sécurité appropriés et communiquons à la GRC l'information relative à de nombreuses opérations douteuses aux fins d'enquête.

Je cède maintenant la parole à M. McLean, qui passera en revue la position de notre secteur en ce qui a trait à nos observations spécifiques à l'égard du projet de loi et de ses règlements.

M. Gene McLean (directeur, Sécurité, Association des banquiers canadiens): Je vous remercie, monsieur Craddock. Merci également monsieur le président et membres du comité de nous avoir invités à participer à cet important processus.

L'ABC et toutes ses banques membres se sont pleinement engagées à contrer le recyclage des produits de la criminalité et soutiennent, en principe, les modifications législatives actuellement proposées. Nous avons fait part de nos observations préliminaires sur les propositions dans une lettre que nous avons fait parvenir au ministère des Finances. Nous avons remis une copie de cette lettre au comité et, par conséquent, je me contenterai maintenant de souligner certaines des questions soulevées dans cette lettre.

Notre principale préoccupation est la suivante: la loi visant à mettre en oeuvre un système de déclaration obligatoire ne devrait pas être trop normative ou complexe en termes de types d'opérations à déclarer. Autrement, bon nombre d'opérations légitimes seront déclarées. L'énorme quantité d'information qui en résultera pourrait se révéler inefficace comme moyen de déceler le recyclage des produits de la criminalité.

Le projet de loi C-22 prévoit que toute personne ou entité doit déclarer au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada les opérations financières à l'égard desquelles il existe «des motifs raisonnables» de soupçonner qu'elles sont liées au recyclage des produits de la criminalité. Cependant, il n'existe aucune définition ni aucun critère permettant de déterminer ces motifs raisonnables. Les déclarations des entités visées par la loi risquent donc de manquer d'uniformité.

Bien que l'on prévoie que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada mettra au point des lignes directrices en matière de déclaration, nous pressons le gouvernement fédéral d'amorcer les consultations au plus tôt, de manière à élaborer des mesures pratiques qui permettent d'assurer des déclarations uniformes.

Le projet de loi C-22 prévoit la création d'un mécanisme d'exemption par règlement. Il nous semble que l'intention de ces dispositions est d'éviter la déclaration des opérations des clients qui sont au-dessus de tout soupçon. C'est le cas par exemple des dépôts provenant des ministères et des organismes gouvernementaux ou des opérations courantes effectuées par des clients qui déposent régulièrement de fortes sommes en espèces, tels que les grandes chaînes d'épicerie et les restaurants de prêt-à-manger.

Ce concept s'intègre exceptionnellement bien à la pratique courante de nos banques membres, laquelle comporte des exemptions soigneusement contrôlées dans le cas de ce type de clients. Malheureusement, le document de consultation stipule qu'aucune exemption particulière n'est prévue pour le moment. Nous estimons que l'utilisation de «listes d'exemption» améliorerait considérablement l'efficacité du système de déclaration obligatoire des opérations douteuses et éviterait plus particulièrement que le Centre des opérations et déclarations financières du Canada ne reçoive de grandes quantités de rapports non pertinents.

De même, bien que le projet de loi C-22 exigera la déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces et d'effets, il prévoit des exemptions relativement aux exigences de déclaration. Là encore, le document de consultation stipule malheureusement qu'aucune exemption n'est prévue pour le moment dans le cas de ce type de mouvements.

Nous sommes d'avis que le fait de ne pas permettre d'exemptions donnera lieu à des déclarations inutiles de mouvements transfrontaliers d'espèces, tels les mouvements entre institutions financières et ceux effectués par le gouvernement fédéral ou par ses organismes.

Enfin, le projet de loi C-22 prévoit des amendes relativement importantes à l'égard de toute personne ou entité qui contrevient sciemment aux dispositions de déclaration et de tenue de documents. Bien que le projet prévoie l'exception de «diligence convenable», il doit être établi que «toute la diligence convenable» a été exercée.

À notre avis, dans le projet de loi C-22, on décrit les infractions de manière très générale, mais on offre à la défense peu de marge de manoeuvre et on lui impose des conditions difficiles à satisfaire. La responsabilité criminelle ne devrait s'appliquer que dans le cas où l'employé ou l'institution a sciemment et délibérément omis de faire la déclaration ou de tenir un document, ou encore a fait preuve de «grossière négligence» ou de «cécité volontaire» à l'égard des faits.

L'utilisation du terme «toute» pour qualifier la «diligence» convenable signifie que celle-ci devient très subjective et établit un critère qu'il peut être difficile, sinon impossible, de satisfaire. Par conséquent, nous recommandons que le terme «toute» soit retiré du paragraphe 77(2).

• 1550

Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré et j'invite maintenant M. Law à conclure notre exposé.

M. Warren Law: Monsieur le président, l'Association des banquiers canadiens, de concert avec toutes ses banques membres, est fermement engagée dans la lutte contre le recyclage financier des produits de la criminalité, et nous espérons avoir l'occasion de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement, les autorités policières et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada afin d'assurer la mise en oeuvre efficace et efficiente des dispositions du projet de loi C-22.

On nom de M. Craddock, de M. McLean et en mon nom personnel, je vous remercie tous de votre attention et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions dans le cours des délibérations.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup, messieurs. Au fil des années, l'ABC a toujours exprimé des observations mûrement réfléchies au comité et nous en sommes très reconnaissants.

Je donne maintenant la parole aux représentants de H&R Block Canada, Inc.: M. Bonar Irving, vice-président principal et directeur général, et M. Todd McCallum, vice-président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

M. J. Bonar Irving (vice-président principal et directeur général, H&R Block Canada Inc.): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Nous avons préparé une version bilingue de ma déclaration liminaire qui, je crois, a été remise aux membres du comité; nous avons des exemplaires supplémentaires au besoin. Comme vous avez déjà le document, je ne parlerai que de nos principaux sujets de préoccupation.

H&R Block compte 537 bureaux et 470 franchises au pays. Il y a trois ans, nous avons créé Financial Stop, une plate-forme de services financiers «sans superflus» qui vise à répondre aux besoins du segment de la population qui gagne moins de 25 000 $ par année. Nous comptons maintenant 45 emplacements qui appartiennent à la compagnie et 32 emplacements franchisés. Non seulement nous encaissons les chèques, mais nous offrons toute une gamme de produits et services tels que mandats, paiements de factures, mandats télégraphiques, virements télégraphiques, monnaie étrangère, cartes d'appel, location de boîtes aux lettres, services aux entreprises et services de préparation des déclarations de revenus, évidemment.

Les points de vente au détail offrant l'encaissement de chèques desservent les clients qui ont besoin de leur argent immédiatement et qui ne veulent pas attendre qu'un chèque passe à la banque. Un pourcentage assez élevé de la clientèle desservie n'utilise pas le système bancaire ordinaire. Notre service leur permet d'obtenir facilement leur argent et plusieurs clients paient pour les services obtenus à un emplacement multiservices.

Nous savons que le blanchiment d'argent est un problème grave et que tout établissement qui traite des espèces doit accepter la responsabilité de combattre ce problème. Nous nous conformons à la réglementation existante sur le blanchiment d'argent et nous appuyons le nouveau projet de loi. Nous sommes prêts à faire les investissements nécessaires et à nous assurer que notre personnel est formé comme il se doit.

Trois points nous préoccupent toutefois. Notre principal sujet d'inquiétude est la partie IV, exigences en matière de tenue de documents pour les nouvelles entités, qui exige que nous conservions, pendant une période de cinq ans ou plus, un enregistrement de toutes les opérations de 1 000 $ ou plus. Ce niveau-seuil fait qu'un volume important de nos affaires est touché. Il s'agit essentiellement des opérations ordinaires quotidiennes. Les gens encaissent leurs chèques de paie de quinzaine. Ils viennent chercher des mandats pour payer leur loyer ou celui de leur colocataire ou pour payer une facture, ou ils se servent de mandats pour envoyer de l'argent à leurs familles au Canada ou à l'étranger.

Nous ne voyons pas pourquoi ce seuil arbitraire a été choisi et pourquoi le Canada se sent obligé de se démarquer des autres pays. On nous dit que le seuil équivalent au Royaume-Uni est de 2 000 « et de 3 000 $ aux États-Unis. Nous voudrions que le seuil canadien pour notre secteur se situe entre 4 5000 $ et 5 000 $.

Des calculs approximatifs montrent qu'avec un seuil de 1 000 $, près de 100 000 de nos opérations auraient été visées l'an dernier rien que dans nos propres bureaux et plus de 30 p. 100 des chèques encaissés. Si le seuil était porté à une fourchette de 4 500 $ à 5 000 $, cela nous permettrait d'exclure les opérations relatives aux loyers et aux chèques de paie et nous obligerait à conserver les enregistrements pour 5 000 ou 10 000 opérations par année. Nous estimons qu'il s'agit là d'un chiffre plus réaliste et pratique.

Notre deuxième sujet de préoccupation porte sur le genre de renseignements à conserver. Il y a plusieurs pièces d'identité que la plupart d'entre nous tenons pour acquises: le permis de conduire, la carte d'assurance sociale, la carte de crédit et la carte d'assurance-maladie. Un nombre important de nos clients à Financial Stop n'ont pas ces pièces. Cela ne signifie pas que nous ne vérifions pas l'identité de nos clients. Cela veut simplement dire que nous employons des méthodes qui ne viendraient pas à l'esprit des employés des établissements de dépôt.

• 1555

Les documents de consultation sur la nouvelle réglementation parlent de renseignements sur les comptes d'une entreprise ou d'un particulier. On applique à notre secteur les mêmes exigences que celles imposées aux établissements de dépôt, ce qui est tout à fait inapproprié. Les établissements de dépôt entretiennent des relations d'affaires. C'est pourquoi ils tiennent des renseignements sur les comptes. Ce n'est pas le genre de rapport que nous avons avec nos clients. Nous effectuons des opérations. Chaque opération est distincte, autorisée ou non selon ses particularités. La façon dont nous rassemblons les renseignements sur nos clients reflète la réalité de notre activité. Si nous sommes obligés de traiter nos clients comme les banques traitent leurs clients réguliers, nous serons forcés de leur demander des renseignements que beaucoup ne peuvent tout simplement pas nous donner. Cela pourrait les éloigner de nous et les conduire vers des exploitants clandestins. Cela ne répondrait pas aux grands objectifs du projet de loi.

Troisièmement, nous nous inquiétons pour la protection des renseignements personnels de nos clients. Nous savons que le gouvernement s'apprête à adopter une loi importante relative à la protection de la vie privée, le projet de loi C-6, et que les inquiétudes au sujet de la protection des renseignements personnels ont été soulignées dans le document de consultation. Nous prévoyons nous conformer entièrement au projet de loi C-6 et nous voulons nous assurer que nos obligations en vertu des lois fédérales et provinciales n'entreront pas en conflit avec nos obligations vis-à- vis du nouvel organisme.

En résumé, quel que soit leur revenu, les gens ont besoin de services financiers de base. Nous voulons nous assurer que nos services sont accessibles et faciles à utiliser.

Nous appuyons le projet de loi, mais nous craignons que son application privera certains de nos clients de nos services et les conduira à se réfugier dans la clandestinité. Nous voulons éviter que nos employés aient à rassembler de l'information inutile de gens qui paient leur loyer ou encaissent leur chèque de paie. Oui, il s'agit d'un bon projet de loi, mais il ne faut pas que les mailles du filet soient serrées au point où nous serons engloutis par des renseignements sur les opérations quotidiennes de gens ordinaires. Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup, monsieur Irving. Nous apprécions votre contribution.

Nous allons maintenant entendre l'Association canadienne des policiers et policières, représentée par M. David Griffin, directeur exécutif de l'Association. Bienvenue, monsieur Griffin.

M. David Griffin (directeur exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui.

L'Association canadienne des policiers et policières est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de comparaître devant le comité aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-22.

L'Association canadienne des policiers et policières représente environ 30 000 agents et agentes de première ligne au Canada. Outre près de 300 associations adhérentes des 10 provinces, l'ACPP compte des adhérents dans la Gendarmerie royale du Canada, la Police du CN, la Police du CP ainsi que des agents des Premières nations.

Professionnels qui consacrent leur vie à la sûreté de la société et à la réduction de la criminalité, nos adhérents connaissent par trop les effets de l'activité florissante d'une valeur de plusieurs milliards de dollars de la criminalité organisée. Celle-ci touche tous les citoyens, mine l'économie, réduit notre sécurité et menace l'intégrité de nos institutions politiques. Les criminels organisés sont souvent de mèche avec les trafiquants de drogue, ceux qui fournissent les stupéfiants à nos citoyens et à nos enfants, dont la cocaïne et l'héroïne. Ces activités comprennent notamment la circulation illégale des armes à feu, les jeux illégaux, la prostitution et l'exploitation sexuelle des enfants, le recel notamment de l'alcool, des véhicules et des bijoux. Le criminel organisé distribue également de la marchandise humaine sous forme de trafic de migrants illégaux, de prostitution et d'exploitation sexuelle d'enfants du tiers monde.

La croissance explosive de la technologie dans notre société mondialisée a ouvert de nouveaux débouchés aux criminels organisés au moyen du crime technologique, de la distribution de la pornographie enfantine, de la télémercatique frauduleuse internationale et du jeu à l'étranger.

La criminalité organisée ne manque pas de victimes. Outre les formes traditionnelles de violence qui y sont associées, son activité illégale brise et détruit souvent la vie de nos enfants et des êtres vulnérables qui sont la proie de ses actes. Le prostitué enfant, le toxicomane, le joueur invétéré et le vieillard dépouillé des économies de toute une vie en sont des exemples connus. C'est une hémorragie financière pour l'économie puisque les entreprises et les compagnies d'assurance répercutent sur le consommateur la facture gigantesque de l'escroquerie et du vol.

• 1600

Depuis plusieurs années déjà, l'Association canadienne des policiers et policières adopte à chacune de ses assemblées générales des résolutions réclamant des moyens accrus pour la Gendarmerie royale du Canada et les services nationaux de police pour renforcer nos opérations fédérales de police.

Nous avons également souligné la nécessité de renforcer nos frontières pour combattre ces maux croissants. Nous sommes heureux que le solliciteur général du Canada, le ministre des Finances et le gouvernement aient répondu à nos préoccupations lors des récentes annonces budgétaires. Nous observerons de près dans les mois à venir l'effet de ces changements sur les services de première ligne.

Le financement est un facteur de plus en plus important dans le combat contre des criminels organisés malins, riches et jouissant de leur liberté d'action. L'argent n'est toutefois qu'un élément d'une stratégie nationale de lutte contre la criminalité organisée.

Nous avons salué la décision récente du gouvernement fédéral de retirer de la circulation le billet de 1 000 $, conformément à la suggestion de M. Marceau dans sa proposition de loi. Nous sommes également heureux que le Parlement ait appuyé la résolution déposée par le Bloc québécois en décembre de l'an dernier en vue de la convocation d'audiences parlementaires sur la criminalité organisée.

L'ACPP est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de mieux faire connaître les menaces accrues pour la sûreté de la société et la sécurité nationale et, chose plus importante encore, de décrire les mesures vigoureuses et efficaces de lutte contre le fléau de la criminalité organisée dans nos villes.

Lorsque les spécialistes discutent de blanchiment d'argent, ils appellent le Canada le «Maytag du Nord». Le projet de loi C-22 est une mesure positive dans la lutte contre ce problème.

La plupart des Canadiens ne comprennent pas ce qu'est le blanchiment d'argent ni ses conséquences pour notre société. En termes simples, le blanchiment d'argent désigne les méthodes utilisées par le criminel organisé pour transformer le produit de son activité criminelle en effets légitimes. Le but est de mettre l'argent à l'abri ou de faire disparaître toute trace de ses origines criminelles.

Diverses méthodes sont employées par les blanchisseurs pour y arriver. Ces méthodes comprennent notamment le «schtroumpfage», lorsque de grosses sommes sont réparties en petits paquets écoulés par un grand nombre d'individus; le «flying», opérations transfrontières de transfert de produits légaux en échange d'espèces entre pays à réglementation vague ou relâchée; le trafic d'espèces vers des pays qui offrent un refuge aux criminels grâce au secret bancaire, comme le quart des 200 pays de l'ONU qui le pratiquent, y compris un pays qui compte une banque pour 48 habitants; et la création de coquilles vides ou d'entreprises légales destinées à écouler les produits de la criminalité. Par exemple, dans certains pays, les criminels peuvent créer leurs propres banques à cette fin.

Les blanchisseurs agissent séparément du trafiquant de stupéfiants. Leurs chemins ne se croisent pas. C'est la première étape dans la séparation de l'argent et du crime. Les blanchisseurs emploient des professionnels comme des experts financiers, des avocats et des comptables qui acceptent des honoraires élevés en contrepartie de leurs services spécialisés. Ces professionnels apaisent leurs consciences en recourant à la dénégation plausible et à l'ignorance volontaire lorsqu'ils acceptent que l'argent qui transite par eux n'est rien d'autre que l'argent de la drogue.

La technologie offre de nouvelles possibilités aux blanchisseurs et présente de nouvelles complications pour les enquêteurs. Le projet de loi C-22 jette des bases sur lesquelles on pourra bâtir au fur et à mesure que la technologie continuera de changer la façon dont les criminels exploitent ces nouveaux moyens. L'objectif ultime des forces policières est de stopper l'écoulement de biens mal acquis et de découvrir sa source criminelle.

Voici les observations que nous voulons faire à propos du projet de loi.

Tout d'abord, la règle exigeant que soient déclarées toutes les opérations de 10 000 $ ou plus est justifiée et ne devrait pas être assouplie. Tout changement à ce seuil augmente de façon exponentielle les possibilités pour les blanchisseurs d'écouler de petits paquets.

Les professionnels impliqués dans la circulation illégale d'argent ne devraient pas être soustraits à l'obligation de déclarer des opérations ou des faits suspects par des codes ou des normes de conduite professionnelle. Il est de l'intérêt public de faire en sorte que la déontologie professionnelle, l'ignorance volontaire ou la dénégation plausible ne protègent pas ceux qui offrent des services aux criminels organisés. Nous appuyons la teneur du projet de loi concernant ces individus.

Troisièmement, nous estimons que le projet de loi est un oeuvre en devenir. Il faut en effet pouvoir s'adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles tendances, comme le commerce électronique. Nous appuyons le recours à un cadre réglementaire permettant de garantir qu'il y aura suffisamment de flexibilité dans l'avenir pour faire face aux problèmes qui apparaîtront.

Il faudrait aussi songer d'ici peu à inclure les opérations au détail faisant intervenir de grosses sommes d'argent en espèces. Le raisonnement est le même pour la police lorsqu'il s'agit de retracer les produits de la criminalité et l'accumulation de biens.

Nous comprenons l'équilibre délicat qui est nécessaire pour veiller à ce que les droits à la vie privée ne soient pas compromis de façon déraisonnable. Même s'il est possible d'accélérer les enquêtes en ayant plus facilement accès aux renseignements rassemblés par le nouvel organisme, le CAODFC, nous comprenons qu'il y a lieu de protéger les renseignements personnels. Nous estimons que le texte trouve le juste milieu.

• 1605

Le comité a déjà entendu des témoignages proposant de hausser les limites et d'accorder des exemptions pour certains établissements. Nous nous opposons vigoureusement à pareils changements, puisque toute exemption ou tout changement représente une possibilité ou une échappatoire que pourra exploiter le criminel futé ou ses mandataires. Nous jugeons que l'uniformité est une caractéristique nécessaire et indispensable de cette loi.

Au bout du compte, le succès de cette loi dépendra largement de l'efficacité de cet organisme ainsi que de la réévaluation de la portée et du but de la loi et de ses mécanismes.

Nous avons eu l'occasion de rencontrer des représentants du ministère des Finances, de la Justice et du solliciteur général pour discuter du texte et de l'organisme proposé. Nous sommes reconnaissants de leur collaboration et je suis impressionné par leur désir de voir cette loi réussir. C'est avec plaisir que nous poursuivrons ces discussions dans l'avenir au fur et à mesure que cette vision prendra forme.

L'Association canadienne des policiers et policières appuie cette proposition et nous encourageons le comité et tous les députés à faciliter l'adoption rapide du projet de loi. Celui-ci est un outil essentiel nécessaire au renforcement des efforts de police actuels. Ce n'est toutefois pas une panacée et il faudra d'autres mesures pour combattre efficacement la criminalité organisée. C'est avec plaisir que nous collaborerons avec vous et vos collègues dans les mois à venir lorsque le Parlement examinera ces questions importantes.

Je vous remercie à nouveau de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître devant le comité aujourd'hui. Nous vous en sommes sincèrement reconnaissants et nous répondrons volontiers à vos questions.

Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup, monsieur Griffin.

Nos derniers témoins représentent la Gendarmerie royale du Canada. Nous accueillons M. Tim Killam, commissaire adjoint, Opérations techniques, et le sergent d'état-major Lou Goulet.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.

Commissaire adjoint Tim Killam (Opérations techniques, Gendarmerie royale du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je suis accompagné de M. Goulet, de notre centre de décision. Pour toute autre question, je suis également accompagné de trois agents à la tête de nos unités intégrées des produits de la criminalité au Canada, celles de Montréal, de Regina et d'ici à Ottawa.

Mon exposé d'aujourd'hui énoncera la position de la Gendarmerie royale du Canada sur le projet de loi C-22 en matière de blanchiment d'argent, ses conséquences pour l'économie légale et ce que nous entrevoyons comme moyens pour lutter contre le blanchiment d'argent par le crime organisé.

Quand j'étais l'agent responsable du programme des produits de la criminalité au Canada, j'ai travaillé avec mes collègues pour veiller à ce que le Canada soit protégé par un vaste ensemble de mesures destinées à renforcer la lutte contre le crime organisé en empêchant le blanchiment des produits d'activités illégales.

Il m'est vite paru évident que les systèmes financiers du Canada étaient exploités par des associations de malfaiteurs pour masquer, légitimiser et déplacer leurs profits illégaux pour ainsi financer d'autres activités. On a jugé que le Canada avait besoin d'une démarche systématique, coordonnée et coopérative pour veiller à ce que nos systèmes financiers soient solides et non contaminés par le crime.

Nous avons entendu un certain nombre de définitions du blanchiment d'argent mais, pour moi, le blanchiment d'argent est le moteur qui fait tourner toutes les associations criminelles du monde. Empêcher l'argent sale d'entrer dans le système financier du Canada signifierait ne pas permettre à ceux enclins à cette activité de renforcer à terme ces associations de malfaiteurs. La lutte contre le crime organisé est prise très au sérieux par le gouvernement du Canada. Par extension, la GRC, la police fédérale, est aux premières lignes de ce combat.

On estime qu'il y a dans le monde entre 300 et 500 milliards de dollars US de narcodollars. L'ONU estime que plus d'un billion de dollars US en profits illégaux sont générés chaque année par le crime organisé. Les chiffres pourraient doubler si l'on incluait les crimes économiques et les crimes non reliés aux stupéfiants. Ces chiffres donnent évidemment le vertige.

L'exode de capitaux et le chaos en provenance de l'ex-Union soviétique et d'autres pays du bloc de l'Est vers d'autres pays en Europe et aux États-Unis et ailleurs montrent bien la complexité de ces problèmes.

Une partie de cet argent illégal aboutit au Canada, considéré à l'étranger comme un refuge. La GRC est incapable de calculer avec exactitude les sommes blanchies au Canada chaque année mais a suffisamment de données empiriques pour montrer que le phénomène est alarmant.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi les blanchisseurs sont attirés par le Canada et y voient un refuge.

D'abord, le Canada a une économie stable et une devise relativement forte et un système bancaire dont l'efficacité, la stabilité et la sécurité sont hors pair.

• 1610

Deuxièmement, il y a la longue frontière non défendue entre le Canada et les États-Unis par laquelle un volume énorme d'opérations commerciales et financières se font.

Troisièmement, le Canada est à proximité d'un des plus gros marchés de drogue au monde, les États-Unis.

Enfin, et sans doute la chose la plus importante, il n'y a pas de contrôle au Canada sur la circulation transfrontière des devises et il n'existe pas non plus de système de déclaration obligatoire des opérations inhabituelles.

Cela signifie que le cadre réglementaire et policier pose de plus en plus de difficulté pour le Canada, surtout à une époque où l'on réduit les obstacles au commerce et aux opérations financières.

La GRC estime que pour combattre efficacement la criminalité organisée, le Canada doit créer un système de déclaration obligatoire des opérations inhabituelles pour faciliter les enquêtes sur le recyclage financier des produits de la criminalité. Dès 1993, lors de la session de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale tenue à Vienne, le secrétaire général des Nations Unies a brossé un tableau troublant de la mainmise de la criminalité organisée à l'échelle mondiale. Je cite:

    À mesure qu'augmentent les recettes du crime organisé, il est devenu nécessaire pour les criminels de maîtriser les banques. [...] Les entreprises contrôlées par le crime organisé génèrent une marge de profit de 70 p. 100 sur leurs investissements. Cela est réalisé aux dépens des concurrents respectueux des lois qui doivent se soucier de la marge de profit, des frais généraux, du remboursement des prêts bancaires. L'un dans l'autre, l'infiltration par le crime organisé vient fausser le jeu des forces du marché. À long terme, c'est le contribuable et le consommateur qui sont touchés. Les profits du crime organisé sont tellement importants qu'aucune économie n'est à l'abri des effets de cette économie clandestine. [...] Nous devons améliorer les techniques d'investigation et limiter le secret à ses dimensions appropriées.

La situation décrite par le secrétaire général il y a sept ans est identique à ce que l'on observe aujourd'hui au Canada.

Toutes les institutions financières—banques, fiducies, quasi- banques, compagnies d'assurance—et les intermédiaires comme les avocats, les comptables, les casinos et tous ceux qui reçoivent des fonds de leurs clients tous les jours ont un rôle de première ligne à jouer dans la déclaration d'opérations inhabituelles et suspectes. En régime de divulgation facultative, tel qu'il existe au Canada aujourd'hui, il n'y a aucun moyen fiable et systématique de déceler le blanchiment d'argent.

Un système relâché accorde une grande latitude aux différentes institutions financières lorsqu'il s'agit de prendre des mesures pour combattre le blanchiment d'argent et le crime organisé. Les exemples constatés par la GRC montrent le degré variable d'empressement à prendre de telles mesures.

À l'heure actuelle, il y a ni coordination ni contrôle général des déclarations, qui sont au mieux fragmentées, et il n'y a donc aucun moyen de savoir que l'information dont on dispose est utilisée du mieux possible par un organisme central, comme le propose le projet de loi C-22. On reconnaît qu'il est difficile de trouver le juste milieu entre la protection des renseignements personnels et l'action policière, et il semble clair que cette équilibre ne pourra jamais être trouvé une fois pour toute. Il faudra au contraire l'examiner en permanence puisque les méthodes d'activité, les systèmes de conservation et de consultation des documents ainsi que les méthodes frauduleuses de transfert évoluent tous.

Du point de vue des forces policières, toutefois, la création du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, prévue dans le projet de loi C-22, présente de nombreux avantages. Le centre aurait notamment un effet dissuasif puisqu'il serait alors plus difficile de recourir aux établissements financiers traditionnels pour masquer les profits d'activités illégales, et le Canada aurait un peu moins la réputation de refuge des blanchisseurs. Le centre nous permettrait de respecter nos obligations internationales. Il en a été question hier. Ce serait un mécanisme permettant d'obtenir l'appui et la coopération des banques et d'autres établissements financiers pour découvrir d'éventuelles infractions au règlement sur les espèces. Le centre permettrait de trouver des cibles d'investigation d'éventuels blanchiments d'argent. Enfin, il fournirait des preuves corroborantes contre des individus identifiés par d'autres moyens, comme les indicateurs et d'autres organismes.

En fin de compte, les pays ne sont pas plus forts que leur maillon le plus faible. Sur les 26 pays appartenant au Groupe d'action financière, seuls le Canada, le Singapour et l'Allemagne n'ont toujours pas instauré de système de déclaration obligatoire d'opérations inhabituelles ou suspectes. De plus, le Canada n'a pas répondu aux exigences du Groupe Egmont, qui rassemble les services du renseignement financier de 48 pays et qui fixe des normes et met en commun des données financières pour lutter contre le blanchiment d'argent.

Réduit à sa plus simple expression, le blanchiment d'argent désigne l'usage du système commercial légal à des fins illégales. L'instauration d'un mécanisme de déclaration obligatoire transfrontière des opérations inhabituelles indiquera aux associations criminelles du Canada et du monde que notre pays a un système efficace de déclaration et que leur argent n'est pas le bienvenu ici.

• 1615

Les problèmes causés par la criminalité organisée ne sont pas uniquement la responsabilité de la police. Le projet de loi C-22 prévoit un partenariat entre la police, le gouvernement et le secteur privé. Ses dispositions entraveront le recours aux établissements financiers canadiens pour déposer de vastes sommes d'argent illégales et les cacher dans des comptes partout dans le monde. Une mise en garde, toutefois. Un régime de déclaration obligatoire n'est pas une panacée. Au contraire, ce n'est qu'un élément d'un vaste train de mesures destinées à renforcer la lutte contre la criminalité organisée.

Il semble logique que la coopération doive présider aux rapports entre nos institutions nationales et avec l'étranger, pour que nous puissions combattre au moins à armes égales contre les blanchisseurs d'argent.

Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McCallum.

Je crois que c'est tout pour les témoignages, nous allons donc passer aux questions des députés. Nous allons commencer par M. Abbott de l'Alliance canadienne.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Avant de passer aux questions, je voudrais dire publiquement que j'ai des réserves à propos de la façon de procéder. Nous sommes censés entendre les derniers témoins à 17 h 30 aujourd'hui. À 9 heures demain matin, nous allons commencer l'étude article par article.

Je n'ai pas le sentiment que je ferais mon travail de représentant de l'opposition officielle de Sa Majesté si l'on procédait ainsi. Je n'aurai pas le temps entre 17 h 30 et 9 heures demain matin pour consulter mon personnel ou mes conseillers à propos du témoignage de ces personnes, ni même d'assimiler le témoignage des autres personnes que nous avons entendues ces dernières semaines.

J'ai décrit clairement la position de l'Alliance canadienne. Nous voulons que ce projet de loi progresse. Comme vous le savez, nous avons critiqué publiquement le gouvernement d'avoir pris deux ans pour déposer ce projet de loi.

Il n'en reste pas moins que le processus d'examen en comité est une étape très importante dans l'élaboration d'une mesure législative, car il permet aux témoins de soulever des questions légitimes qui devront être prises en compte. Avant d'amorcer l'étude article par article, si je veux bien faire mon travail dans le cadre du système parlementaire, je dois avoir le temps de consulter mes conseillers.

Malheureusement, il y aura deux semaines de relâche parlementaire, ce qui ne dépend pas de nous. C'est tout simplement ce que veut le calendrier parlementaire. Je peux vous dire honnêtement que nous n'aurions pas d'objection à tenir une séance de ce comité lundi ou mardi prochain. Au moins, j'aurai eu une journée pour consulter mes conseillers.

Je tiens à le dire aux fins du compte rendu. Je souhaite l'adoption de ce projet de loi. J'appuie le projet de loi en principe. Mais je veux m'assurer que nous ferons bien notre travail. Cette hâte ne rend pas service aux Canadiens qui auront à appliquer et à respecter cette loi.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je ne veux pas m'accaparer le temps de M. Abbott, mais pour ce qui est de s'assurer que le comité fonctionne de façon équitable, il y a probablement d'autres membres du comité qui souhaiteraient nous présenter des amendements ou réinviter les représentants du ministère. J'aimerais bien revoir les fonctionnaires du ministère. Nous voudrions peut-être aussi inviter le ministre chargé de ce dossier.

Cette hâte à franchir la ligne d'arrivée avant le congé de Pâques ne m'apparaît pas comme une bonne idée. Il est tout à fait inacceptable de procéder à l'étude article par article demain. J'ai participé aux réunions d'autres comités récemment où on a discuté du travail des conseillers législatifs, et je peux vous dire que nous leur imposerions un fardeau additionnel.

J'ignore si cette motion serait recevable ou si nous avons le quorum pour en traiter, mais je propose que le comité annule sa réunion de demain matin ou qu'il s'en serve plutôt pour l'audition de témoins, si la greffière peut trouver des témoins qui voudraient venir demain matin. Je propose que nous ne procédions pas à l'étude article par article demain.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Très bien. Merci.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le président, je veux simplement dire que je suis d'accord, pour une rare fois, avec mon collègue libéral et avec mon collègue de l'Alliance canadienne.

• 1620

[Traduction]

M. Jim Abbott: Monsieur le président, j'aimerais savoir s'il y a quorum.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Il y a quorum pour l'audition des témoins, mais pas pour l'adoption de motions.

M. Jim Abbott: Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Cela dit, la contribution de tous les membres du comité est importante. Manifestement, il est dans notre intérêt de nous assurer que ces questions, ainsi que les préoccupations de tous les membres du comité concernant ce projet de loi fassent l'objet d'une discussion exhaustive.

Il avait été prévu que le comité se réunisse demain, à 9 heures, pour la plus grande partie de la journée. Il avait aussi été prévu de commencer l'étude article par article, mais puisque c'est le comité dans son ensemble qui s'était entendu sur le calendrier concernant le projet de loi C-22, nous aurons l'occasion, demain matin, de soulever la question. Si le comité est d'avis qu'il faut entendre d'autres témoins, prévoir davantage de temps, mener une étude plus exhaustive, etc., nous en reparlerons demain en comité plénier.

M. Jim Abbott: Merci beaucoup, je vous en sais gré.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Vous avez de nouveau la parole.

M. Jim Abbott: Merci.

Comme je viens de le dire, l'Alliance canadienne est pour ce projet de loi et le principe qui le sous-tend. Il est clair que les organismes d'application de la loi ne disposent pas de tous les outils dont ils ont besoin. Cette question est si importante pour le Canada où le crime organisé fait de plus en plus d'incursions... il est essentiel que notre loi soit conforme aux normes mondiales.

Cela dit, j'ai trouvé l'exposé des représentants de H&R Block particulièrement intéressant. J'ai été frappé par vos remarques qui figurent à la page 3 de votre mémoire, sous la rubrique «Réduction de la paperasserie administrative». Je tente de concilier ces remarques à celles de M. Griffin, en particulier. Autrement dit, à la lumière de ce qu'a dit M. Griffin, à savoir qu'en créant des exemptions, nous ne faisons que créer davantage d'échappatoires... moi, comme homme d'affaires, j'ai beaucoup de sympathie pour H&R Block.

Quelles suggestions est-ce que H&R Block pourrait nous faire en son nom et peut-être aussi au nom de l'ABC et des autres intervenants qui s'occupent de la paperasserie administrative?

Auriez-vous des suggestions constructives à nous faire qui nous permettraient de répondre aux préoccupations de la police, qui seraient conformes à ce projet de loi, mais qui permettraient de réduire le fardeau que représente pour vous la paperasserie administrative?

M. Bonar Irving: Monsieur le président, le gouvernement ne nous a jamais indiqué à quels échelons se fait le blanchiment d'argent ni les sommes en cause. Puisque nous n'avons pas d'information à ce sujet, nous n'avons pas d'objection à ce qu'on fixe le seuil à 10 000 $. Nous ne nous opposerions pas à l'idée de nous charger de la formation de notre personnel. Nous ne croyons pas demander une exemption. Nous souhaitons simplement qu'on établisse le seuil à un montant plus raisonnable. Mille dollars ne constitueraient pas un seuil raisonnable, mais si on fixait le seuil à 4 500 $ ou 5 000 $, nous pourrions éviter de devoir recueillir des informations relatives aux activités ordinaires des gens.

M. Jim Abbott: À la lumière de cette réponse, M. Griffin, de l'Association canadienne des policiers, et les représentants de la GRC, qui doivent appliquer la loi, pourraient peut-être nous dire si ce seuil leur semble acceptable ou non et, dans la négative, pourquoi.

Je ne tente pas de négocier un compromis. Je tente simplement de déterminer ce qui pourrait faire l'affaire.

Comm. adj. Tim Killam: Avec le projet de loi C-22, on modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. On fait en sorte que cette loi sur le recyclage des produits de la criminalité prévoie davantage que la consignation; dorénavant, ces opérations devront être déclarées. Actuellement, la loi prévoit que les opérations de change d'au moins 1 000 $ feront l'objet d'une déclaration; j'imagine qu'on a repris cette disposition.

Comme l'a indiqué M. Griffin, c'est la fraude bancaire qui est la plus efficace. Elle prend beaucoup de temps, mais les blanchisseurs ou les associations de malfaiteurs sont prêts à y consacrer un certain pourcentage. Leur tâche à temps plein est de s'adresser à différentes institutions. Ils paient 10 p. 100 et parfois jusqu'à 30 p. 100 pour pénétrer le système bancaire. Alors, votre suggestion vaut bien la mienne.

• 1625

D'autres pays ont un seuil de 1 000 $. Comme M. Irving l'a dit, ce seuil varie selon le pays. Ce n'est qu'une supposition de ma part, mais je présume que c'est pour cela qu'on a fixé la somme minimale à 1 000 $.

M. Jim Abbott: On entend souvent dire, comme vous venez de le faire, que «votre suggestion vaut bien la mienne», mais, en l'occurrence, je ne crois pas que tel soit le cas. J'estime que vous ou M. Griffin êtes mieux en mesure de faire une suggestion bien fondée.

Comm. adj. Tim Killam: Je pourrais vous répondre qu'il y a du recyclage d'argent à ce niveau.

M. Jim Abbott: On recycle des sommes de 1 000 $?

Comm. adj. Tim Killam: Oui, absolument. Cela ne fait aucun doute.

M. David Griffin: J'irais même plus loin: est-ce que les autres institutions ne sont pas aussi assujetties à cette exigence?

Comm. adj. Tim Killam: Voilà où je voulais en venir. Déjà, d'autres institutions sont régies par la loi. Les opérations de change sont soumises à la même exigence. Pour l'heure, la loi exige seulement que ces opérations soient consignées. Le projet de loi, s'il est adopté, exigerait aussi qu'on les signale.

M. Jim Abbott: Cela signifie que H&R Block et les autres entreprises du même genre devraient traiter un document de plus, de façon continue, et l'entreposer pendant cinq ans.

Comm. adj. Tim Killam: L'enquête se fait à partir des documents, et une fois que les documents sont disparus, rien ne peut être prouvé. On ne peut faire la preuve de rien. Tous les autres pays du monde ont la même exigence. Nous parlons ici de la différence entre 1 000 $ et 4 500 $ ou 5 000 $, selon la proposition de M. Irving. Je crois que nous convenons tous de la nécessité de prévoir un seuil. Souvent, c'est 1 000 $.

M. Jim Abbott: N'ai-je pas lu quelque part dans le mémoire de H&R Block... Où ai-je lu qu'au Royaume-Uni, c'est une somme de beaucoup supérieure? C'est ici. C'est 2 000 « au Royaume-Uni et 3 000 $ aux États-Unis. Dans les deux cas, c'est plus ou moins l'équivalent de 4 500 $. Si nous mettons en oeuvre votre suggestion, les autres lois comparables exigent la déclaration des opérations à partir d'un montant d'environ 4 500 $, ce que recommande H&R Block, je crois.

Je ne me porte pas à la défense de H&R Block. Je tente simplement de trouver une solution pratique. Les gens d'affaires veulent être responsables et s'assurer que les blanchisseurs d'argent seront pris et que nos rues seront plus sûres. C'est ce que nous voulons tous, mais à partir de quel montant? C'est une question très pertinente que soulèvent les entreprises. À partir de quel montant est-ce que le recyclage d'argent devient inquiétant? Si avec un seuil de 4 500 $ on réduit le recyclage d'argent et on élimine 90 p. 100 de la paperasserie imposée aux entreprises, c'est une option qui mérite d'être étudiée.

Comm. adj. Tim Killam: Monsieur Abbott, ce montant sera fixé par règlement. Il pourra aussi être modifié par règlement et c'est pour cela que l'essentiel de la loi figure dans le règlement. En établissant le seuil à 1 000 $, on pourrait déceler tous les cas de recyclage d'argent.

Bien sûr, nous, de la police, ne pouvons mener des enquêtes sur tous les cas, car nos ressources sont limitées, mais il y a des dossiers importants de recyclage à ce niveau. Il y a le processus de réglementation ou le processus de discussion. On examinera le seuil qui convient à ce moment-là. Il faut trouver un juste milieu.

Nous, les policiers—du moins, à la GRC—ne voulons pas imposer un fardeau à tous les citoyens, surtout que la majorité des citoyens et des entreprises respectent la loi. N'oublions pas que des entreprises légitimes, telles que H&R Block et les banques, sont animées de bonnes intentions et veulent s'assurer de ne pas faire de recyclage d'argent. Mais elles en font néanmoins, à leur insu.

Le seuil qui convient devra donc manifestement faire l'objet de discussion.

M. Bonar Irving: Je dirais qu'il serait plus juste qu'on fixe et qu'on ajuste le seuil dans le règlement; cela permettrait à tous d'atteindre le but visé et le fardeau serait moins lourd pour les entreprises si le montant était fixé à 4 500 $ mais qu'il pouvait être abaissé à 1 000 $. Je m'inquiéterais toutefois de savoir qu'on nous oblige à créer et maintenir des dossiers pour toutes les opérations de plus de 1 000 $, alors que les organismes d'application de la loi ne s'intéressent qu'aux opérations de plus de 4 500 $.

• 1630

M. David Griffin: Je m'en remets aux connaissances de l'expert qui est à ma gauche, mais la question que vous devez vous poser comme législateurs est de savoir dans quelle mesure le pays doit être impénétrable pour le crime organisé. Quels seuils voulez-vous fixer pour ce genre d'activité? Il est vrai qu'un montant de 1 000 $ peut entraîner un lourd fardeau, mais il faut se demander jusqu'où on veut ratisser. De quelle quantité d'information la police disposera-t-elle par la suite pour retracer l'origine de cet argent? Notre association reconnaît que des obligations seront imposées aux institutions financières et que, en dernière analyse, elles seront imposées au consommateur.

Nous vivons à une époque où la technologie peut faciliter le maintien des dossiers. Si l'expérience prouve que notre organisation ne peut gérer une telle quantité d'information, on modifiera le règlement en conséquence. Tous les intéressés nous ont dit qu'ils voulaient signifier un message clair aux organisations de malfaiteurs.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Monsieur Abbott, puisqu'on parle de seuil, nous devrions peut-être nous assurer que chacun puisse intervenir.

Il y a des indications selon lesquelles des sommes de 1 000 $ peuvent être recyclées. C'est un fait. Si ce seuil était modifié, même s'il était abaissé, il est fort probable qu'on recyclerait ces montants inférieurs et qu'on tenterait tout simplement de se disperser davantage pour poursuivre cette activité. Dès que le montant est réduit, la fréquence des opérations augmente et cela crée des tendances.

Peu importe comment on procède, si une tendance se dessine, ça va, mais j'ai l'impression que, d'après l'expérience... Monsieur Killam, peut-être que nos inspecteurs...

J'ai trouvé intéressants les exemples d'opérations que nous a donnés H & R Block... Vous pourriez peut-être nous donner une idée du genre d'activités liées aux sommes d'environ 1 000 $.

Monsieur Goulet.

Sergent d'état-major Lou Goulet (Gendarmerie royale du Canada): Merci, monsieur le président.

Je pourrais peut-être faire une comparaison assez courante: quatre facteurs sont communs à toutes les opérations de recyclage d'argent: la source véritable et le véritable propriétaire de l'argent doivent rester inconnus; la forme est généralement modifiée—autrement dit, on réduit la quantité; les traces qui sont laissées doivent être peu apparentes; enfin, les blanchisseurs d'argent se surveillent constamment, pour qu'il n'y en ait pas un qui mette la main dans le pot.

L'article 11 de l'ancien règlement exigeait qu'on vérifie l'identité de toute personne qui voulait changer une somme de plus de 1 000 $. Peu de temps après l'adoption de ce règlement, nous avons fait quelques vérifications. Vers le milieu des années 90, nous avons vérifié environ 85 opérations de change au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Bref, sur ces 85 opérations, de 40 à 70 p. 100 étaient non conformes, en ce sens que l'identité de la personne n'avait pas été vérifiée même si elle changeait plus de 1 000 $.

Puis, nous avons procédé à des opérations de 10 000 $. À la troisième étape, nous avons apporté des sommes de 25 000 $ dont nous disions qu'elles provenaient de la vente de drogue. Encore une fois, le règlement n'était pas respecté.

Tout cela pour dire que le processus de recyclage de l'argent comporte plusieurs étapes. Il y a le placement, la multiplication du placement, l'intégration et le rapatriement. C'est l'étape du placement qui constitue le maillon faible. Comme vous le savez, une fois que l'argent est dans le système et que les virements électroniques se font à l'échelle du globe, ce qu'on peut faire en deux heures nécessitera deux ans de travail policier par la suite.

J'ignore si cela a répondu directement à votre question, mais pour ce qui est du seuil, je suis d'accord avec le commissaire adjoint Killam. Notre service de police est disposé à discuter de ce qui sera dans l'intérêt de tous et de ce qui sera pratique. C'est une question complexe mais, en en discutant, et étant donné que c'est prévu dans le règlement, nous pourrons en venir à fixer un seuil raisonnable après avoir entendu tous les arguments pertinents. Il y a peut-être de nouvelles informations dont nous n'avons pas encore pris connaissance. Nos collègues des services du renseignement—je crois que vous avez entendu des représentants du SNRC hier—sont aussi passés par une période d'apprentissage. En dialoguant, nous pourrions trouver une solution.

• 1635

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Y a-t-il d'autres remarques sur la question du montant minimal de 1 000 $? Tout le monde est satisfait?

Merci.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Monsieur le président, d'abord, il y a quatre personnes qui veulent quitter. Vous n'avez pas besoin de rester. Vous pouvez partir si vous le voulez.

[Traduction]

Tous vos amis sont partis. Si vous voulez partir aussi, vous pouvez le faire maintenant.

[Français]

D'abord, il me fait plaisir d'accueillir nos témoins. Quand j'ai demandé un transfert du Comité de la justice au Comité des finances, c'était pour éviter de revoir certains d'entre vous. Malheureusement, je vous revois. Alors, soyez les bienvenus. Blague à part, il me fait plaisir de vous revoir. Je vais commencer par m'adresser à M. Law.

Est-ce que vous avez la traduction?

[Traduction]

M. Warren Law: Oui, mais à peine—ça va.

[Français]

M. Richard Marceau: Monsieur Law, je voudrais savoir combien de transactions de plus de 10 000 $ par jour ou par année les banques devront rapporter au centre, selon vous.

[Traduction]

M. Warren Law: Il serait bon que M. McLean, qui est de l'industrie, vous fasse part de son expérience.

M. Gene McLean: En virements télégraphiques seulement, je dirais que nous en avons plus de 100 000 par jour de plus de 25 000 $.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Dans le secteur bancaire seulement?

M. Gene McLean: Oui.

[Français]

M. Richard Marceau: Je vais jouer un peu au ping-pong. Monsieur Killam ou monsieur Goulet, pensez-vous qu'un centre serait capable de gérer 100 000 transactions par jour et de les analyser?

[Traduction]

Comm. adj. Tom Killam: Je crois que oui. Je m'en remets à mes collègues, mais d'autres pays ont fait face au même volume d'opérations chaque jour. Il y a trois diagrammes sur le mur; ils ne servent pas qu'à la pratique du tir. Ils vous donnent une indication de la façon dont on se sert de la technologie pour relier toutes ces opérations.

Les recycleurs d'argent tentent de faire leurs opérations dans le plus grand nombre d'endroits possible et au plus grand nombre de moments possible. Lorsque le centre sera créé, ces opérations, qui ne sembleront pas louches à première vue parce qu'elles excéderont à peine un montant donné, seront entrées dans une grande base de données grâce à laquelle nous pourrons faire le collationnement de ces opérations et dégager des tendances. C'est peut-être une bonne chose que le Canada soit l'un des derniers pays à se doter d'un tel centre. Nous aurons pu tirer des leçons de l'expérience des autres pays. Il y a bien des bases de données à l'étranger qui font précisément cela. Elles font le collationnement, elles rassemblent les informations...

C'est ce que je tentais d'expliquer tout à l'heure. Auparavant, lorsqu'une banque nous signalait une petite opération suspecte de 25 000 $... Si vous avez déjà fait un casse-tête de mille pièces, vous savez ce que je veux dire lorsque je compare cette opération suspecte à une pièce d'un casse-tête. Cette pièce seule ne peut vous permettre de brosser un tableau complet. Dorénavant, cette pièce du casse-tête sera transmise au centre et, à mesure que d'autres pièces proviendront d'autres banques, nous pourrons reconstituer le casse-tête et ensuite ouvrir une enquête.

Je tiens aussi à ce que votre comité comprenne que cela ne fera que nous indiquer qu'il y a eu recyclage d'argent ou qu'il semble y avoir recyclage d'argent. La GRC, comme organisme d'enquête, doit ensuite prouver que cet argent provient d'activités criminelles, de l'une des activités criminelles figurant au Code criminel—une infraction désignée en matière de drogues ou un délit économique.

• 1640

On a ensuite encore beaucoup de pain sur la planche, mais, au moins, nous avons au départ de meilleures informations. Vous avez raison. Ça semble très difficile à faire, mais peut-être que M. Goulet pourrait vous expliquer comment cela se fait au sein d'autres services de renseignements financiers.

Sgt é.-m. Lou Goulet: Si je peux me permettre d'ajouter une chose, monsieur, ce que vous voyez ici est une roue de chariot élaborée par nos collègues du FinCEN aux États-Unis. Chacune de ces lignes jaunes représente une opération. Les lignes vertes représentent un emplacement, les lignes brunes, un compte, les lignes jaunes, une opération, les lignes roses, une entreprise et les lignes bleues, une personne. Cela vous donne une vue d'ensemble. Toutes ces données ont été triées et colligées par ordinateur. Ici, par exemple, vous voyez les données relatives à cet endroit particulier. Une fois qu'on a traité ces données, on peut dégager les liens et tendances relatifs à cette organisation.

Je vous montre ceci pour vous prouver qu'une organisation peut faire ce genre de choses. C'est un cas réel provenant du FinCEN, aux États-Unis, dont on a supprimé quelques données avant de vous le présenter. Cela représente-t-il 100 000 opérations? Je l'ignore, mais il y en a certainement beaucoup. Pour vous répondre brièvement, je dirais que oui, cela peut se faire. De toute façon, est-ce que chacune de ces 100 000 opérations faites quotidiennement serait déclarée?

Mais la technologie, l'intelligence artificielle, peut nous amener d'ici à là. Nous espérons que le centre, selon notre conception, aura la capacité non seulement... on ne doit pas l'envisager seulement comme un système d'informations destinées à la police. Ce projet de loi dans son ensemble représente la volonté du secteur financier du Canada de réprimer le crime organisé. Comme l'a déclaré le commissaire adjoint Killam, ce n'est pas une panacée. Ce n'est qu'un outil de plus pour les organismes d'application de la loi.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci de m'avoir expliqué un peu les dessins. Ça ressemblait aux dessins que mes deux fils, qui sont âgés de deux ans, font pour moi et qui sont dans mon bureau. Alors, ça a de l'allure. Merci.

Monsieur Law, je reviens à vous. Dans votre document, à la page 4, vous dites que la loi ne devrait pas être trop normative. Au paragraphe suivant, vous semblez dire, selon la lecture que j'en fais—et peut-être que je me trompe—que vous déplorez qu'il n'y ait pas de définition de ce que sont «des motifs raisonnables de soupçonner».

Ça me paraît un petit peu contradictoire. Est-ce que vous souhaitez qu'il y ait une définition des motifs raisonnables ou, à tout le moins, certains éléments d'une définition? Et si c'est votre souhait, est-ce que vous avez une définition à nous suggérer?

[Traduction]

M. Warren Law: Nous voulons créer un système qui fonctionne bien. Dans la mesure où le régime que vous créez contient une part d'incertitude, il fonctionne moins bien. Je pense que certaines dispositions du projet de loi C-22 pourraient être améliorées. On dit souvent que les difficultés surgissent des menus détails.

Ainsi, l'article 7 porte sur les opérations louches. Qu'est-ce qu'une opération louche? Quand avez-vous des motifs raisonnables de croire qu'une opération devrait être déclarée? Le document de consultation du ministère des Finances indique qu'on élaborera des lignes directrices qui nous aideront à définir les motifs raisonnables. Nous encourageons simplement le gouvernement à élaborer ces lignes directrices pour nous guider, afin que nous sachions bien ce que nous devrons déclarer aux termes de l'article 7.

[Français]

M. Richard Marceau: J'ai une dernière question pour vous et ensuite j'en aurai d'autres pour d'autres personnes. Il y aura un coût associé à ces nouvelles obligations. Normalement, là où il y a une nouvelle obligation, il y a un coût. Vous n'êtes pas sans savoir—et là je parle en mon nom personnel, mais aussi au nom des témoins, qui, je crois, pensent la même chose—que les frais bancaires sont déjà très élevés.

Êtes-vous capable de nous assurer que les coûts de ces nouvelles obligations ne seront pas transmis aux clients des banques, puisque c'est en quelque sorte votre responsabilité, en tant que citoyen corporatif et citoyen de la société en général?

• 1645

[Traduction]

M. Warren Law: Notre association représente de nombreux membres et il incombera bien sûr à chacun de ces membres de décider ce qu'il fera des coûts associés à la nouvelle loi. Mais il importe de noter que les lois claires permettent des économies qui contribuent à réduire les coûts. Par conséquent, j'encourage le gouvernement à s'assurer que la loi, y compris le règlement et les lignes directrices, sera aussi claire que possible.

[Français]

M. Richard Marceau: Est-ce qu'il me reste du temps pour une autre question?

J'ai une dernière question. Monsieur Griffin, je ne pouvais pas vous oublier.

Vous dites à la page 7 de vos notes:

[Traduction]

«La règle exigeant que soient déclarées toutes les opérations de 10 000 $ ou plus est justifiée et ne devrait pas être assouplie».

[Français]

Je pose la question parce que je veux une réponse, et non pas parce que je veux me faire l'avocat du diable. L'obligation d'aviser de toute transaction suspecte ne suffit-elle pas? Est-ce qu'on a vraiment besoin de ce plancher? Est-ce qu'on ne peut pas faire confiance aux banques, à H&R Block ou à d'autres pour dire: que ce soit inférieur ou supérieur à 10 000 $, quand c'est suspect, on va le déclarer? Est-il vraiment nécessaire de déclarer toutes les transactions de 10 000 $?

[Traduction]

M. David Griffin: Si j'ai bien interprété le projet de loi et le projet de règlement, il y aura des exemptions pour les opérations dont ont parlé les banquiers, à savoir les opérations de change entre institutions et les opérations gouvernementales qui laissent des traces documentaires. Mais en ce qui concerne les opérations en espèces et les virements électroniques au nom de particuliers, nous estimons qu'il faut fournir suffisamment d'informations à l'organisme de surveillance des transactions financières afin qu'il puisse déterminer s'il est raisonnable de croire qu'il y a eu recyclage d'argent.

Nous estimons qu'il faut ratisser large au départ. Puis, à mesure que l'organisme de surveillance sera rodé et commencera à se pencher sur ces informations, il pourra se défaire des renseignements qui ne lui sont pas utiles. Cela serait mieux que de limiter dans la loi le genre d'informations qu'on peut recueillir et reprendre le même processus plus tard pour relever le seuil.

J'aimerais aussi répondre à la suggestion qui a été faite hier voulant que certains genres d'institutions, telles que les Églises, ne soient pas assujetties à l'obligation de déclaration. Il y a des institutions traditionnelles, telles que les Églises, mais il y a aussi d'autres organisations qui pourraient se faire passer pour des Églises. Il faut donc être très prudents avant d'accorder des exemptions.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci, monsieur Marceau.

[Français]

Monsieur Gallaway, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Roger Gallaway: Je suis sans voix pour l'instant, mais cela ne durera pas.

Une voix: C'est plutôt rare.

M. Roger Gallaway: En effet.

J'aimerais d'abord poser une question à M. Irving. Nous avons entendu la question qu'a posée M. Marceau au sujet des coûts. Votre organisation a-t-elle mené une étude ou dressé un plan quelconque sur ce qu'il pourrait lui en coûter pour se conformer à cette loi?

M. Bonar Irving: Non, nous ne l'avons pas fait. Nous n'avons reçu une invitation à comparaître qu'il y a environ une semaine. Nous n'avons pas fait d'étude qui dit qu'à un certain volume, le coût s'élèvera à tel montant. Tout ce que nous savons, c'est que cela fera augmenter nos coûts.

M. Roger Gallaway: Dans votre mémoire, vous parlez du seuil de 1 000 $ à partir duquel vous devrez tenir des dossiers—ou était-ce 3 000 $? D'où vient ce chiffre? Vous avez fait allusion à la partie IV du projet de loi. J'ai regardé à la partie IV et cela m'a peut-être échappé, car je n'ai pu le trouver nulle part. Peut-être que l'un de nos attachés de recherche peut nous dire où cela se trouve. Je me demandais tout simplement où vous étiez allé chercher ce chiffre.

• 1650

Comm. adj. Tim Killam: Je suppose que c'est dans votre règlement.

M. Roger Gallaway: Dans le règlement. Très bien.

Cela m'amène à la question suivante que je voudrais poser à l'Association des banquiers et à nos amis de H&R. Il s'agit là d'une loi très peu limitative et à titre de parlementaire, je trouve très troublant que nous accordions autant de pouvoir à un organisme indépendant qui sera créé par cette loi—si elle est adoptée dans sa forme actuelle—organisme qui créera de nombreuses règles que personne au Parlement ne verra jamais. En fait, cet organisme ne fera même pas rapport au Parlement. Pour un homme d'affaires comme vous qui représente une société, cela doit être une préoccupation. C'est pour cette raison que je vous ai posé une question au sujet des coûts.

J'aimerais demander à l'Association des banquiers canadiens si elle a fait une étude des coûts, tels que vous les connaissez? Vous et moi savons qu'un règlement à ce stade-ci n'est qu'un mirage.

M. Gene McLean: Non. J'imagine que nous pourrions dire que les coûts supplémentaires comprendraient certainement l'électronique, un nouveau régime de déclaration et la formation du personnel.

M. Roger Gallaway: Donc vous et vos membres n'avez quantifié d'aucune manière les coûts que cela représentera.

M. Gene McLean: Non.

M. Roger Gallaway: M. Marceau vous a demandé de vous engager, si j'ai bien compris, à évaluer quel coût cela représentera pour les clients—naturellement, cela est de nature confidentielle—en tenant compte de la nécessité de combattre cette activité criminelle, et nous sommes tous en faveur de la lutte contre cette activité criminelle.

Dans votre mémoire, vous soulignez qu'il n'existe aucune définition des motifs raisonnables pour déclarer une transaction. Je pense qu'il s'agit là d'un point valable.

J'aimerais vous demander, monsieur Killam, s'il s'agit là à votre avis d'une mesure raisonnable. Autrement dit, existe-t-il une autre façon pour les institutions et les groupes... Nous ne savons même pas qui est visé par les dispositions du projet de loi à l'étude sur la déclaration obligatoire, car cela sera précisé dans le règlement si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle. On devrait ratisser large, d'après ce que M. Griffin a dit, pour atteindre cette foule de gens, d'entreprises et d'institutions, et même aussi les Églises. Selon cette disposition générale, bien des gens seront tenus de faire une déclaration, s'ils ont des motifs raisonnables de le faire, mais nous ne savons pas ce que cela signifie.

En même temps, nous avons au Canada un système de défense que l'on appelle Douanes Canada. Douanes Canada n'exige pas que quiconque entre au pays remplisse un formulaire. L'article 110 de l'American Immigration Act, qui entrera en vigueur le 1er avril 2001, stipule que tout le monde doit remplir un formulaire. Le gouvernement du Canada lutte contre cette loi aux États-Unis car il dit qu'elle est déraisonnable.

Ce n'est peut-être pas une bonne analogie, mais à votre avis, est-ce que ce régime—nous ne savons pas aujourd'hui ce que sera ce régime; c'est le règlement qui le précisera—est établi de façon raisonnable, ou y a-t-il une solution de rechange? Cette solution de rechange consisterait à compter sur ceux qui transigent sur le marché pour reconnaître que certaines transactions sont habituelles—peut-être qu'elles sont parfois exceptionnelles, mais elles sont néanmoins normales—plutôt que de provoquer une véritable tempête qui ne se manifestera pas sous forme de verglas mais plutôt sous forme de papier.

Comm. adj. Tim Killam: Vous m'avez donné beaucoup d'information, mais je suppose qu'en fin de compte je pense—corrigez-moi si je me trompe...

M. Roger Gallaway: Très bien.

Comm. adj. Tim Killam: ...que de toute évidence ce que nous avions, c'était un régime de déclaration volontaire. Nous avions un régime de déclaration, les gens déclaraient... Pardonnez-moi, ils consignaient les opérations; ils n'étaient pas tenus de les déclarer. Je peux en toute honnêteté dire que nous avions de bons rapports avec l'Association des banquiers canadiens et les banques à charte. Le problème, c'est qu'il n'y avait aucune façon de recueillir les données comme on le propose ici.

• 1655

Oui, la façon est inhabituelle. Ces opérations arrivent au centre—M. Griffin ne voulait pas dire que les Églises seraient tenues de faire des déclarations; ce serait la banque ou l'institution financière qui en prendrait connaissance et qui les déclareraient. Cette information arriverait au centre et elle serait ensuite compilée. Étant donné qu'elle arrive à partir d'un seuil si bas, visant à repérer les opérations louches, les données sont accumulées par le centre et ce dernier les transmet à la police lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'il y a délit. Ensuite, naturellement, pour la police, si cela ne suffit pas pour porter des accusations ou faire beaucoup de choses, alors il doit y avoir une enquête pour déterminer s'il y a des motifs raisonnables pour obtenir une ordonnance d'un tribunal et prendre des mesures.

Donc, l'affaire n'est jamais communiquée par le centre à la police tant que le dossier n'est pas monté. Nous n'en prendrions jamais connaissance. Lorsque nous en prenons connaissance, la première chose que nous voyons, ce sont des données de base que nous fournit le centre. Ce sont des données très générales, par exemple: «M. Gallaway a fait telle ou telle chose à tel et tel endroit.» La raison pour laquelle le dossier est envoyé à la police, c'est qu'on est parti d'un niveau très inhabituel pour atteindre un autre seuil—non pas un niveau criminel, mais presque, quelque chose entre les deux.

Voilà donc de quelle façon cela fonctionnerait, c'est-à-dire selon ce qui s'est produit dans tous les autres pays membres du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux. Dans le cadre de mon emploi précédent, j'ai beaucoup participé aux entretiens sur cette question avec les ministères.

M. Roger Gallaway: Je suppose que ce dossier, celui du blanchiment de l'argent, est votre principale tâche. C'est l'une de vos principales préoccupations.

Comm. adj. Tim Killam: Ça l'était, oui.

M. Roger Gallaway: Pouvez-vous me dire dans quels autres pays il existe un organisme semblable à celui-ci?

Comm. adj. Tim Killam: Oui, il y en a un aux Pays-Bas et en Belgique. FinCEN y ressemble beaucoup.

M. Roger Gallaway: Prenons par exemple celui des Pays-Bas. De quelle façon est-il différent du modèle canadien qui est proposé ici?

Comm. adj. Tim Killam: Mon collègue ici est davantage au courant, mais chaque pays a des différences selon sa charte et ses lois. Le principe fondamental est cependant exactement le même.

M. Roger Gallaway: Je comprends que le principe soit le même. Vous avez lu le projet de loi. On voit comment le centre sera conçu et comment le directeur sera nommé. Avons-nous copié ce qui existe dans un autre pays? Je veux parler des détails plutôt que des principes généraux.

Comm. adj. Tim Killam: Oui, nous avons les lois de tous les différents pays.

M. Roger Gallaway: Je me demande s'il y en a un que nous avons pris comme modèle. Ou bien s'agit-il d'une solution d'origine strictement canadienne?

Comm. adj. Tim Killam: Non, ce n'est pas une solution d'origine strictement canadienne, mais elle est canadienne dans la mesure où ce sont nos lois et notre charte.

M. Roger Gallaway: Très bien.

Comm. adj. Tim Killam: En fait, au Canada, étant donné la charte et les mesures de protection de la vie privée, c'est beaucoup plus difficile. Nous devons être très prudents.

Je crois que c'est hier que M. Abbott a demandé pourquoi ce n'était pas la police... La raison pour laquelle ça ne va pas à la police, c'est que tout ce qui serait signalé de façon inhabituelle à la police serait contraire à la charte, un point c'est tout. Nous ne pouvons l'utiliser. Ce serait beaucoup plus facile si nous avions nos propres services de renseignement, et si nous pouvions tout compiler et faire quelque chose. Naturellement, ce serait beaucoup plus facile. Ce n'est pas ainsi que nous procédons au Canada, en raison de notre charte et de la protection de la vie privée, des choses auxquelles nous tenons ici au Canada. Il s'agit cependant d'une solution canadienne pour cette raison, mais nous utilisons essentiellement les même principes.

En fait, pour ce qui est du règlement et des choses dont les banquiers et H&R Block parlaient, nous allons examiner tout cela car il s'agit là d'un bon point de départ pour lancer le débat.

M. Roger Gallaway: C'est une idée, mais notre travail consiste à nous assurer que le cadre juridique n'est pas laissé à des gens qui ne sont pas responsables devant le public. Lorsque l'on établit un cadre de travail qui se fonde sur un règlement—et je suis responsable devant le public tandis que quelqu'un qui travaille au Centre ne l'est peut-être pas de la même façon. Nous avons donc une série de règles établies dans un règlement qui régiront certaines choses, notamment ce que l'on retrouve à l'article 6 du projet de loi à l'étude, entre autres.

À cet égard, puisque vous avez étudié la question, pouvez-vous me dire s'il existe d'autres pays où les règles sont établies par règlement par opposition à des règles définies dans un cadre législatif?

• 1700

Comm. adj. Tom Killam: Je n'ai pas d'autres lois devant moi.

M. Roger Gallaway: Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci.

Concernant l'un des points que vous avez soulevés, monsieur Gallaway, l'article 72 du projet de loi exige un examen quinquennal par le Parlement, ou par un comité.

M. Roger Gallaway: Je comprends cela, mais il y a néanmoins un hiatus de cinq ans où...

Le président suppléant (M. Paul Szabo): C'est le hiatus de cinq ans qui vous préoccupe, non pas le fait qu'il n'y ait pas d'examen parlementaire. Il s'agit d'un examen ponctuel, non pas d'un examen qui se ferait tous les cinq ans, comme on en a parlé dans le cas d'autres projets de loi, notamment pour l'agence de recouvrement des recettes et d'autres. Cela est important.

Je pense que les membres ont sans doute épuisé leur liste. Les témoins voudront peut-être faire des observations sur le concept de ce qui constitue une transaction suspecte. D'autres témoins nous ont laissé entendre que ce n'était pas un concept défini et que nous devrions le définir. Ce qui est intéressant cependant, c'est que nous avons eu du mal à trouver quelqu'un qui puisse nous proposer une définition. Ce qui est frustrant, je crois, c'est que dans ce contexte et cet environnement, il y a beaucoup de subjectivité. Y a-t-il un consensus au sein de votre groupe selon lequel même s'il serait souhaitable d'éliminer une telle subjectivité, il ne serait peut-être pas pragmatique de tenter de définir un tel concept?

M. Warren Law: Je pense que les agences d'application de la loi ont déterminé certains modèles de conduite qui pourraient certainement éveiller des soupçons au sujet d'une transaction.

Comm. adj. Tom Killam: Oui, exactement, et mon collègue ici a mentionné que ce qui est suspect dans une région du pays, par exemple, ce qui est suspect à Metcalfe, ne l'est peut-être pas à Ottawa ou à Montréal. Je ne veux pas banaliser la question, mais il y a un certain nombre d'autres unités de renseignements financiers qui, en collaboration avec les banques, ont mis au point un logiciel qui crache tout ce qui est inhabituel, qui fait ressortir les anomalies. C'est le genre de choses...

Sgt é.-m. Lou Goulet: Monsieur Szabo, si je peux ajouter quelque chose, il est clair que cela exige un examen constant, la tenue de dossiers, et un système de recherche documentaire; de fait, les méthodes de transferts frauduleux évoluent.

Nous avons par exemple examiné le système qui existe au Pays- Bas, où ils utilisent des indicateurs objectifs et subjectifs pour tirer des conclusions. Par exemple, dans le cas des transactions en espèces inférieures à un certain seuil, ils examinent une série d'identificateurs, notamment—et ils ne sont pas pris isolément—mais disons que quelqu'un arrivent en deçà du seuil et qu'il y a des problèmes d'identification, des conditions inhabituelles, qu'il s'agit d'une transaction atypique pour le client, que la transaction est présentée de façon inhabituelle, qu'il y a des dépôts fréquents par d'autres titulaires de compte, qu'il n'y a aucun objectif légal qui puisse être expliqué, un roulement exceptionnel, etc. Ils ont alors une série d'indicateurs qui sont utilisés collectivement pour examiner cette transaction en particulier.

Encore une fois, il s'agit d'un dossier qui évolue, mais il y a des exemples qui sont en fait utilisés aujourd'hui par d'autres unités, dans ce cas-ci les Pays-Bas.

M. Jim Abbott: J'ai un bref commentaire. Malheureusement, je crois que M. Gallaway est parti. Je regarde le projet de loi sous sa forme actuelle et l'article 71 se lit comme suit:

    71. Au plus tard le 30 septembre de chaque année à compter du premier anniversaire de l'entrée en activité du Centre, le directeur présente au ministre le rapport d'activités de celui-ci pour l'année précédente; le ministre en fait déposer un exemplaire devant chaque Chambre du Parlement dans les 30 premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

C'est dommage que M. Gallaway ne soit pas là; Mais je ressens une certaine confusion. Je pense que cet article règle son problème.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Oui. Le texte est subtil, mais le ministre ne s'engage pas à renvoyer le rapport au comité pour y être étudié. Le rapport est là à titre d'information, mais on ne dit pas clairement si l'article 72 oblige vraiment le Parlement à examiner l'administration de l'agence... De toute façon, j'ai l'impression que nous allons discuter de cette question encore demain.

• 1705

Messieurs, merci beaucoup de vos contributions. Elles ont été utiles au comité. Je pense que vous avez soulevé des questions importantes. On a fait une suggestion, une recommandation, à propos du mot «toute» dans l'article portant sur la diligence convenable, et en fait on m'a signalé que cet amendement sera présenté. Donc merci de l'avoir signalé; nous allons certainement faire quelque chose à cet égard.

J'apprécie tous vos commentaires sur ce projet de loi important et je vous remercie pour le temps que vous y avez consacré.

La séance est levée.