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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 décembre 1995

.0933

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous recevons aujourd'hui les fonctionnaires du ministère de la Justice. Il s'agit de Mary Dawson, sous-ministre déléguée; Warren Newman, avocat-conseil, Section du droit constitutionnel et international; Louis Davis, avocat-conseil, Section du droit constitutionnel et international; et Stephen Zaluski, conseiller juridique, Section des droits de la personne.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Comme j'en ai discuté avec vous, madame Dawson, je crois savoir que les remarques faites par le ministre hier vous tiendront lieu de déclaration liminaire, et que l'on peut commencer dès maintenant à interroger les fonctionnaires sur le projet de loi.

Le Bloc n'est pas représenté ici ce matin, aussi allons-nous commencer avec M. Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.

Bienvenue à cette séance qui porte sur le projet de loi C-110.

.0935

Y en a-t-il parmi vous ce matin qui ont eu quoi que ce soit à voir avec la rédaction de ce projet de loi? Y avez-vous participé?

Mme Mary Dawson (sous-ministre déléguée, ministère de la Justice): Oui. Nous sommes tous membres de l'équipe de conseillers constitutionnels du gouvernement, et nous avons participé à l'élaboration de ce projet de loi.

M. Ramsay: D'accord. Je constate que le projet de loi ne contient aucun article sur les sanctions.

Mme Dawson: Non.

M. Ramsay: Donc, si le gouvernement fédéral contrevient à ce projet de loi, c'est complètement égal. Il n'y a rien qu'on peut faire. Il n'y a pas de sanctions.

Mme Dawson: Je ne pense pas que ce soit complètement égal. Premièrement, le gouvernement ne propose pas de lois avec l'intention de ne pas les respecter. Nous croyons au contraire que ce projet de loi a une valeur juridique et qu'on pourrait aller devant les tribunaux. Une déclaration judiciaire serait le genre de réparation qu'on pourrait obtenir d'un tribunal.

M. Ramsay: Quel effet cela aurait-il sur la modification constitutionnelle qu'on propose? Quel effet obtiendrait-on? Quel effet aurait une décision judiciaire sur le fait de contrevenir à cette loi si elle devait entrer en vigueur?

Mme Dawson: Cela n'aurait aucun effet direct sur une modification constitutionnelle si l'on respecte toutes les obligations constitutionnelles, mais le gouvernement serait aux prises avec une déclaration judiciaire lui rappelant qu'il a omis de se conformer à l'une de ses propres lois.

M. Ramsay: Cela ne changerait rien au processus de modification constitutionnelle.

Mme Dawson: Il faudra que je réfléchisse à cela, mais au pied levé, je ne crois pas que cela changerait quoi que ce soit parce que le processus de modification constitutionnelle prime tout.

M. Ramsay: Donc cela n'a pas vraiment d'effet juridique sur le processus constitutionnel.

Mme Dawson: Ce projet de loi ne vise pas à modifier la formule de modification constitutionnelle. Si tel était le cas, ce projet de loi serait anti-constitutionnel. Il n'est question ici que du comportement du gouvernement du Canada dans l'articulation de ses résolutions constitutionnelles.

La question n'est pas simple, mais je crois qu'un tribunal qui constaterait un manquement à cette loi déclarerait à la limite qu'on ne s'y est pas conformé.

M. Ramsay: D'accord. J'aimerais maintenant passer à une autre question que j'ai moi-même posée au ministre de la Justice hier soir.

Dans ce projet de loi, on ne définit pas le terme «province». On dit ce que sont les provinces de l'Atlantique et les provinces de l'Ouest, mais il n'y a pas de définition. On n'accorde donc pas d'influence ou de pouvoir important aux provinces pour ce qui concerne les mesures ou les modifications constitutionnelles.

Je vais donc commencer par vous demander ce que cela veut dire. On dit: «que si la majorité des provinces y a préalablement consenti; cette majorité doit comprendre l'Ontario, le Québec», etc. Qu'est-ce que cela veut dire? Qui a le pouvoir d'accorder son consentement ou de le refuser?

Mme Dawson: Le mot qu'on emploie ici est «provinces». C'est délibérément qu'on ne précise pas ce terme afin de donner au gouvernement la capacité de déterminer ce qui constituerait un consentement dans les circonstances.

M. Ramsay: Quel gouvernement?

Mme Dawson: Le gouvernement du jour.

M. Ramsay: De la province?

Mme Dawson: Le gouvernement fédéral.

M. Ramsay: Très bien. Ma question est très précise.

Mme Dawson: D'accord.

M. Ramsay: J'aimerais que vous disiez au comité à qui, à votre avis, l'article 1 donne le droit de consentement. À qui donne-t-on le droit de consentement que si la majorité des provinces y a préalablement consenti et que cela inclut l'Ontario et le Québec? Si on prend l'Ontario ou le Québec comme exemple de provinces à qui l'on donne cette autorité ou ce pouvoir, qu'est-ce que cela veut dire? Qui reçoit ce droit? Est-ce le gouvernement du Québec? Est-ce le gouvernement de l'Ontario?

.0940

Mme Dawson: Je préfère ne pas le voir en termes de pouvoir aux provinces, et c'est pourquoi je vous ai donné la réponse que vous avez entendue la première fois.

Le gouvernement fédéral déterminera à quel moment il aura reçu le consentement des provinces. Disons qu'il s'agit par exemple de l'Ontario; au sens où l'on entend normalement le mot «provinces», on s'adresserait au gouvernement de la province.

Mais nous estimons qu'il y a d'autres modes d'expression du consentement provincial qui pourraient être plus indiqués, selon les circonstances. La plus évidente est l'expression de l'assemblée législative. Nous croyons que si l'assemblée législative donne son consentement, comme c'est le cas normalement dans le processus de modification constitutionnelle, cela constituerait aussi le consentement provincial.

Mais c'est un mot que nous nous sommes gardés de définir délibérément. Donc, ce sont les circonstances qui vont déterminer ce que le gouvernement du Canada jugera à ce moment-là être un consentement suffisant.

M. Ramsay: Quand une loi fédérale comme celle-ci accorde des pouvoirs, ces pouvoirs sont accordés à une entité qui va les exercer. Je me demande qui va exercer ces pouvoirs.

Mme Dawson: Comme je l'ai dit auparavant, il n'est pas tout à fait exact de dire qu'il s'agit là d'un pouvoir que nous accordons à quelqu'un. C'est le gouvernement fédéral qui conserve le pouvoir. Il s'agit ici du droit de veto fédéral. Ce que ce projet de loi dit, c'est que dans l'exercice du pouvoir fédéral, nous posons quelques conditions internes, entre autres déterminer si les diverses provinces nommées aux alinéas a) à d) ont donné leur consentement. Ce n'est donc pas un pouvoir qu'on donne à une province, il s'agit d'une condition.

M. Ramsay: Qui a le pouvoir au sein de la province de donner son consentement à une modification constitutionnelle ou d'y opposer son veto?

Mme Dawson: Encore là, je n'aime pas le mot «pouvoir».

Abstraction faite de cela, au sens où l'on entend normalement un mot «province», il s'agit du gouvernement de la province. Il fait peu de doute, à notre avis, que l'assemblée législative de la province pourrait être également l'entité qui donne son consentement, tout comme il peut y avoir aussi d'autres moyens d'obtenir ce consentement, selon les circonstances.

M. Ramsay: Donc, vous dites que le droit de donner ou de refuser le consentement est accordé aux gouvernements des provinces nommées ici?

Mme Dawson: Je ne le dirais pas comme ça, mais oui, essentiellement. C'est accordé aux gouvernements des provinces.

M. Ramsay: Pour continuer dans la même veine, si je comprends bien, si l'on propose une modification constitutionnelle, on applique d'abord la formule 7 et 50, où les assemblées législatives décident si elles sont favorables ou défavorables à la modification, et si sept provinces sur dix représentant 50 p. 100 de la population sont d'accord, la modification est adoptée.

Disons qu'il s'agit d'une modification constitutionnelle et que l'on applique la formule 7 et 50. Disons que la province de l'Ontario la repousse, mais, parce que les autres provinces qui l'approuvent représentent 50 p. 100 de la population, la modification est adoptée. Au deuxième niveau, ce vers quoi nous nous dirigeons ici, si l'on accorde le pouvoir au gouvernement de l'Ontario, on lui donne une seconde chance, à savoir le droit de veto. Il peut faire avorter la modification.

L'argument que j'essayais de faire valoir hier soir auprès du ministre de la Justice - je pense que vous étiez là - était que nous négligions le facteur le plus stabilisateur dans notre société, c'est-à-dire la volonté de la majorité bien informée. C'est ce que nous avons vu lors du référendum tenu au Québec et c'est ce qui a vraiment maintenu le Québec stabilisé, au moins dans le pays. C'était la population.

Si, comme vous l'avez suggéré, nous accordions ce pouvoir aux gouvernements des provinces - et il me semble très clair que c'est ce qui se passe ici - les gouvernements de ces provinces n'auront alors aucun besoin de dépasser leurs propres pouvoirs pour refuser ou accorder leur consentement et ils n'ont pas besoin d'en appeler à la population, comme c'est arrivé dans la province de Québec.

.0945

Mme Dawson: Ils doivent s'adresser à la population, mais en réalité, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont prévu dans leurs lois un mécanisme en vertu duquel leur gouvernement s'adresse à la population avant d'adopter une résolution constitutionnelle.

Je dis que chaque province proposera des modifications constitutionnelles de la façon dont elle le jugera bon. Nous savons que l'Alberta et la Colombie-Britannique préfèrent agir par voie de référendum, mais ce n'est pas nécessairement la façon dont toutes les autres provinces agiraient.

M. Ramsay: Je poserai d'autres questions plus tard.

Le président: À cet égard, avant de donner la parole à Mme Barnes, si une province refusait d'exprimer son accord ou si on estimait que la province agissait à l'encontre des intérêts de la population aux termes de cet article, le gouvernement fédéral pourrait consulter directement la population en tenant un référendum dans cette province, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Je pense que l'interprétation de cet article dépendrait des circonstances.

Le président: Il est possible de l'interpréter ainsi.

Mme Dawson: C'est une façon possible de l'interpréter.

Le président: Je vois.

Madame Barnes, vous avez droit à dix minutes.

Mme Barnes (London-Ouest): Je pense que notre ministre a été assez clair hier soir, mais il y a trois sujets différents dont j'aimerais que vous parliez ce matin. Les deux premiers, que j'aimerais vous entendre commenter publiquement, portent sur des questions de forme.

Je voudrais que vous décriviez quelle combinaison de provinces de l'Ouest ou de l'Atlantique possède un droit de veto en vertu des régions. Pourriez-vous expliquer qui devrait s'associer avec qui et qui peut bloquer ou... ?

Mme Dawson: Je ne suis pas certaine de pouvoir être précise, mais en ce qui concerne les provinces de l'Ouest, nous savons que la Colombie-Britannique représente environ 43 p. 100 de la population de la région. Par conséquent - mes collègues ont les pages où tout cela est expliqué en détail - essentiellement, si la Colombie-Britannique se joignait à n'importe quelle autre province, elle remplirait les conditions requises. Si je me souviens bien, il faudrait que les trois autres provinces - le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta s'allient pour obtenir le taux de 50 p. 100. Je suppose que c'est là le minimum et le maximum. C'est la Colombie-Britannique avec n'importe quelle autre province ou les trois autres provinces ensemble...

Mme Barnes: Est-ce que l'Alberta alliée à la Colombie-Britannique suffirait?

Mme Dawson: Oui. Il faudrait la Colombie-Britannique avec n'importe quelle autre province ou les trois autres provinces ensemble.

Mme Barnes: Qu'en est-il des provinces de l'Atlantique? Passons à l'autre extrémité du pays.

Mme Dawson: Dans la région Atlantique, je crois que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick dépasseraient le taux des 50 p. 100, de même que la Nouvelle-Écosse avec le Nouveau-Brunswick ou Terre-Neuve, ou le Nouveau-Brunswick avec la Nouvelle-Écosse ou Terre-Neuve. Autrement dit, ce serait essentiellement n'importe quelle combinaison de deux des trois provinces que j'ai mentionnées, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. L'Île-du-Prince-Édouard ne ferait vraiment pas de différence. Il faudrait deux autres provinces pour obtenir le taux de 50 p. 100.

Mme Barnes: Bien. Ma prochaine question porte sur les types de modifications futures auxquelles on pourrait faire obstacle. Si j'ai bien compris, l'impact réel concernerait les modifications auxquelles s'appliquent la règle de sept provinces et 50 p. 100 de la population. Aux fins du compte rendu, j'aimerais que vous expliquiez de quels types de modifications il s'agit généralement.

Mme Dawson: Voulez-vous parler des modifications qui font exception?

Mme Barnes: Oui.

Mme Dawson: Il y a deux motifs d'exception, soit que la Constitution prévoie déjà un veto pour chaque province à cause de la formule d'unanimité que contient l'article 41, soit à cause d'une exigence bilatérale selon laquelle toute province touchée par une modification doit avoir voix au chapitre. Les articles 41 et 43 portent sur des exclusions en raison de l'existence de veto.

L'autre exclusion figure à l'article 38. Il est possible d'éviter les effets de certaines modifications, en particulier de celles qui enlèvent aux provinces des droits de propriété ou des droits législatifs. Tous les cas où une province peut se retirer ne sont pas prévus dans cette disposition, parce qu'elles ont une sorte de veto en vertu du paragraphe 38(3).

Mme Barnes: Bien. Voici maintenant ma dernière question. Le projet de loi, dans son libellé actuel, permet-il aux députés et aux sénateurs, qui ne sont pas ministres, de présenter des résolutions portant modification?

Mme Dawson: Oui. L'interdiction concerne les ministres.

.0950

Mme Barnes: Bien. Par conséquent, si le gouvernement... Comment cela fonctionnerait-il?

Mme Dawson: Essentiellement, n'importe quel député a le pouvoir de déposer une motion. C'est le Règlement de la Chambre qui déterminerait alors ce qu'on ferait de cette motion.

Mme Barnes: Il s'agit donc du processus normal concernant les projets de loi d'initiative parlementaire, notamment le tirage au sort et le reste.

Mme Dawson: Oui.

Mme Barnes: Très bien, merci.

Le président: Mme Barnes a encore droit à six minutes. Quelqu'un veut-il les utiliser? Dans ce cas, M. Ramsay a droit à cinq minutes.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président.

En vertu de notre procédure de modification actuellement en vigueur, est-ce seulement le gouvernement fédéral qui peut proposer une modification constitutionnelle?

Mme Dawson: Non. N'importe qui peut proposer une modification constitutionnelle - n'importe quelle province ou le Sénat.

M. Ramsay: Avant qu'on ne donne la parole aux députés ministériels, nous discutions de tout le principe du droit de veto accordé aux provinces en vertu de ce projet de loi. En vertu de la formule des sept provinces et 50 p. 100 de la population, bien que le Québec ou l'Ontario puisse s'opposer à une modification constitutionnelle et perdre leur cause, ces deux provinces pourraient ensuite opposer leur veto et bloquer ainsi la modification, grâce au pouvoir que leur accorde le projet de loi C-110. Vous avez mentionné que la Colombie-Britannique et l'Alberta sont deux provinces qui doivent consulter la population au moyen d'un référendum, mais les deux provinces mentionnées spécifiquement ici, l'Ontario et le Québec, n'ont pas une telle disposition les obligeant à consulter leur population.

Je veux dire qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui autorise ou oblige le gouvernement de toute province qui obtiendra ce pouvoir de veto ou de consentement à consulter la population au moyen d'un référendum. Il n'y a rien ici qui exhorte les provinces à le faire ou qui les y force. En réalité, nous renforçons seulement la formule des sept provinces et 50 p. 100 de la population, c'est-à-dire qu'au Québec ou en Ontario, ce n'est pas la population qui décidera, à moins que leurs assemblées législatives le jugent bon. Pensez-vous que c'est sage?

Mme Dawson: Premièrement, je pense que c'est exact. L'objet du projet de loi, je pense, est de fournir un mécanisme de transition à court terme. L'objet du projet de loi n'est pas d'imposer pour l'instant de nouveaux mécanismes comme un référendum, en ce qui concerne la procédure de modification constitutionnelle. Nous sommes en attente jusqu'à ce qu'on puisse en discuter et faire avancer la chose en 1997. L'objectif, en l'occurrence, est seulement de rassurer les différentes régions du Canada, de confirmer que dans l'intérim, rien ne sera fait contre leur gré.

M. Ramsay: Mais le projet de loi accorde un veto au Québec et à l'Ontario. Il n'est pas accordé à la population de ces provinces, mais à leur assemblée législative ou à leur cabinet, si vous voulez.

Mme Dawson: C'est exact.

M. Ramsay: Une poignée de personnes peut opposer un veto à une modification constitutionnelle qui pourrait être dans l'intérêt de la population.

Mme Dawson: Si vous le permettez, il s'agit des représentants élus de la population.

M. Ramsay: Mais nous avons vu qu'une modification constitutionnelle proposée dans une province a amené la population à exiger un référendum, qui n'a pas été appuyé par une grande majorité des électeurs de cette province. Pourtant, parce que la signature du premier ministre de la province figurait sur la modification constitutionnelle, on a forcé la tenue d'un vote sur une question à laquelle la population s'opposait et qui n'était pas dans ce qu'on estimait être l'intérêt de la province ou même du pays.

Mme Dawson: Je pense qu'on a laissé intentionnellement ces questions pour les discussions de 1997. On n'avait pas l'intention, dans cette mesure législative, de modifier les règles du jeu.

.0955

M. Ramsay: On espère donc qu'une modification constitutionnelle ne sera pas présentée avant, de sorte qu'on n'aura pas à utiliser cette mesure avant 1997? Est-ce l'objet de cette mesure transitoire?

Mme Dawson: Non. Si une modification constitutionnelle devait être proposée entre temps, on aurait ainsi un mécanisme permettant d'assurer aux différentes régions que rien ne sera fait contre leur gré.

M. Ramsay: Mais la mesure accorde ce genre de pouvoir à une poignée de personnes seulement.

Mme Dawson: Au gouvernement du jour.

M. Ramsay: Oui, mais pas à la population.

Mme Dawson: Cette mesure ne vise pas particulièrement la population. Comme je l'ai dit tantôt, il y a une certaine latitude pour déterminer la façon dont on déciderait si un consentement adéquat a été donné, selon les circonstances.

M. Ramsay: Bien. Le gouvernement fédéral a le pouvoir de tenir un référendum national sur une modification constitutionnelle, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Oui, il l'a.

M. Ramsay: Bien, je vous remercie.

Le président: J'aimerais une précision, madame Dawson. Elle découle de la question de M. Ramsay. Si une province ne donnait pas son consentement, le gouvernement fédéral pourrait s'adresser à la population de cette province en y tenant un référendum fédéral pour déterminer si la population acceptait une modification, après quoi le gouvernement fédéral pourrait interpréter ce résultat comme un consentement à une modification, aux termes du projet de loi C-110, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Je ne pense pas qu'il y ait une réponse absolument claire à cette question. Je pense que cela dépendrait des circonstances.

Le président: Bien. Je pensais que c'était clair, mais je suppose que nous différons d'opinion là-dessus.

Madame Phinney, vous avez droit à cinq minutes.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Pourriez-vous me dire quel nouveau pouvoir ce projet de loi donne au gouvernement fédéral?

Mme Dawson: En réalité, c'est le contraire qui se passe. Le projet de loi impose au gouvernement fédéral une restriction à laquelle il n'était pas assujetti auparavant. Le gouvernement entreprend de rendre public ce qui aurait peut-être été autrement une décision de principe de sa part quant à la façon dont il opposerait son veto fédéral. Il expose dans une mesure législative les règles du jeu qu'il désire respecter d'ici un an ou deux, s'il veut opposer son veto.

Mme Phinney: La mesure ne lui donne donc pas plus de pouvoirs.

Mme Dawson: Non.

Mme Phinney: J'ai téléphoné à beaucoup de personnes dans ma circonscription ces deux ou trois derniers jours et d'après les questions que certains m'ont posées, il semble qu'ils aient l'impression que le gouvernement se donne plus de pouvoir. Ce n'est pas le cas; comme vous venez de le dire, la mesure précise seulement comment le gouvernement pourra opposer son veto.

Mme Dawson: C'est exact.

Mme Phinney: La population ne comprenait pas, et c'était le cas également des représentants élus à Ottawa, que le gouvernement fédéral a un droit de veto et que rien ne changera. Elle ne s'en rend pas compte.

Comment allons-nous faire comprendre à la population, et peut-être à l'opposition, qu'il n'y a pas de changement, qu'on ajoute seulement une limite? Nous avons une énorme tâche de relationniste à faire auprès de la population, seulement pour lui faire comprendre que nous avions déjà ce pouvoir et que nous nous contentons de le limiter.

Mme Dawson: Je ne voudrais surtout pas donner l'impression que ce projet de loi ne change rien. En fait, nous établissons des règles.

Mme Phinney: Nous nous imposons des restrictions.

Mme Dawson: C'est exact. Mais nous n'augmentons certainement pas nos propres pouvoirs, et nous ne le pourrions pas - il faudrait pour cela une modification à la Constitution.

Le président: Merci, madame Phinney. Avant de passer la parole à M. Harper, j'aimerais poser quelques questions qui me sont venues à l'esprit.

Je pense que le problème c'est l'interprétation du mot «province». Je voudrais simplement vous signaler que le projet de loi C-110 mentionne, il me semble, «l'assemble législative d'une province» vers le milieu du paragraphe (1). Puis il est question du consentement: «la majorité des provinces y a préalablement consenti»; il n'est pas question du consentement d'une majorité des assemblées législatives. D'après mon interprétation, le mot «province» a une portée plus large que l'expression «assemblée législative» et le consentement provincial peut donc être obtenu par référendum à l'intérieur de la province. Or, vous dites que cela pourrait être interprété autrement. Est-ce exact?

Mme Dawson: C'est exact. Comme je l'ai déjà mentionné, la première interprétation du mot «province» qui vient à l'esprit au milieu d'une mesure législative, c'est le gouvernement de la province. Vous en trouverez des exemples dans la Constitution, par exemple, où l'on parle de la province X ou des provinces et du gouvernement fédéral... Normalement, cela veut dire le gouvernement, mais sans être défini de façon précise. Très souvent un texte mentionnera l'assemblée législative d'une province, le gouvernement, la population d'une province ou la législature d'une province. Ici, on dit simplement «la province», ce qui permet différentes interprétations.

.1000

Le président: Merci. Monsieur Harper.

M. Harper (Calgary-Ouest): Je ne sais pas si vous avez déjà répondu à cette question avant que j'arrive, mais le projet de loi prévoit bien - c'est une simple question de libellé - «un ministre de la Couronne ne peut déposer une motion de résolution...». Si M. MacLellan ou moi proposions une modification à la Constitution et que celle-ci recevait l'appui du gouvernement et qu'elle était adoptée à la Chambre des communes, les dispositions du projet de loi C-110 s'appliqueraient-elles?

Mme Dawson: Non.

M. Harper: Donc, si un projet de loi était présenté par un simple député du parti ministériel, on pourrait contourner l'application de la disposition donnant un veto aux provinces ou aux régions.

Mme Dawson: Oui, ce serait possible, quoique peu probable.

M. Harper: J'ai déjà appris qu'il ne faut jamais dire qu'une chose est peu probable.

Mme Dawson: Je n'ai pas dit que c'était impossible.

M. Harper: Vous avez mentionné les dispositions 41, 43 et 38(3), mais vous ne mentionnez pas précisément - je pense que c'est à l'article 44 - le pouvoir qu'a le Parlement du Canada de modifier les pouvoirs exécutifs ou législatifs du Sénat et de la Chambre des communes.

Mme Dawson: C'est exact.

M. Harper: Est-ce que cela veut dire que cette disposition s'appliquerait à des modifications constitutionnelles de ce genre?

Mme Dawson: Non. Cela n'a rien à voir avec les articles 44 et 45. Ni l'une ni l'autre n'exige de résolutions. Il s'agit de simples lois que peuvent adopter soit le Parlement, en vertu de l'article 44, ou une assemblée législative, en vertu de l'article 45.

M. Harper: Ma dernière question découle de celle de Mme Phinney qui voulait savoir si ce projet de loi donne plus de pouvoir au Parlement du Canada. Donne-t-il plus de pouvoir à l'Assemblée nationale du Québec?

Mme Dawson: Je ne le pense pas. Je pense qu'il ne s'agit pas de pouvoir. Ce que nous voulons c'est rendre transparente la politique que le gouvernement a l'intention d'appliquer au cours des prochaines années en ce qui a trait à l'exercice de son propre veto. Il ne s'agit pas de donner des pouvoirs à quelqu'un d'autre.

M. Harper: Merci.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): J'aimerais vous interroger à nouveau sur la décision que pourrait prendre une province donnée sur la question de savoir si elle consent ou non à une modification.

Qu'arriverait-il si le gouvernement fédéral décidait de tenir un référendum fédéral dans une province donnée et d'adopter un projet de loi pour modifier la Constitution si les changements étaient approuvés lors du référendum? Qu'est-ce qui empêcherait le gouvernement de faire ça? Est-ce que quelqu'un pourrait prendre une mesure quelconque pour l'en empêcher, ou y aurait-il un recours contre une telle mesure?

Mme Dawson: Le recours serait d'en saisir les tribunaux et de leur demander de déclarer qu'une telle activité n'était pas envisagée dans cette disposition.

M. Regan: Mais si les dispositions d'un projet de loi qui pourrait être déposé plus tard étaient différentes des dispositions de ce projet de loi, elles auraient pour effet de modifier ou de révoquer ces dispositions.

Mme Dawson: Je ne comprends pas. Ce qui est visé dans ce projet de loi, ce sont des résolutions constitutionnelles. Nous ne parlons pas de projets de loi. Ce projet de loi ne s'applique pas à de futurs projets de loi.

M. Regan: Mais une résolution constitutionnelle devra en même temps être un projet de loi de la Chambre, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Non. C'est une créature différente.

M. Regan: Le gouvernement fédéral pourra certainement légiférer pour modifier ce projet de loi, dans le cas où une telle modification serait approuvée par un référendum tenu dans une province. Cela s'appliquerait à ce projet de loi.

Mme Dawson: Le gouvernement pourrait apporter une telle modification à ce projet de loi.

M. Regan: Il pourrait modifier n'importe quelle future loi.

Mme Dawson: Oui, mais ce n'est pas ce que nous proposons dans ce projet de loi.

.1005

M. Regan: Donc, vous nous dites qu'à votre avis si quelqu'un demandait aux tribunaux de déclarer que le gouvernement va au-delà de l'objet de ce projet de loi en prenant une telle mesure, il réussirait. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Dawson: Non, je ne dis pas qu'il réussirait. Je dis que c'est ce qu'il serait obligé de faire s'il voulait contester la mesure.

M. Regan: Très bien. Quelles seraient les chances de succès?

Mme Dawson: Cela dépendrait des circonstances.

M. Regan: Qu'est-ce que vous voulez dire, les circonstances? Pouvez-vous m'expliquer, s'il vous plaît?

Mme Dawson: Non, je ne peux pas vraiment vous donner trop de détails, car je ne peux pas prévoir l'avenir, mais ce que je peux vous dire c'est qu'à première vue il paraît évident qu'on a voulu laisser une certaine marge de manoeuvre au gouvernement pour qu'il décide de quelle manière le consentement des provinces sera déterminé. Ce que j'ai dit et qui me paraît évident, c'est que cela supposera à tout le moins le consentement du gouvernement du jour et de diverses provinces, et il me semble évident que cela devrait également inclure une mesure de l'assemblée législative.

Ce qui est un peu plus difficile à déterminer c'est si cela inclurait, par exemple, la consultation directe de la population par référendum. Je pense que certains pourraient prétendre que c'est inclus dans cette disposition alors que d'autres pourraient prétendre le contraire. Je pense qu'il y a des arguments pour et contre, mais les circonstances entourant l'événement auront une influence sur les chances de succès.

M. Regan: Permettez-moi de vous demander ceci. Supposons que le gouvernement du Québec refuse d'appuyer certaines mesures visant à modifier la Constitution et qu'il y ait un référendum au Québec et que la population donne son appui à ces changements. Pouvez-vous vraiment prétendre qu'un tribunal jugerait qu'en fait le Québec n'a pas consenti? C'est difficile à imaginer.

Mme Dawson: J'imagine que le tribunal pourrait décider dans un sens ou dans l'autre. Je ne peux vraiment pas prévoir, surtout sans connaître les circonstances, quelle pourrait être sa décision. Je pense qu'il n'y a pas de réponse à cette question.

M. Regan: Merci.

M. Ramsay: J'aimerais enchaîner sur la question qu'a soulevée M. Regan, car il a mis le doigt sur quelque chose qui me semble très clair et c'est la question de savoir qui décide pour les provinces à l'égard d'une modification constitutionnelle en vertu du projet de loi C-110.

Si le gouvernement fédéral a le pouvoir d'aller au Québec ou en Ontario, l'une des deux provinces mentionnées dans cette disposition, et de demander directement à la population, par voie de référendum, si elle appuie ou non une modification à la Constitution, s'il a le droit de faire ça et que l'assemblée législative de la province a le droit d'en faire autant, alors qui parle au nom de la province? Est-ce la majorité de la population lors d'un référendum fédéral ou est-ce l'assemblée législative de cette province?

C'est un aspect très important dont nous n'avons pas parlé ici parce que ce projet de loi ne nous dit pas qui obtient ce pouvoir. Je tiens à rappeler ici que c'est un pouvoir qu'on accorde. On donne à la province un droit de veto, et ça c'est un pouvoir. À qui donne-t-on le droit d'exercer ce veto? Est-ce au peuple ou est-ce à l'assemblée législative?

Mme Dawson: Je dois répondre à votre question en vous rappelant qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui oblige le gouvernement fédéral à agir. Donc, même si les paragraphes a) à d) sont là de toute évidence, rien dans ce projet de loi ne dit que le gouvernement fédéral doit aller de l'avant avec cette résolution. C'est une condition négative, le gouvernement fédéral serait donc autorisé à déterminer si, dans les circonstances, il veut aller de l'avant avec sa modification.

S'il se présente une situation où le gouvernement du jour et le peuple sont en désaccord, le gouvernement du Canada voudra peut-être s'abstenir d'agir dans de telles circonstances.

M. Ramsay: Ce n'est pas ma question, et ce n'est pas non plus la question que M. Regan posait, je crois. S'il y a problème, c'est parce que vous n'avez pas défini ce que c'est qu'une province, vous ne nous avez pas dit à qui vous accordez le droit de veto, si c'est à l'assemblée législative de la province ou si c'est au peuple par voie de référendum commandé par le gouvernement fédéral. Je vois ce pouvoir se manifester dans ces deux secteurs dans une situation comme celle-là, et ce n'est pas défini dans la loi. La province, le gouvernement, les assemblées législatives du Québec et de l'Ontario, ont le droit de veto si j'en crois ce projet de loi.

.1010

Nous comprenons aussi que le gouvernement fédéral, s'il n'est pas heureux d'une décision arbitraire prise par une poignée de ministres provinciaux, peut dire qu'il est dans l'intérêt supérieur du peuple, de la province ou du pays de demander l'avis du peuple par voie de référendum, et ce sera la volonté de la majorité qui décidera alors. D'où la question, qui parle au nom de la province?

Mme Dawson: Il appartiendra au gouvernement du jour de le déterminer. Je me dois de vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'un pouvoir qu'on donne aux provinces; il s'agit d'un pouvoir que conserve le gouvernement fédéral. Ce projet de loi établit les conditions incontournables que le gouvernement s'impose pour adopter une modification constitutionnelle. Mais nous n'accordons aucun pouvoir à qui que ce soit d'autre. Nous posons des conditions, et il appartiendra au gouvernement de déterminer si ces conditions sont respectées. Donc, selon les circonstances, le gouvernement déterminera la forme que prendra le consentement provincial.

M. Ramsay: J'accepte votre réponse, et elle est enregistrée. Mais je ne crois pas que vous ayez répondu officiellement à ma question, et ma question a trait au fait que ce projet de loi accorde un droit de veto. Il s'agit d'un pouvoir réel en matière de modification constitutionnelle. On crée ici une situation où l'on ne saura pas qui va représenter la province, si c'est l'assemblée législative provinciale, une poignée de gens, ou la volonté de la majorité s'exprimant par voie de référendum fédéral. Vous n'avez pas répondu à la question de savoir qui représenterait le gouvernement provincial dans ces circonstances.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Mme Dawson: Me permettez-vous une autre observation? Si l'assemblée législative adopte une modification, personne n'irait dire que cela équivaut à un non-consentement. Donc, la seule circonstance qui demeure plus difficile à déterminer est le cas où l'assemblée législative ou le gouvernement ne donne pas leur consentement; il faudra, à mon avis, déterminer au vue des circonstances du jour s'il y a une autre façon de définir le consentement provincial.

M. Ramsay: Merci.

Le président: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): J'imagine qu'on peut trouver un exemple, même s'il ne s'agissait pas exactement d'une modification constitutionnelle ou de quoi que ce soit du genre, dans notre récente Loi sur le contrôle des armes à feu. À l'origine, la province de l'Alberta a dit qu'elle allait interjeter appel auprès de la Cour suprême ou peu importe, parce que cette mesure était anti-constitutionnelle. Puis, bien sûr, la province a sondé la population albertaine et a constaté qu'elle était fortement favorable à cette loi. La province aurait pu décider de ne pas tenir compte de la volonté populaire en Alberta, mais elle a préféré reculer. J'imagine qu'à l'origine, le gouvernement fédéral aurait pu reculer et dire que les dirigeants de la province de l'Alberta n'étant pas favorables au contrôle des armes à feu, il vaudrait mieux ne pas aller de l'avant. Mais nous savions, d'après nos sondages et nos discussions avec les gens, que ceux-ci y étaient favorables. Si ce n'est pas le cas, nous nous sommes largement trompés ici.

J'aimerais vous poser deux questions au sujet du processus. Pourquoi n'avons-nous pas accordé automatiquement le droit de veto aux dix provinces et aux trois territoires? Pourquoi avons-nous préféré les régions? Deuxièmement, une fois cette loi adoptée, je crois comprendre que si de tels problèmes se posent et sont débattus en public, nous aurons ici un cadre quelconque qui nous permettra de trouver des solutions, et ce ne sera pas le gouvernement fédéral qui va dire, disons mardi matin, nous allons proposer une modification à la Constitution, et alors les provinces auront cinq minutes pour réagir et la modification sera adoptée. Nous nous engageons ici dans un processus assez long.

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Ce processus sera en place jusqu'à ce qu'on le change, peut-être. Si nous pensons qu'on va adopter cette mesure, elle sera là. Il y aura des discussions constitutionnelles en 1997. Si ce système ne fonctionne pas dans l'intervalle, on pourra sûrement en discuter dans le cadre de ces pourparlers. Si les gens en sont mécontents, on pourra corriger cela à ce moment. On fera peut-être à ce moment d'autres suggestions.

Pouvez-vous me dire si je me trompe? Combien de problèmes pensons-nous avoir... ? Personne n'a de boule de cristal, mais s'agit-il de millions de problèmes, ou d'une poignée de problèmes, que nous serons appelés à résoudre au cours de la prochaine année?

Mme Dawson: Il y a deux ou trois questions ici.

Je ne peux pas vraiment vous dire pourquoi nous n'avons pas préféré l'exigence d'unanimité, et je me contenterai de vous dire que nous ajoutons ici une étape supplémentaire, et s'il fallait qu'il y ait l'unanimité, nous aboutirions à des conditions encore plus difficiles, qui, à mon avis, ne sont probablement pas nécessaires pour accomplir ce que nous voulons accomplir ici. Mais il s'agit d'une décision gouvernementale.

Mme Torsney: D'accord.

Mme Dawson: Quant à savoir si l'on proposera de nombreuses modifications constitutionnelles dans la prochaine année et demie, je pense qu'on peut répondre à cela que même la modification constitutionnelle la plus simple qui soit, par exemple le lien fixe avec l'Île-du-Prince-Édouard, a quand même exigé près d'une année, ni plus ni moins, du point de départ jusqu'au point d'arrivée du processus. On ne peut donc certainement s'attendre à une pléthore de modifications constitutionnelles.

À mon avis, le gouvernement fédéral dit ici qu'il veut prendre en compte dans l'intervalle les aspirations régionales dans l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels. À mon sens, c'est tout autant une intention qu'il exprime qu'une attente quant à l'application réelle de ce processus au cours de l'année prochaine ou des deux ans à venir.

Le président: Monsieur Harper.

M. Harper: J'ai de plus en plus de mal à comprendre l'objectif de ce projet de loi. Hier soir, le ministre a dit qu'on voulait adopter ainsi des modifications constitutionnelles, mais ce n'est pas une formule de modification constitutionnelle. Puis il a dit que cette mesure visait à faire le pont jusqu'en 1997. Il a dit aussi qu'on n'envisageait aucune modification à la Constitution d'ici là.

Je voudrais poursuivre les questions de MM. Regan et Ramsay au sujet des provinces. En guise de préambule, je dirai d'abord que j'ai été étonné qu'on prétende pouvoir interpréter l'expression «une province» comme s'entendant de quelque chose autre que la province comme entité juridique; c'est ainsi que moi j'ai compris cette expression. Quoi qu'il en soit, vous avez indiqué que vous ne savez pas vous-même comment les tribunaux interpréteront ce terme si un gouvernement fédéral s'adressait non pas au gouvernement de la province mais directement à la population de la province, par référendum, pour obtenir son consentement.

Hier soir, j'ai posé cette question au ministre. Il a répondu que ce n'était pas l'intention du législateur. Je pourrais passer en revue la transcription de la séance d'hier soir, mais j'en conclus qu'on n'a pas prévu cette situation dans le projet de loi. Si tel est le cas, pourquoi n'a-t-on pas libellé le projet de loi différemment? Si ce n'est pas clair, pourquoi ne préfère-t-on pas un libellé plus clair?

Mme Dawson: Je ne crois pas que le ministre ait été aussi catégorique. Je crois qu'il a laissé entendre que divers mécanismes seraient possibles.

Comme je l'ai déjà dit, plusieurs textes, constitutionnels ou législatifs, utilisent simplement le terme «province». Habituellement, cela signifie le gouvernement de la province, mais comme je l'ai dit plus tôt, cela pourrait aussi avoir un sens plus large. Habituellement, cette expression s'accompagne d'autres mots. Ici, délibérément, on s'est donné une certaine souplesse.

M. Harper: Précisons ce que vous dites. On a libellé le projet de loi ainsi délibérément pour permettre plusieurs possibilités. C'est l'intention du législateur avec ce libellé. Le législateur a l'intention de permettre au gouvernement fédéral de consulter la population d'une province ou de plusieurs provinces et de juger que cela constitue une approbation aux termes du projet de loi C-110. Le législateur s'est gardé cette option en libellant le projet de loi comme il l'a fait.

Mme Dawson: Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est pour se garder cette option qu'on s'est donné une telle souplesse, mais cette souplesse a été prévue pour que, quelle que soit la situation, toute méthode raisonnable d'obtenir le consentement des provinces soit utilisée si elle semble acceptable aux termes de cette loi.

M. Harper: Je n'ai rien à ajouter.

Le président: Monsieur Knutson.

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M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je n'ai qu'une courte question sur la contestation judiciaire du projet de loi. À votre avis, la Cour suprême pourrait-elle conclure que ce projet de loi est anti-constitutionnel puisque, avec ce projet de loi, on tente d'accomplir indirectement ce qui ne peut l'être directement? Ne dirait-elle pas plutôt que c'est une question politique et que le Parlement, dans sa sagesse, a décidé de définir comment il exercerait son droit de veto constitutionnel en fonction de ce que disent les provinces et que c'est tout à fait légitime et nullement du ressort du tribunal?

Mme Dawson: Il est possible qu'elle s'exprime ainsi. Il se peut fort bien que, dans certaines circonstances, le tribunal fasse une déclaration quelconque, mais il se pourrait aussi que, dans d'autres situations, il déclare que le gouvernement a pris les mesures qu'il estimait indiquées en l'occurrence et qu'il préfère ne pas se prononcer.

À mon avis, on pourrait faire valoir des arguments pour et contre. Nous croyons que dans certaines circonstances, la Cour suprême ferait une déclaration, mais ce n'est pas certain.

M. Knutson: Merci. C'est tout.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Revenons à l'Accord de Charlottetown où le gouvernement fédéral a proposé une modification constitutionnelle qu'ont approuvée tous les premiers ministres provinciaux. Pour constitutionnaliser cet accord, il fallait que sept de ces premiers ministres, représentant 50 p. 100 de la population du pays, fassent adopter par leur assemblée législative une résolution en ce sens. Mais parce que, en Alberta, un référendum était exigé, qu'on envisageait d'en faire autant en Colombie-Britannique et que le Québec avait aussi l'intention de tenir un référendum, on a ordonné un référendum fédéral. Résultat: Plus de 51 p. 100 de la population s'est prononcé contre la modification constitutionnelle prévue par l'Accord de Charlottetown.

Toutefois, le gouvernement fédéral n'était pas forcé d'en tenir compte. La loi ne l'y obligeait pas et il aurait pu demander aux provinces d'approuver. Cela aurait pu se faire de cette façon.

Si l'on considère ce projet de loi, je répète que nous ne savons pas qui, à long terme, pourra légalement se faire le porte-parole des provinces. Nous ne savons pas si ce sera ce qu'acceptera le gouvernement fédéral parce que le ministre de la Justice nous a dit hier soir que le gouvernement fédéral avait un droit de veto final sur tout amendement constitutionnel. Quoi que fassent ou disent les provinces et quelle que soit la façon dont elles s'y prennent, le gouvernement fédéral peut toujours imposer son veto.

Cela m'amène à croire que le gouvernement fédéral pourrait s'arroger le droit de revenir sur la décision d'une assemblée législative en s'adressant au peuple et en obtenant 51 p. 100 des suffrages pour déclarer que c'est là le point de vue de la province au sujet de cet amendement.

Mme Dawson: Vous donnez l'exemple de Charlottetown qui est en fait très bon, mais qui est un exemple négatif. Le gouvernement fédéral n'a pas proposé quelque chose qu'il aurait autrement proposé parce que la population lui a dit par voie référendaire qu'elle ne voulait pas d'une telle proposition.

C'est la situation la plus facile et c'est la raison pour laquelle il est très important de reconnaître dans ce projet de loi que le gouvernement conserve ce pouvoir. Il ne s'agit pas de confier ce pouvoir à quiconque d'autre. En définitive, même si toutes ces conditions sont satisfaites et que sept provinces et que 50 p. 100 de la population approuvent, le gouvernement fédéral peut néanmoins décider de ne pas présenter sa résolution à la Chambre. Une des principales raisons qui pourraient le faire agir ainsi serait que la population s'est prononcée par voie référendaire et déclaré qu'elle ne souhaitait pas la modification en question.

Ce sont des exemples qui marchent mieux dans un scénario négatif que dans un scénario positif.

M. Ramsay: Il semble donc très clair qu'une modification constitutionnelle qui serait présentée par le gouvernement fédéral ou quiconque a le droit de le faire pourrait être rejetée par l'assemblée législative du Québec. Si le gouvernement fédéral le voulait, aux termes des dispositions de ce projet de loi, il pourrait déclarer qu'il n'accepte pas que l'assemblée parle pour le Québec et décider de consulter la population directement par référendum.

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Je répète donc, et je le répéterai indéfiniment jusqu'à ce que cela soit changé, que si on ne modifie pas le libellé, cela signifiera très simplement que l'on ne sait pas qui parle pour ces deux provinces. Nous ne savons pas parce qu'il est possible que la province se fasse entendre par deux voix différentes.

Mme Dawson: Il appartiendrait alors au gouvernement canadien de décider de la voix qui lui semble la plus légitime.

M. Ramsay: Ce projet de loi est alors quelque peu ambigu quant à ceux à qui l'on reconnaît le droit de parler pour la province, en particulier dans le cas du Québec et de l'Ontario.

Mme Dawson: Je dirais plutôt «souple». C'est délibérément que l'on a voulu cette souplesse.

M. Ramsay: Avez-vous jamais envisagé de faire de la politique?

Des voix: Oh, oh!

M. Ramsay: Merci.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan: Dans quelles causes a-t-on défini le terme «province»? On parle ici de «province», ou des différentes provinces sans que cela ne soit trop défini. On ne sait pas si c'est le gouvernement, l'assemblée législative ou la population.

Est-ce que dans les causes où on a dû définir le terme «gouvernement», certaines décisions ont porté sur ce que l'on peut considérer comme une modification constitutionnelle et sur ce qui n'en est pas une ou a-t-il été question davantage de répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, entre ce qui était constitutionnel et ce qui ne l'était pas? De quel genre de causes s'agissait-il? De quelle nature étaient-elles?

Mme Dawson: Je ne puis répondre à brûle-pourpoint. Nous n'avons pas fait ce genre de recherche.

Habituellement, quand on parle d'une province dans un projet de loi, c'est dans le contexte d'un libellé tel que: «le gouvernement de la province» ou «l'assemblée législative de la province». Il faudrait aller réexaminer tout cela pour voir dans quel contexte sert le mot «province».

M. Regan: Mais je suppose que vous avez examiné la façon dont on pouvait l'interpréter parce que vous avez dit que les tribunaux l'interpréteraient, de façon générale, comme signifiant le gouvernement mais pourraient l'interpréter différemment. Cela me porte à croire que vous me dites que normalement les tribunaux interprètent que la province signifie le gouvernement. D'après ce que vous m'avez dit, je suppose que vous avez étudié les cas où les tribunaux ont déclaré que «province» signifiait le gouvernement provincial.

Mme Dawson: On me dit que nous avons un collaborateur qui a effectivement fait une recherche sur le terme «province» et qu'il n'en est pas sorti grand-chose.

Le président: Madame Phinney.

Mme Phinney: La Constitution exige qu'il y ait des consultations avec les Autochtones lorsque l'on modifie certaines dispositions de la Constitution. Cela inclut-il le mode de révision? Les peuples autochtones ont-ils un rôle à jouer dans le mode de révision?

Mme Dawson: Il s'agit de l'article 35.1 qui stipule que:

Il ne s'agit dans aucun cas ici précisément du mode de révision.

Mme Phinney: La réponse est-elle donc non?

Mme Dawson: La réponse semblerait être non, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas présenter un argument reposant sur un effet indirect. Il faudrait que j'y réfléchisse. Mais, de façon générale, je répondrais que non.

Mme Phinney: C'est donc la raison pour laquelle il n'y a pas de veto pour les Premières nations autochtones dans ce projet de loi?

Mme Dawson: En effet. Elles n'ont pas de droits spécifiques aux termes de la Constitution qui seraient touchés par ce projet de loi.

Mme Phinney: Bien. Merci.

Le président: Merci, madame Phinney.

Merci beaucoup d'avoir comparu devant notre comité. Il est intéressant de voir qu'un projet de loi aussi court a pu susciter une telle discussion.

Nous allons nous arrêter quelques minutes pour que l'on puisse installer les appareils pour la téléconférence avec le prochain témoin.

Merci encore.

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