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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 juin 1995

.0905

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Je crois que nous avons assez de monde pour commencer. La question à l'ordre du jour est le satellite de radiodiffusion directe. Nos collègues des médias électroniques auraient-ils l'obligeance de se retirer.

Nous avons le plaisir de recevoir Keith Spicer conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la Loi sur la radiodiffusion, qui nous font l'obligation d'étudier les projets de décret relatifs à la politique du gouvernement en matière de radiodiffusion directe par satellite.

J'imagine que vous avez une déclaration liminaire à faire, monsieur Spicer. C'est la première fois que nous nous penchons sur cette question. Il est donc tout à fait indiqué de commencer par vous, et je vous invite à faire votre déclaration.

M. Keith Spicer (président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Merci beaucoup, monsieur le président. La Bible dit que les premiers seront les derniers, ce qui est de mauvais augure pour nous. Nous sommes les premiers à témoigner, mais j'espère que vous nous écouterez quand même.

Monsieur le président, honorables membres, je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter des projets de décret du gouvernement concernant la distribution par satellite de radiodiffusion directe et la programmation de télévision à la carte par SRD.

Je suis accompagné par notre vice-président, radiodiffusion, M. Fernand Bélisle, notre vice-président aux télécommunications par intérim, M. David Colville; et de notre secrétaire général, M. Allan J. Darling.

Comme vous le savez sans aucun doute, un grand nombre des questions dont nous sommes saisis aujourd'hui sont de nature juridique et exigeront une interprétation juridique. C'est pourquoi le chef du contentieux du CRTC, Me Avrum Cohen, et une de nos conseillères juridiques, Me Sylvie Courtemanche, sont également des nôtres.

Monsieur le président, vous me permettrez peut-être de tenter de donner le ton de notre intervention par un mot au sujet du contexte tel que nous le percevons. Nous ne sommes pas ici pour engager une polémique avec qui que ce soit, et sûrement pas avec le gouvernement. Nous ne sommes pas ici non plus pour spéculer sur des motifs, des rumeurs ou des soupçons sans preuve.

Je crois que le gouvernement, le CRTC, le Comité et chacun de nous qui participons à ce très important examen dans un délai de 40 jours sommes en train de tâter le terrain de bonne foi, et ce, en tenant compte du fait que le résultat et la manière dont nous jouons tous nos rôles respectifs créeront un fort précédent.

Dans cette optique, la mise en garde que nous lançons reprend uniquement celle des législateurs de la Loi sur la radiodiffusion. Si nous insistons sur la transparence et sur le respect de la loi, c'est parce que le Parlement lui-même l'a fait. Nous sommes convaincus que c'est également le voeu du gouvernement. Et c'est pourquoi, tout en défendant la loi avec fermeté et franchise, car nous croyons qu'elle est claire, nous recherchons la collaboration, et non la confrontation, des décisions et non des retards. Et, bien sûr, nous recherchons aussi un heureux précédent: un qui protégera à la fois le droit législatif du gouvernement de donner des instructions d'application générale sur de grandes questions d'orientation et le droit et le devoir législatif du Conseil de mettre en oeuvre la politique - et je souligne, «de mettre en oeuvre la politique» - comme il le juge bon dans des circonstances particulières.

Dans le cadre de ce nouveau processus, nous voulons aider le Comité de deux façons: en exposant les faits concernant l'ordonnance d'exemption d'entreprises par SRD que le Conseil a rendue le 30 août 1994, pour ainsi dissiper tout malentendu que le Conseil aurait pu, par cette ordonnance d'exemption, conférer un soi-disant monopole à une compagnie donnée; et en analysant la non-conformité manifeste des décrets avec la Loi sur la radiodiffusion. Bref, nous nous en tiendrons au fait et au droit.

.0910

À cette fin, permettez-moi d'attirer votre attention, monsieur le président, sur deux documents distincts que nous vous avons distribués. Ils vous sont parvenus tard et je vous fais mes excuses les plus plates. J'imagine que vous devez en avoir assez d'entendre cela. Nous avons travaillé jusqu'à la dernière minute. Ce n'est qu'à mon arrivée que j'ai appris que vous aviez reçu ces documents ce matin. Encore une fois, toutes mes excuses. En revanche, cela vous fera une belle lecture de chevet.

Vous trouverez une chronologie détaillée du dossier des SRD des dernières années. À mon avis, il est essentiel que vous sachiez ce qui s'est passé. Il est très difficile de savoir qui a fait quoi et quand, et d'avoir un portrait d'ensemble. Nous avons donc établi cette chronologie du mieux que nous avons pu, nous avons dit qui a fait quoi et quand, pour que vous puissiez voir tout le film au lieu d'un seul cliché.

Nous avons également un avis juridique très détaillé que notre contentieux vous a remis. Il fait 21 pages. C'est un texte dont l'effet est presque poétique, dirais-je. Vous y trouverez tout plein d'arguments très pratiques, des arguments juridiques très directs, ainsi que de la jurisprudence, que vous trouverez très utiles, j'en suis sûr.

Commençons donc par la partie I, «Faits chronologiques concernant les SRD: Politiques et mesures du CRTC».

D'abord, je vous demanderais de bien vouloir vous reporter à notre audience publique de mars 1993 sur la structure de l'industrie, l'audience qu'on a appelée «la mère de toutes les audiences». À ce moment-là, des représentants de l'industrie, à savoir Tee-Comm et Telesat, ont exprimé l'intention d'élaborer des services canadiens de distribution directe à domicile au moyen de satellites canadiens.

Ces propositions ont reçu l'appui enthousiaste du Conseil et de l'industrie en général, pour diverses raisons. Les consommateurs voulaient une concurrence au câble aussitôt que possible, et de nombreuses parties intéressées estimaient que des services par satellite américain viendraient inonder le Canada et créer ce que l'on appelle couramment un marché gris.

Nous étions conscients qu'il fallait absolument des solutions de rechange canadiennes aux techniques de distribution et nous étions sans réserve en faveur de la concurrence dans la fourniture de tels services. De fait, dans notre avis public qui a suivi cette audience, nous avons déclaré:

On nous a donné un clair message de hâter la concurrence, pas de la ralentir, et c'est précisément ce que nous avons fait publiquement, hâter la concurrence.

En octobre 1993, nous avons reçu des demandes distinctes de Telesat et de Tee-Comm en vue d'obtenir que le Conseil exempte les entreprises canadiennes de distribution par SRD de l'obligation de détenir des licences. Le 2 mars 1994, le conseil a publié un avis public sollicitant des observations sur son projet d'ordonnance d'exemption pour les entreprises de distribution par SRD. Dans le cadre de cette instance publique, nous avons examiné avec soin les 60 mémoires que nous avons reçus.

En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, les entreprises de radiodiffusion doivent soit détenir une licence, soit être exemptées de l'obligation d'en tenir une. De fait, le paragraphe 9(4) de la Loi sur la radiodiffusion porte que les entreprises de radiodiffusion doivent être soustraites de l'obligation de détenir une licence de radiodiffusion lorsque le Conseil estime que l'exécution des obligations découlant de la partie II de la loi ou des règlements en vigueur est sans conséquence majeure sur la mise en oeuvre de la politique canadienne de la radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1). Le paragraphe 3(1) énonce la politique en matière de radiodiffusion, et le paragraphe 5(1) la politique réglementaire.

Après avoir examiné avec soin les 60 mémoires reçus, le conseil a exempté les entreprises canadiennes de distribution par SRD de l'obligation de détenir une licence, sous réserve de certains critères. Entre autres choses, ces entreprises doivent satisfaire aux exigences techniques d'Industries Canada, remplir les exigences relatives à la propriété canadienne, utiliser des satellites canadiens pour la distribution des programmations et offrir une prédominance de services canadiens.

Nous avons pris ces mesures en parfaite conformité avec la Loi sur la radiodiffusion. Notre ordonnance d'exemption n'a pas créé de monopole; elle permet à toutes les compagnies qui remplissent tous les critères d'exploiter une entreprise sans licence. Il convient de souligner ici que par définition, une exemption signifie que la porte est ouverte à quiconque respecte les critères; il n'y a rien de limitatif ici. De même, nous n'avons empêché personne de présenter une demande de licence. Exemption n'est pas synonyme d'exclusion.

Jusqu'ici, et malgré l'intérêt manifesté dès le départ par plusieurs compagnies, une seule s'est présentée: Expressvu. On peut donc difficilement parler de la création d'un monopole. Nous avons établi un régime de concurrence avec deux portes d'accès: l'exemption, si tous les critères procanadiens sont remplis; sinon, la licence, au moyen de notre processus ouvert habituel d'attribution de licences.

Toutefois, nous ne pouvons pas forcer les compagnies à livrer concurrence. Si nous sommes coupables de quelque chose, c'est de prendre fait pour le Canada, d'encourager la concurrence hâtive par des entrepreneurs canadiens, comme la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications l'exigent de nous.

.0915

La Loi sur la radiodiffusion porte que nous devons «faire appel au maximum... aux ressources - créatrices et autre - canadiennes». La loi sur les télécommunications stipule que nous devons «promouvoir l'utilisation d'installations de transmission canadiennes».

[Français]

La porte a toujours été grande ouverte, avant même que nous établissions nos critères d'exemption, le 30 août dernier, pour les compagnies désireuses de présenter une demande de licence dans le cadre d'une instance ouverte d'attribution de licences. C'est d'ailleurs ce que nous avons très clairement souligné dans l'avis public qui accompagnait notre projet d'ordonnance d'exemption, en mars 1994. Nous attendons toujours la première demande.

On nous a accusés d'avoir effectivement empêché certaines compagnies de présenter une demande de licence en exigeant l'utilisation de satellites canadiens pour la transmission de programmation. Il s'agit manifestement d'une fausse accusation, car n'importe quel requérant qui ne remplit pas les critères d'exemption pourrait quand même présenter une demande de licence en vertu de notre procédure ouverte habituelle.

Permettez-moi de vous expliquer, à ce stade-ci, pourquoi le CRTC a décidé d'exiger l'utilisation de satellites canadiens comme condition d'admissibilité à une exemption. Divers facteurs nous ont influencés, notamment:

Depuis des échanges de lettres entre le Canada et les États-Unis, en 1972 et 1982, concernant la distribution de signaux transfrontaliers par satellite, le Conseil a compris que les services canadiens doivent utiliser les satellites canadiens pour la distribution des signaux au sein du Canada.

De plus, dans le communiqué du 26 avril 1995 par lequel les ministres de l'Industrie et du Patrimoine canadien annonçaient le dépôt des projets d'instructions, il était signalé que les deux ministres avaient, au moment d'annoncer un examen public de la politique sur les SRD, le 12 septembre 1994, confirmé que «l'exemption du CRTC reflète la politique actuelle du gouvernement». D'après la compréhension que nous avons de la politique du gouvernement concernant l'utilisation de satellites canadiens, nous croyions, nous aussi, que notre ordonnance d'exemption reflétait la politique du gouvernement dans ce secteur.

Nous reconnaissons sans réserve qu'il faut dès maintenant régler la question de savoir quand il convient d'utiliser des satellites canadiens et non canadiens. C'est pourquoi nous avons, dans notre réponse écrite aux projets de décrets, le 24 avril, demandé au gouvernement de préciser sa politique concernant l'utilisation de satellites canadiens.

[Traduction]

Les projets de décret suscitent des préoccupations d'ordre juridique. Je vous dirai d'abord clairement que le Conseil appuie le droit, la responsabilité et le pouvoir du gouverneur en conseil, tel que l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion définit ses pouvoirs, de «donner au Conseil, au chapitre des grandes questions d'orientation en la matière, des instructions d'application générale» relativement aux objectifs établis au paragraphe 3(1), sur la politique de radiodiffusion, et au paragraphe 5(2) sur la politique réglementaire.

Nous reconnaissons que le gouvernement a le pouvoir d'exercer ses pouvoirs conformément à la Loi sur la radiodiffusion et nous y souscrivons sans réserve. Toutefois, nous estimons également qu'il est crucial d'insister sur le fait que, bien que le Parlement ait conféré ces pouvoirs, il les a aussi circonscrits par un certain nombre de garanties d'ordre procédural fermes et claires enchassées dans la loi. Nous croyons que ces mesures de précaution sont fondamentales pour protéger non seulement l'autonomie du Conseil comme organisme de réglementation transparent, sans lien de dépendance, mais aussi pour protéger le droit de la population et des industries réglementées du Canada à un système de réglementation manifestement juste et ouvert.

Le pouvoir de donner des instructions sur des questions d'orientation a longtemps été débattu sous divers gouvernements et il a fait l'objet de plusieurs rapports et même d'une commission royale d'enquête. Pour bien situer cette question dans son contexte, je voudrais vous en faire un bref historique législatif.

Avant que le projet de loi C-40 entre en vigueur et devienne la nouvelle Loi sur la radiodiffusion, le 4 juin 1991, le ministre des Communications de l'époque, l'honorable Marcel Masse, a fait une déclaration péremptoire devant le comité de la Chambre chargé d'étudier le projet de loi.

.0920

Il a fait valoir que:

Il a ajouté que:

L'ironie de la chose, c'est que deux de ces points sont au coeur même du débat d'aujourd'hui. De toute évidence, le pouvoir de directive du gouverneur en Conseil n'a jamais eu pour objet de donner des instructions au Conseil sur la mise en oeuvre des politiques ou la prise d'une décision d'attribution de licence. La protection de l'autonomie et de l'intégrité du Conseil a été à l'avant-plan des consultations sur le projet de loi C-136, l'ancêtre du projet de loi C-40, et du projet de loi C-40 lui-même. Nous estimons que ce principe est essentiel pour vos travaux et qu'il faut le souligner de nouveau.

C'est l'Association canadienne des radiodiffuseurs qui, dans son exposé devant le comité de la Chambre, a peut-être le mieux résumé les principales préoccupations de ceux qui ont présenté des mémoires au stade de l'étude en comité. Entre autres choses, l'ACR s'est déclarée préoccupée du fait que ces pouvoirs dilueraient fortement l'autonomie du Conseil et seraient propices à de l'ingérence politique dans la gestion du système canadien de radiodiffusion.

L'ACR perçoit aussi ces pouvoirs comme la création d'encore un autre organisme de réglementation, non transparent celui-là, qui pourrait exercer ses pouvoirs n'importe quand, ce qui pourrait aboutir à la déstabilisation du système de radiodiffusion. Elle craint grandement qu'une intervention politique vienne influer sur les projets et investissements de personnes qui ont dressé des plans en fonction de la politique actuelle du Conseil. Nous estimons que ces arguments sont tout aussi péremptoires aujourd'hui qu'à l'époque.

Lors de l'examen en comité du projet de loi C-136, le Conseil a déclaré qu'il appuyait le pouvoir du gouverneur en Conseil de lui donner des instructions d'application générale sur de grandes questions d'orientation, sous réserve de garanties appropriées. Nous réaffirmons aujourd'hui cet appui, et nous sommes heureux de constater que ces garanties existent, notamment l'examen de 40 jours par votre comité parlementaire.

Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour exprimer nos profondes préoccupations, non pas au sujet du pouvoir de donner des instructions, mais plutôt du caractère incroyablement détaillé des deux projets de décret du gouvernement, de l'effet rétroactif sans précédent de l'un des deux jeux d'instruction et de la possibilité imminente pour le gouvernement d'outrepasser ses pouvoirs légitimes en vertu de la loi.

Je vous fais respectueusement remarquer que c'est le Parlement qui a créé le Conseil comme organisme autonome chargé de réglementer et de surveiller tous les aspects du système canadien de radiodiffusion, libre de toute ingérence politique. C'est là notre raison d'être, notre mandat en vertu de la loi. L'autonomie et l'intégrité du Conseil sont fortement en jeu aujourd'hui.

Le pouvoir du gouvernement de donner des instructions n'a jamais eu pour but d'usurper le rôle exclusif du Conseil dans la mise en oeuvre de la politique canadienne de radiodiffusion, et je souligne ici encore une fois l'expression «mettre en oeuvre». Il se voulait simplement et manifestement un instrument d'orientation générale de la politique de radiodiffusion.

Nous sommes aussi gravement préoccupés par le fait que le projet d'instruction du gouvernement puisse effectivement annuler l'ordonnance d'exemption du Conseil qui est actuellement en vigueur. Nous croyons qu'il s'agirait là d'une réglementation rétroactive qui n'était absolument pas envisagée en vertu de la loi lorsque le gouvernement s'est vu conférer le pouvoir de donner des instructions. Nous nous opposons fortement à une réglementation rétroactive, que nous considérons comme intrinsèquement injuste et déstabilisatrice. Nous sommes fermement convaincus que toute mesure de ce genre équivaudrait pour le gouvernement à outrepasser ses pouvoirs légitimes et serait inévitablement contestée devant les tribunaux.

Nous vous incitons à tenir compte de toutes ces ramifications et nous vous rappelons que le consortium qui va actuellement de l'avant avec ces projets suite à l'ordonnance d'exmption du Conseil a pris des mesures, notamment d'importants investissements, pour lancer un service canadien de distribution par SRD en septembre 1995.

Nous voulons aussi souligner qu'Expressvu a avisé le Conseil, par lettre du 19 mai 1995, que les projets de décret, en particulier les instructions qui obligeraient le Conseil à annuler son ordonnance d'exemption, sont illégaux et que l'entreprise défendra sa capacité de recourir à l'ordonnance d'exemption jusqu'à ce qu'elle obtienne une licence ou entamera toutes les procédures judiciaires voulues à cet égard.

Il s'agit d'une situation de perdant-perdant: pour les consommateurs qui attendent une solution de rechange au câble en septembre; pour les compagnies en cause qui vont de l'avant en toute légitimité avec leurs projets; pour les artistes et producteurs canadiens à la recherche de nouveaux débouchés; et même, je pense, pour le gouvernement lui-même.

.0925

[Français]

Nous mettons aussi en doute la nécessité du projet de décret pour ce qui est de l'obligation de créer une catégorie de licence pour les entreprises de programmation de télévision à la carte par SRD. Le Conseil a déjà attribué des licences à des entreprises de télévision à la carte dont les contributions aux émissions canadiennes dépassent largement le seuil de 5 p. 100 proposé.

Le Conseil ne voit aucune utilité à la création d'une catégorie distincte de licence pour ces entreprises afin de prévoir la fourniture concurrentielle de services de télévision à la carte par SRD. Quiconque désire offrir des services de télévision à la carte par SRD peut déjà en présenter la demande en vertu du cadre actuel d'attribution de licences. De plus, le CRTC permet à l'heure actuelle que la télévision à la carte soit distribuée soit directement, soit indirectement, au marché des SRD et il estime que ces titulaires doivent être autorisés à livrer concurrence dans le marché des SRD.

Finalement, parlons de l'orientation vers la concurrence.

En dernier lieu, permettez-moi de reprendre un fait irréfutable: les antécédents du Conseil prouvent manifestement qu'il hâte la concurrence. C'est ce que nous faisons depuis des années, notamment dans le marché de l'interurbain et, tout récemment encore, dans notre rapport au gouvernement sur l'autoroute de l'information. C'est aussi ce que nous avons fait très spécifiquement dans le cas des SRD.

Nous estimons aussi que notre processus d'audiences publiques offre une tribune transparente, ouverte, qui reste cruciale pour l'intégrité du système canadien de la radiodiffusion en général, pour les industries réglementées et pour la population canadienne.

Cela étant dit, je vous assure que nous avons l'intention de collaborer sans réserve avec le gouvernement, mais dans les limites de la loi. Nous estimons que tout décret serait conforme à la Loi sur la radiodiffusion s'il mettait l'accent exclusivement sur des principes comme les suivants:

[Traduction]

Ce malheureux épisode de malentendu et de désinformation a déjà gravement porté atteinte au processus de réglementation au Canada. Il menace maintenant de retarder la concurrence, pas de la hâter. Le CRTC veut simplement aller rapidement de l'avant avec tous les concurrents éventuels et il fera tout en son pouvoir pour accélérer ces procédures, une fois achevé le processus parlementaire.

Nous espérons grandement que le gouvernement, fort du délai supplémentaire a des conseils aujourd'hui offerts dans le cadre des précieux travaux de votre comité, réexaminera les faits, la jurisprudence et la valeur d'une réglementation autonome et transparente et modifiera sensiblement ces projets de décret. Tout compte fait, le gouvernement et le CRTC s'entendent sur les principes fondamentaux de la radiodiffusion canadienne. Chacun devrait maintenant aller de l'avant pour servir les Canadiens et le Canada comme le prescrit la Loi sur la radiodiffusion.

Monsieur le président, je sais que vous et vos collègues avez plusieurs questions pour nous aujourd'hui, je vais donc m'arrêter ici.

Le président: Merci, monsieur Spicer.

Afin de bien employer notre temps,

[Français]

J'invite Mme Tremblay à poser ses questions pendant une dizaine de minutes.

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Monsieur Spicer, merci beaucoup pour votre présentation très éclairante que je relirai avec beaucoup d'attention. Nous avons beaucoup de questions, mais peu de temps à notre disposition.

Je vais tenter d'aller au coeur de la question et vous me permettrez à la fin, quand tous mes collègues auront fini, de vous poser une question sur l'«adressabilité», pour que vous m'éclairiez avant que vous ne quittiez.

Je suis prise dans un dilemme. Je fais partie de l'opposition et je trouve, en lisant les décrets, qu'ils ont été faits sur mesure pour une compagnie. Par ailleurs, on vous accuse d'avoir fait une exemption sur mesure pour une autre compagnie.

.0930

Comment fait-on pour voir clair dans toute cette situation? J'ai été contente d'avoir tous vos faits, et on nous dit que c'est pour la concurrence. Vous nous dites que ça n'empêche pas la concurrence. Comment se sort-on de ce fameux dilemme?

M. Spicer: Madame, c'est en effet la question fondamentale.

Pour voir clair là-dedans, il faut s'en tenir strictement aux faits et à la loi et refuser d'écouter les rumeurs, les commérages, les soupçons, toutes sortes d'éléments de ce genre.

Peut-être que le CRTC a péché par excès de discrétion. Ce n'est pas toujours le cas, mais dans ce cas-ci, nous avions entendu depuis à peu près septembre dernier des rumeurs véhiculées très efficacement par certains, qui sont entrées en circulation dans les hautes sphères, dans les journaux, normalement dénuées de foi. Nous étions devant un choix. Nous pouvions tout corriger. Nous avons essayé de le faire dans la dignité et dans la simplicité, mais à un certain point, il aurait fallu répondre du tac au tac et avoir l'air de mener une campagne de presse contre beaucoup de gens estimables et de traîner ce casier judiciaire dans des campagnes de presse, dans des polémiques publiques.

Nous avons donc fait le deuxième choix: nous avons profité d'une belle occasion de nous taire, mais une belle occasion qui ne nous a pas bien servis. Vu que nous n'avons pas répondu par une campagne de désintoxication, de correction de mythologie, nous avons souffert considérablement dans les médias, dans l'opinion du public qui est persuadé que certaines légendes sont vraies.

Je vous ai dit avec, je l'espère, beaucoup de sobriété aujourd'hui que ces allégations sont fausses et je vous ai donné seulement des faits et des citations de la loi.

Pour voir clair là-dedans, je vous suggère de revoir la chronologie, d'étudier la documentation qu'on vous fournit sur la démarche du CRTC, la démarche qui a systématiquement favorisé la concurrence. Aussi, relisez la loi sur les pouvoirs de direction et commencez à poser des questions à ceux qui vous ont dit le contraire.

Mme Tremblay: D'après l'information que nous avons obtenue, les deux compagnies qui sont en cause, soit Expressvu et Power, n'utiliseraient pas la même technologie et on se retrouverait dans le dilemme qu'on a connu avec les vidéos, la guerre Beta-VHS qui a finalement pénalisé beaucoup de contribuables qui ont dû s'acheter de nouveaux appareils et se procurer d'autres types de cassettes. Est-ce que c'est fondé qu'on va se retrouver dans le même problème et que les consommateurs qui opteront pour un service ne pourront pas le remplacer par l'autre s'ils ne sont pas satisfaits du premier?

M. Spicer: C'est une excellente question, madame. Je crois que les deux compagnies en lice, officiellement et officieusement, sont conscientes de ce problème. Je pense qu'en règle générale, elles voudraient découvrir le moyen de trouver une technologie compatible. Puisque ça devient assez technique, je voudrais référer la question à mon collègue et vice-président, Fernand Bélisle, qui connaît cet aspect.

M. Fernand Bélisle (vice-président, radio-télédiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Madame Tremblay, il est vrai que les deux compagnies ont choisi une compression numérique qui leur est propre. On n'a pas beaucoup de choix. Le satellite américain dont DirecTv se sert est une technologie qui est propre à DirecTv. On peut soit adopter le modèle américain, soit tenter de maintenir un modèle canadien. Il est vrai que les abonnés ne pourront pas faire le choix de l'un ou de l'autre.

M. Spicer: Ce qui complique un peu les choses, et je vous laisse le soin de me corriger, c'est que la technologie canadienne est aussi présentée comme une technologie un peu mondiale, c'est-à-dire adoptée par des instances internationales et aussi par quelques compagnies américaines. Je crois que c'est le cas.

Le tout est de concilier les deux pour le Canada, pour le territoire qui s'appelle le Canada.

Mme Tremblay: Merci.

.0935

[Traduction]

Mme Brown (Calgary Sud-Est): Pour ma première question, monsieur Spicer, je vais me reporter à la page 8. Vous parlez du fait que la commission favorise systématiquement la concurrence. Je dirais pour ma part que la concurrence est le fait du marché et non pas d'un cadre réglementaire. Ce sont bien les consommateurs, et non pas un organisme de réglementation ou une commission, qui favorisent la concurrence.

Je dirais, au contraire, que la réglementation stricte du Canada a freiné la concurrence. Nous avons maintenant un environnement de soutien technologique de pointe. C'est devenu une priorité au Canada. Les consommateurs veulent ce que la technologie est prête à offrir, mais nous avons des règlements qui les empêchent de faire ce choix. Donc, plutôt que d'avoir favorisé la concurrence, nous l'avons freinée.

J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Spicer: J'en serais ravi, madame. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le moteur essentiel de la concurrence, c'est le marché. Qu'est-ce que le marché? C'est la technologie, c'est le capitalisme, ce sont les forces du marché, ce sont des millions de décisions prises par les entreprises et ce sont des dizaines de millions de consommateurs. Commençons par là. Nous sommes d'accord sur la définition d'un marché.

J'ai déclaré bien souvent publiquement que ce n'était ni le gouvernement ni les organismes de réglementation qui nous entraînaient inexorablement vers l'autoroute de l'information; ce sont les trois facteurs suivants: la technologie, les forces du marché et le consommateur. Cela ne fait aucun doute.

Toutefois, lorsque vous parlez de ce que font les organismes de réglementation, ils peuvent choisir d'intervenir ou de ne rien faire. Je sais que vous étudiez sérieusement les règlements. Vous constaterez très souvent que, en fait, pratiquement toujours, les grosses entreprises qui évoluent dans ce marché vous diront un beau matin qu'elles ne veulent pas de réglementation et l'après-midi-même qu'elles veulent bénéficier d'une certaine protection et qu'il faudrait donc faire respecter certains règlements.

C'est également la loi du marché. Si vous considérez ce qui est arrivé dans le monde du téléphone, en juin 1992, l'industrie nous a demandé de créer ce qui aurait été un duopole. Nous sommes allés plus loin que cela. Nous avons entièrement ouvert ce marché à la concurrence.

Ça a laissé tout le monde complètement interloqué et, croyez-le ou non, même la rédaction en chef du Globe and Mail. Nous avons recommencé. Je ne sais pas comment ils ont réussi à reconnaître et à écrire que c'était une décision audacieuse et visionnaire. C'est ce qu'ils ont dit, en septembre dernier, à propos de notre deuxième décision concernant le téléphone qui ouvrait la concurrence locale.

Ils sont restés complètement abasourdis. Même cet homme merveilleux qu'est M. Corcoran, humoriste de la section affaire...

Des voix: Oh, oh!

M. Spicer: ...a déclaré qu'il était très surpris. Il a dit des choses gentilles.

Donc, quand on s'occupe de réglementation, il faut être un peu philosophe et faire attention aux slogans.

Les organismes de réglementation sont probablement un mal nécessaire. Si vous considérez ce qui se passe aux États-Unis, vous verrez que, après avoir encouragé la concurrence pour les interurbains, ils ont dû déréglementer bien davantage pour s'assurer que les énormes compagnies n'avalent pas du jour au lendemain les plus petites. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Il ne suffit pas de se gargariser du slogan «la concurrence avant tout.» Il faut se demander comment cela va marcher. C'est chez nous qu'il faut le décider. Les slogans s'arrêtent à notre porte.

Nous devons appliquer ces slogans de concurrence et de protection du Canada à des situations concrètes de la réalité canadienne. Ce n'est plus une plaisanterie. Ce n'est plus un jeu théorique. Nous ne rédigeons pas un cours sur la concurrence 101, nous veillons à ce que cela marche. Nous veillons à ce que la concurrence marche pour l'économie et la culture canadiennes.

Il serait peut-être utile de considérer que la concurrence n'est pas l'objectif mais l'instrument permettant de parvenir à un objectif. L'objectif, c'est le Canada, l'existence du Canada. Un des instruments très utiles est la plus grande concurrence possible compatible avec l'existence du Canada.

Notre rôle qui est difficile consiste à concilier les exigences des consommateurs, les forces du marché et les exigences d'une entreprise qui veut prendre le contrôle d'autres entreprises et les protéger le matin alors qu'elle veut bénéficier de faveurs l'après-midi. Nous devons aussi surveiller la technologie, appliquer tout cela à des situations extrêmement complexes et garder le sens de l'humour. C'est, en fait, notre rôle, il s'agit de faire face à la réalité cas par cas.

.0940

À bien des égards, les ordonnances que vous étudiez aujourd'hui consistent à user de notre discrétion absolue, comme le stipule la Loi sur la radiodiffusion, pour examiner les questions cas par cas. C'est la raison pour laquelle le Parlement nous a créés, parce qu'aucun gouvernement n'a le temps de s'occuper de ces questions incroyablement complexes.

Nous rendons entre 4 600 et jusqu'à 5 000 décisions par an. Certaines sont très importantes, comme le rapport sur l'autoroute de l'information, d'autres très brèves, s'il s'agit d'accroître le nombre de watts d'une petite station à Wawa, en Ontario. Mais tout exige de considérer la réalité avec à la fois un microscope et un téléscope. C'est beaucoup de travail.

Je n'essaie pas de noyer votre question, croyez-moi bien. Si vous voulez pousser plus loin... mais ma réponse est...

Mme Brown (Calgary Sud-Est): Oh, je pense que nous pourrons sortir une ou deux pépites de tout cela...

Des voix: Oh, oh!

M. Spicer: Bien. C'est tout ce que je demande.

Mme Brown (Calgary Sud-Est): ...peut-être un petit quelque chose.

L'autre question que j'aimerais vous poser porte sur Expressvu et son entrée dans le secteur de la radiodiffusion.

Je trouve intéressant de voir comment vous présentez le problème à la page 8. C'est assez intéressant, si l'on considère la confrontation qui peut en sortir parce que vous estimez que la commission a pour rôle de faire appliquer des règlements et le gouvernement d'orienter en quelque sorte la radiotélédiffusion.

J'aimerais savoir comment ces deux éléments vont pouvoir être conciliés du point de vue juridique.

M. Spicer: Vous avez mis le doigt sur le problème essentiel, madame, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

La Loi sur la radiodiffusion stipule clairement que le gouvernement a le pouvoir de donner des directives d'application générale sur les grandes lignes de conduite. C'est limité essentiellement aux pargraphes 3(1) et 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion, peut-être également au paragraphe 5(2).

Cela signifie que, pour la politique de radiodiffusion et la politique de réglementation le Parlement, après des mois et des mois, et même des années, d'examen du pouvoir d'intervention de la part du gouvernement... et je crois qu'il est vrai que les parlements précédents avaient pris beaucoup de précaution lorsqu'ils ont inclus ce pouvoir. C'était une des questions réellement délicates. Personne ne voulait d'ingérence sectaire ou politique dans le processus de réglementation. Ils voulaient que ce soit autonome, libre, indépendant et non politique.

Vous savez tous que ceux-ci présentent des avantages énormes pour l'ensemble du système politique. Cela permet aux politiques de confier à des gens comme nous énormément de décisions difficiles et peu populaires. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes ici.

Une autre raison est que l'industrie doit avoir l'assurance que les règles du jeu sont les mêmes pour tous et que les consommateurs doivent être convaincus que leurs intérêts sont bien protégés. Il n'est pas toujours facile de convaincre tout le monde le même jour que les intérêts de tous sont protégés.

La meilleure analogie que je puisse vous donner est que si vous considérez les décisions que nous prenons un jour, vous pouvez prouver n'importe quoi - que nous sommes de connivence avec le secteur du téléphone, les câblodiffuseurs, les artistes et les consommateurs. Si vous y croyez vraiment, nous sommes de connivence avec tout le monde.

Ou alors, vous pouvez essayer de voir là un long film et de rester jusqu'au bout. Ce n'est jamais ennuyeux. Si vous considérez qu'il s'agit d'un long film, nous vous demanderions de regarder nos décisions sur une période de cinq ans. Rester jusqu'au bout et jugez-nous par rapport au mandat qui nous a été confié dans la loi.

Il y a des tas de gens qui ont l'impression que nous avons 25 autres mandats qui ne se trouvent pas dans la Loi sur la radiodiffusion ni dans la Loi sur les télécommunications. Notre principale fonction, aux termes des dispositions de la Loi sur la radiodiffusion, est de maintenir le Canada sur ses propres ondes.

Mme Brown (Calgary Sud-Est): Monsieur Spicer, je regrette de vous interrompre, mais je voudrais vraiment...

M. Spicer: Écoutez, j'ai pris trop de temps.

Mme Brown (Calgary Sud-Est): Non non, c'est très bien. Vous avez vraiment dit quelque chose de très fort lorsque vous avez déclaré que le résultat serait inévitablement renvoyé aux tribunaux. J'essaie de formuler cette question pour parvenir à comprendre ce qui va se passer, étant donné que vous jugez qu'il s'agit d'appliquer la loi et que, par ailleurs, le rôle du gouvernement est un rôle d'orientation.

M. Spicer: D'accord. Permettez-moi de revenir à votre question de façon plus précise.

Il y a une façon de concilier ces deux attributions statutaires de pouvoir, les pouvoirs attribués au Conseil des ministres, c'est-à-dire le droit de donner des orientations sur l'application générale de grandes lignes de conduite et notre droit et devoir, avec les exemptions prévues, d'administrer et de mettre ceux-ci en oeuvre. Il faudrait réviser les ordonnances de façon à ce qu'elles s'en tiennent à l'application générale et à la politique générale, à ce que nous avons appelé les principes.

Donnez-nous les principes généraux. La meilleure chose que le comité puisse faire actuellement serait d'aider le gouvernement à distiller ces décrets pour en extraire leurs principes fondamentaux et essentiels.

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Nous reconnaissons sans réserves le droit d'un gouvernement élu démocratiquement d'émettre des directives d'application générale portant sur de grandes politiques d'intérêt public. Cela n'est pas en cause. C'est d'ailleurs ce que nous disions déjà il y a cinq ans quand on discutait de la loi. Nous le répétons aujourd'hui.

Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut retrouver de l'autre côté de l'équation, comme d'ailleurs le Parlement lui-même l'a précisé, l'affirmation que ces pouvoirs doivent être exercés selon les règles prescrites et limitées. En effet, les pouvoirs en cause accordés au cabinet sont très étroitement définis et très limités. Ils sont cependant fort utiles, et je les décrirai comme minimalistes, mais musclés.

Si le gouvernement peut s'en tenir aux principes - principes très larges - je crois qu'il peut obtenir les politiques générales qu'il désire et il peut compter sur nous pour faire notre travail professionnellement, d'une façon indépendante et non subjective. C'est pour cela que nous sommes ici.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci.

Le président: La présidence, minimaliste mais musclée, doit intervenir pour donner la parole à M. Ianno, qui désire poser quelques questions.

M. Ianno (Trinity-Spadina): Merci beaucoup, monsieur Spicer, de comparaître devant nous.

Au lieu de traiter du rôle du CRTC et de s'engager dans des spéculations philosophiques comme celles que vous présentez, je m'intéresse au dossier que nous avons devant nous. Le cabinet a donné ses instructions, quelle est maintenant la solution que le CRTC propose?

J'ai lu les documents que vous nous avez fournis. On y parle, entre autres, de l'ordonnance d'exemption et du satellite américain. Il faut tenir compte du fait qu'Expressvu devait entrer en service le 1er septembre, ou à la date à laquelle ces services pourraient être offerts... La directive du cabinet concernait l'octroi de licences ou l'exemption. Y a-t-il toujours une possibilité d'accorder une licence à Expressvu ou à d'autres pour leur permettre de commencer à fonctionner le 1er septembre?

M. Spicer: En dépit de toute notre bonne volonté, qui est considérable, il est ironique de constater que, depuis que ce processus a été lancé, de licences va s'en trouver retardé.

Le processus d'octroi de licences a été accessible pendant huit mois. La porte était ouverte pendant cette période et pouvait être franchie par n'importe qui était prêt à se soumettre à des audiences publiques et télévisées et à expliquer pourquoi une licence devait être accordée en précisant ce qui serait fait pour le système de radiodiffusion canadien et pour appuyer la culture canadienne.

Personne n'a empêché qui que ce soit de se présenter et de demander une licence. Tout demandeur aurait bénéficié d'un service rapide et équitable.

J'ai indiqué au début que la concurrence pouvait être assurée de deux façons. D'une part, il y a la demande et l'octroi d'une licence, mais, malheureusement, personne n'a choisi de passer par cette grande porte.

L'autre méthode est de recourir à une exemption, et je devrais d'ailleurs clarifier ce que cela veut dire. Avec une exemption, il n'est pas nécessaire d'avoir une licence et il est intéressant de noter que nous avons reçu quelques lettres de personnes qui demandaient comment on pouvait obtenir une licence dans le cadre de l'ordonnance d'exemption.

En fait, «exemption» veut dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une licence. C'est pour cela que je répète, madame Brown, que nous poussons la concurrence.

Ce que le grand public nous a dit quand nous avons connu la mère de toutes les audiences, au printemps 93, nous a vivement impressionnés. On nous a dit qu'il fallait faire concurrence au câble. On s'en est pris à nous, ce qui n'est pas rare, mais le public voulait vraiment que des entreprises fassent concurrence au câble.

Nous avons écouté les exposés présentés. Nous avons dit que nous ferions cela. C'était aussi l'époque où l'on parlait des «étoiles de la mort». Vous souvenez-vous de cette expression? On ne s'en sert plus maintenant, mais elle était alors à la mode. Le public craignait que les Américains envahissent et détruisent le système canadien de radiodiffusion. Je crois que c'était exagéré, mais c'était néanmoins une préoccupation. C'était le climat qui régnait alors.

Le public et cette industrie nous ont implorés de favoriser la concurrence au Canada, par les Canadiens, le plus rapidement possible. Donc, après six mois d'audiences publiques, après l'examen attentif de 60 mémoires et à la demande de deux compagnies, Tee-Comm et Telesat, par exemple - nous pensions qu'il y en aurait d'autres - nous avons envisagé la possibilité d'accorder une exemption à ceux qui respecteraient le critère canadien et nous avons dit que, si les critères essentiels de propriété canadienne - les services avec prédominance canadienne, les satellites canadiens etc. - les intéressés pourraient commencer leurs activités aussi rapidement qu'ils le voulaient ou, en d'autres termes, sans licence.

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Pourquoi? Parce que la Loi sur la radioduffusion affirme que nous avons non seulement le droit mais l'obligation d'exempter les services qui, à notre avis, ne répondraient pas mieux aux dispositions de la Loi sur la radiodiffusion si on leur avait accordé une licence. En d'autres termes, parce que ce sont des Canadiens, physiquement présents sur leur territoire, avec leur siège social, leurs services techniques, etc., nous pouvons les contrôler. Nous pouvons nous assurer qu'ils servent les intérêts précisés dans la Loi sur la radiodiffusion.

Nous avons donc créé un régime concurrentiel avec deux portes d'entrée. Un système complètement ouvert. C'est exactement ce que crée l'exemption. Le libre accès. S'il s'agit d'une entreprise complètement canadienne, la grande porte est ouverte. Nous avons chaque matin imploré les cieux pour que des candidats se présentent à la porte. Nous avons également souhaité quelque peu que quelqu'un se présente aussi à l'autre porte. Il n'y avait pas d'obstacles à cela. Je pense pas que l'on puisse dire qu'il s'agissait d'un monopole.

Comme je l'ai déjà dit, si le gouvernement déclare que n'importe qui peut ouvrir un service de nettoyage de vêtements et que l'accès est complètement libre, mais qu'une seule entreprise est créée, peut-on dire qu'il s'agit d'un monopole? Je ne le pense pas.

M. Ianno: Merci, monsieur Spicer. Étant donné que notre temps est assez limité, puis-je vous demander de nous donner des réponses aussi brèves que possible?

M. Spicer: Je vous comprends.

M. Ianno: Ce dont je parle, c'est de ce que le Cabinet a fait en émettant une directive ou peu importe le nom. Je connais votre position sur l'octroi d'une exemption, car la condition est que le satellite doit être canadien. Quelle est la différence entre les deux positions et quelle serait la solution?

M. Spicer: La différence entre une exemption et une licence?

M. Ianno: Non, la différence entre ce qui est suggéré par le Cabinet et votre position. Comment réconcilier ces deux points de vue? Disons qu'Expressvu a dépensé certaines sommes, croyant qu'il pourrait entrer en service au début de septembre. Que peut-on faire pour que tout autre entreprise qui désirerait entrer en service au début de septembre puisse le faire sans pénaliser l'autre entreprise qui disposait de renseignements tels qu'elle pourrait offrir ses services?

M. Spicer: Je peux vous donner une réponse assez brève du point de vue juridique. Je demanderais ensuite au vice-président de traiter de la teneur de la question.

Donc, du point de vue juridique, notre principal objection porte sur l'aspect spécifique de l'intervention du gouvernement, sa rétroactivité et le fait que les documents signés n'étaient pas nécessaires. Ce sont-là les aspects juridiques. Si vous voulez les examiner de près, il faudrait y consacrer du temps.

M. Bélisle: La Commission fonctionne actuellement dans le cadre d'une ordonnance d'exemption et Expressvu a la possibilité d'entrer en activité immédiatement. Le gouvernement nous demande d'émettre des licences. Alors, que pouvons-nous faire maintenant?

M. Ianno: Comme vous avez bien présenté cet aspect, je l'ai compris. Est-il possible pour Expressvu ou n'importe quelle entreprise d'obtenir une licence, si elle est nécessaire, dès que possible de façon à pouvoir commencer à offrir des services au 1er septembre? Est-ce possible?

M. Bélisle: Pour le 1er septembre, non, cela n'est pas possible. Pour obtenir une licence, il faut qu'il y ait d'abord des audiences publiques. Celles-ci doivent être précédées d'un préavis de 50 jours. Nous ne pouvons pas organiser des audiences publiques actuellement, car il faut attendre que le processus parlementaire prenne fin afin de déterminer ce que seront les exigences du gouvernement et l'ordonnance qu'il désire émettre.

Donc, on se trouve dans les limbes. Tant que le gouvernement n'aura pas émis d'ordonnance, nous ne pourrons pas procéder à ce que nous appelons une «convocation», c'est-à-dire une invitation s'adressant aux parties intéressées et leur demandant de déposer leurs demandes. Une fois les demandes reçues, la loi prévoit un préavis public de 50 jours.

M. Ianno: Quand le gouvernement doit-il émettre cette ordonnance?

M. Bélisle: On s'attend à ce qu'elle soit émise vers la fin juin ou le début juillet. Je crois que c'est probablement la meilleure date.

M. Ianno: La définition de ce que le gouvernement désire sera retardée pour différentes raisons.

M. Bélisle: Selon la loi, 40 jours au moins doivent être consacrés à l'étude de l'ordonnance par le Parlement. Cela veut dire 40 jours à partir du dépôt de l'ordonnance, qui, je crois a eu lieu de 26 avril. Il faut ensuite compter 40 jours de séance de l'une ou l'autre des chambres. Il s'agit de jours de séance, et non de jours de calendrier.

M. Spicer: Nous pouvons dire que, dès que l'ordonnance entrera en application sous une forme quelconque, nous réagirons très rapidement.

M. Ianno: En d'autres termes, les 40 jours représentent huit semaines environ, s'il s'agit de jours de séance et si les chambres ne prennent pas de pause en même temps.

M. Bélisle: C'est aux alentours de 40 jours. Si la période de 40 jours expire le 23 juin, l'ordonnance du gouvernement pourrait entrer en vigueur le 41ème jour. À la fin de la période de 40 jours, en effet, tout ce que le gouvernement doit faire, c'est consulter la Commission avant que l'ordonnance n'entre en vigueur.

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M. Ianno: Donc, à la fin juin, s'il faut ajouter les 50 jours, cela nous amène à la fin août.

M. Bélisle: Il faut également savoir comment procéder une fois que l'ordonnance entre en vigueur. Est-ce que l'on invite toutes les parties intéressées à soumettre une demande, parce que, comme vous le savez, c'est ce que le groupe du SRD proposait, car il souhaitait qu'il y ait de la concurrence dans ce secteur? Si nous lançons cette invitation, il faudrait prévoir une période d'au plus 30 à 60 jours et organiser des audiences publiques. Or, celles-ci doivent être procédées d'un préavis de 50 jours pour permettre aux intervenants de participer. Des licences pourraient être alors accordées fin décembre ou début janvier.

Le président me rappelle que, si le processus commence le 23 juin il pourrait être conlu le 29 décembre, mais les licences seraient accordées fin décembre ou début janvier.

M. Ianno: Je constate qu'il y a une grande différence entre un système utilisant un satellite américain et un autre utilisant un satellite canadien. Il s'agit là de l'autre problème important qui s'ajoute à celui de la concurrence?

M. Bélisle: Cette question concerne la télévision à la carte. Le gouvernement doit préciser s'il exige de recourir à un satellite canadien pour le service canadien ou si l'on peut utiliser un satellite américain uniquement, réalisant les difficultés que cela pose pour le système canadien.

M. Ianno: C'est ce qu'on examine actuellement avant de préparer l'ordonnance. Ai-je raison?

M. Spicer: C'est l'une des choses qui doit être précisée et nous devrions souligner à nouveau que le gouvernement a déclaré à deux reprises - en septembre dernier et à nouveau en avril - que notre ordonnance d'exemption est conforme à la politique actuelle du gouvernement.

[Français]

Mme Tremblay: J'ai deux petites questions à poser à M. Spicer. Dans le décret numéro 23501, à la page 3, au paragraphe 4.b), une directive vous est donnée:

Vous qui avez donné à Expressvu la permission de commencer ses affaires le 1er septembre. Expressvu a rendu publique l'idée que, nonobstant tout décret, elle a les avis juridiques nécessaires pour se lancer en affaires le 1er septembre. Quels sont les moyens à votre disposition, dans l'éventualité où le décret serait émis comme il est écrit, pour vous permettre d'empêcher Expressvu d'entrer en ondes le 1er septembre, puisqu'elle n'aura pas de licence? Quels sont les moyens à votre disposition, à part envoyer la GRC?

M. Spicer: Si le gouvernement procédait ainsi, je pense que les conseillers devraient se consulter et envisager toutes les options. Je ne peux pas aller plus loin. Je ne suis pas habilité à vous dire le concensus qui se dégagerait. Il est évident que nous serions dans une situation juridique où il y aurait sans doute des recours juridiques. Je pense que ce Comité ne nous demanderait pas de faire des choses qui dépasseraient le cadre de la loi.

Mme Tremblay: Dans le même décret, à l'article 3, au paragraphe d), il y a une chose que j'aimerais clarifier avec vous. On parle de contributions faites par les câblodistributeurs au contenu canadien, c'est-à-dire l'argent qu'on met de côté pour constituer le fonds pour la production. Ils contribuent, à cause du canal communautaire, au fonds de production des câblodistributeurs et ceux-ci mettent sur pied le CPAC, ce qui, d'après nos informations, équivaudrait à une contribution totale d'environ 13 p. 100.

Les câblodistributeurs sont obligés de maintenir leur câble communautaire, de donner de l'argent au fonds de production d'émissions canadiennes et de mettre sur pied collectivement le Ce sont eux qui assument le CPAC.

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Donc, cela équivaut à un investissement de 13 p. 100. Au paragraphe 3.d), on réduit la contribution des gens qui produiront par satellite. On parle de télédistributeurs dans le décret, mais j'imagine qu'on voulait parler des câblodistributeurs. On leur dit: «au titre de la programmation communautaire». C'est donc exempter la télévision de contributions. C'est en quelque sorte une inégalité entre les câblodistributeurs et ceux qui produiront par satellite, puisqu'ils n'auront pas à contribuer au canal communautaire et et au maintien du CPAC. Donc, on demandera aux câblodistributeurs de fournir davantage que ce qu'on demande à ceux qui produisent par satellite.

M. Spicer: Madame, c'est une excellente question. Je pense que ceux qui vous ont fourni le chiffre de 13 p. 100 seraient les premiers à reconnaître que ce chiffre ne s'applique pas à toutes les compagnies de câble. Je voudrais voir cette comptabilité. Cela m'apparaît un peu élevé et même passablement élevé pour plusieurs grandes compagnies.

Il y a quelques jours, vous avez peut-être remarqué que nous avons reproché à Vidéotron de ne pas avoir rempli toutes ses obligations. Donc, prenons les 13 p. 100 comme base de départ. Vous voulez savoir si nous allons traiter équitablement les satellites et les câblodistributeurs. En principe, oui.

En principe, je crois que le consensus qui se dégage parmi tous ceux qui oeuvrent dans ce domaine - je retiens cela de l'audience publique sur l'autoroute de l'information - est que tous les distributeurs devraient, grosso modo, contribuer le même pourcentage de leurs revenus bruts au contenu canadien. Ce principe est passablement acquis.

[Traduction]

Le président: J'ai quelques questions à poser. Elles sont, en fait, au nombre de quatre et elles concernent en partie l'historique de tout cela.

Je constate que vous dites au début de vos remarques que l'une des raisons qui vous ont fait accélérer tout le processus qui a donné lieu à l'ordonnance d'exemption était que les consommateurs souhaitaient voir s'installer le plus vite possible la concurrence à l'égard des câblodistributeurs. Mais, si je reviens sur votre chronologie, et je m'en souviens également, en mai, il y a un an, Shaw, Astral, Rogers, JLL et CFCF ont annoncé qu'ils allaient assurer les services du SRD par satellites et avec la collaboration de WIC, Cancom B.C., etc.

Je sais que les choses ont maintenant changé. Le contexte n'est plus le même. Les intéressés qui ont exprimé leur opinion ont tous changé. Mais ce groupe initial d'intéressés comprenait évidemment de grandes compagnies de câble qui, mystérieusement favorisaient un système de remplacement de leurs propres services, ce qui a fini par se produire puisque l'alliance s'est effondrée.

J'aimerais savoir, par intérêt historique, si, au moment où cette alliance que je qualifierais d'infructueuse, pour ne pas dire d'impossible, a été constituée, le Conseil a encouragé sa formation de façon directe, indirecte, privée ou par l'intermédiaire de ses membres, ou s'est-il agi d'une surprise complète lorsque l'annonce a été faite le 17 mai?

M. Spicer: Le vice-président Bélisle sera heureux de vous donner des précisions sur la question.

M. Bélisle: Le Conseil n'a joué aucun rôle dans la constitution de l'alliance. Il a joué un rôle lorsqu'il s'est agi de faire en sorte qu'il y ait un système canadien de SRD. L'annonce qui a été faite à l'ACTC n'a pas été une suprise totale pour le Conseil, car on nous avait dit quelques semaines auparavant que des discussions étaient en cours. Lorsqu'on a commencé à élaborer les plans d'entreprise pour faire de ce SRD une opération viable, on a constaté que les perspectives financières n'étaient pas bonnes.

Le président: Mais lorsque l'alliance a été constituée, le Conseil ...

M. David Colville (vice-président intérimaire, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Dans le contexte de cet historique, je crois qu'il est important de comprendre également qu'il y avait une autre idée qui faisait parallèlement son chemin. Il s'agit de ce que l'on appelle la «tête dans le ciel». Cette idée est aussi le résultat des audiences structurelles. Les câblodistributeurs se sont réunis pour essayer d'utiliser le satellite et y intégrer la technologie de compression numérique qui permettrait aux câblodistributeurs ruraux de plus petite envergure de bénéficier d'une grande partie de ces services télévisés sans devoir investir beaucoup pour le matériel de décodage. Mais, pour chaque abonné, cela revenait très cher.

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Ainsi les câblodistributeurs, surtout quelques-uns des moins importants, se sont réunis pour mettre au point cette idée de la tête dans le ciel. Parallèlement, on développait ce système de tête dans le ciel et de SRD comme une seule entité. Ainsi, le consortium s'est constitué pour essayer d'aider les câblodistributeurs moins importants et, en même temps, plusieurs intéressés mettaient au point le SRD.

Comme vous l'avez indiqué plus tôt dans vos remarques, cette alliance a par la suite éclaté, car les câblodistributeurs ont constaté que l'élément SRD pouvait avoir des répercussions sur leurs propres opérations.

Mais, en même temps, ce gros consortium était constitué pour essayer de regrouper ces deux idées.

Le président: Si je regarde les grosses compagnies de câble telles que Shaw et Rogers, dont les noms figurent ici. Je me demande, même si le seul rôle du Conseil était d'être consulté deux semaines avant l'annonce, étant donné ce qu'a dit le président, c'est-à-dire que les consommateurs souhaitent voir s'installer la concurrence envers les câblodistributeurs, et non une sorte de collaboration, si les membres du Conseil ont dit: Un instant, ce sont eux-mêmes les concurrents, alors pourquoi voudraient-ils se joindre au groupe?

Le Conseil a-t-il donné son idée là-dessus?

M. Bélisle: Monsieur le président, je veux simplement donner des précisions. Je n'ai pas parlé de «consultations». Je crois avoir dit qu'on nous a «informés». On nous a dit qu'ils se regroupaient.

Le président: Je vois.

M. Bélisle: Le Conseil a toujours dit à tous les groupes qui souhaitaient offrir le SRD que... Le groupe qui devait offrir le SRD devait faire en sorte que le produit offert soit disponible pour les petites compagnies de câble, les MATV et les abonnés individuels et qu'il ne devrait pas y avoir de protection pour les zones couvertes par le câble.

M. Colville: Je trouve qu'il est intéressant de constater que, tandis que cette double initiative suivait son cours, les câblodistributeurs se sont lancés dans la mise au point de la tête dans le ciel, laissant les autres s'occuper de la proposition de SRD.

M. Spicer: Monsieur le président, peut-être me permettrez-vous d'ajouter un dernier mot. Je crois que nous avons toujours encouragé la création de solutions canadiennes, sans encourager une compagnie au détriment des autres. Il y a là une très grosse différence.

Le président: Ce que je vois, c'est qu'il y a sans doute des objectifs différents entre, d'une part, une solution canadienne et, d'autre part, une solution concurrentielle. Je crois que, au début il y a eu confusion des objectifs dans tout cela. C'est une simple remarque.

Pour ce qui est de l'ordonnance d'exemption proprement dite, par opposition à tout autre instrument, le gouvernement a reconnu que c'était techniquement correct, comme vous avez reconnu qu'il était techniquement correct pour le gouvernement de publier une directive d'orientation.

La question que peut se poser un non-juriste est la suivante: Qu'entend-on vraiment par ordonnance d'exemption? Est-ce un instrument surtout utilisé par des gens comme vous dans des situations où l'aspect technique est différent, où il n'y a pas de principe important en jeu ni de grosses entreprises en jeu? Est-il possible que, même si votre ordonnance d'exemption était techniquement correcte, elle n'ait pas été prévue pour des décisions aussi importantes que celles-là? Ou est-ce grâce à des ordonnances d'exemption que l'on est arrivé à un grand nombre de décisions importantes?

M. Spicer: Nous sommes accompagnés de notre conseillère juridique, monsieur le président. Je pourrais vous donner quelques exemples tels que le téléachat, la radio de faible puissance, etc., mais vous me demandez si des décisions importantes... et si le SRD n'est pas une décision importante. Je laisserai donc Mme Courtemanche répondre.

Mme Sylvie Courtemanche (conseillère juridique, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): On n'exige pas que la décision soit importante pour que le Conseil accorde une exemption. En vertu du paragraphe 9(4), l'exigence veut que lorsqu'on attribue une licence à une classe d'entreprises qui ne contribuera pas de façon importante à la mise en oeuvre des objectifs du paragraphe 3(1), le Conseil a l'obligation - il n'a même pas le choix à ce stade - de faire une exemption. C'est ce qui permet de trancher.

Par exemple, le Conseil a exempté les débats de la Chambre des communes et des assemblées législatives. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que ce sont des entreprises importantes. Elles sont importantes dans une démocratie. Mais l'attribution de licences à ces entreprises ne contribuera pas de façon importante à la mise en oeuvre des objectifs, et c'est ce qui compte.

Le Conseil, après avoir publié un avis public et reçu 60 mémoires, a essayé de voir sur le plan pratique si l'attribution de licences à des entreprises de distribution par SRD contribuerait de façon importante à la mise en oeuvre des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

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Il a été décidé que tel n'était pas le cas et qu'il fallait alors exempter. Le Conseil n'avait pas le choix. Les critères sont clairs et précis.

L'exploitation d'une entreprise qui fait l'objet d'une ordonnance d'exemption peut répondre à tous ces critères pour bénéficier d'une telle ordonnance. Si tel n'est pas le cas, elle doit alors demander une licence.

Le président: Pour bien comprendre, il faut faire la différence entre les intérêts de la demande ou les intérêts d'Expressvu et de DirecTv. DirecTv ne remplissait pas la condition essentielle qui concerne l'utilisation exclusive de satellites canadiens. C'est bien là que se situe la ligne de partage? Si DirecTv avait rempli cette condition, aurait-elle pu obtenir une ordonnance d'exemption ou y avait-il d'autres éléments également?

M. Bélisle: Monsieur le président, nous serions heureux que ce soit la seule condition décisive. En réalité, je ne crois pas que Power DirecTv ait jamais présenté ou rendu publique sa proposition. Cette proposition a peut-être évolué depuis l'année dernière. Je ne l'ai jamais vue. Je ne crois pas qu'elle ait été présentée où que ce soit.

Le président: Mais, de façon générale, c'est là que se situe la grande différence.

M. Bélisle: Autant que l'on sache. Je crois que Power DirecTv veut continuer à utiliser exclusivement un satellite américain pour offrir la télé à la carte.

Le président: Et des stations américaines aussi.

Pourquoi est-ce la condition décisive pour DirecTv, alors que des compagnies de câble peuvent utiliser des satellites étrangers pour fournir des émissions étrangères à leurs abonnés? Pourquoi semble-t-il y avoir une règle pour les câblodistributeurs et une autre règle pour les compagnies qui ont recours à des satellites?

M. Spicer: Ce n'est pas vrai. Il y a une différence entre la constitution de services en dehors du système par satellites, et c'est ce que font les câblodistributeurs, et la distribution au Canada. À un certain point, on a oublié cette distinction.

On dit que les câblodistributeurs utilisent des satellites, bien sûr, pour recueillir des services américains, mais, ensuite, les câblodistributeurs canadiens distribuent ces services en vertu de la législation canadienne. Sans cette distinction, il est facile de donner une telle impression. Mais il est indispensable de faire cette distinction.

Le président: Mais nous n'avons pas été catégoriques lorsque nous avons dit que toutes les entreprises au Canada, dans la mesure du possible, devaient utiliser des satellites canadiens, car, s'il en avait été autrement, nous aurions obligé les câblodistributeurs à le faire également. Si nous voulons favoriser les satellites canadiens, on aurait pu choisir cette voie.

M. Colville: Monsieur le président, cela nous ramène au moment de l'exemption, à savoir que si vous utilisez entièrement le satellite canadien, qui est un service correspondant à un secteur aérien auquel s'applique un monopole et dont nous assurons la réglementation, l'ordonnance d'exemption s'applique. Si elle ne s'applique pas clairement - parce qu'il nous semble que c'est la politique voulue par le gouvernement - il faut alors demander une licence. Il nous faut regarder la situation particulière du demandeur.

Le président: Permettez-moi de comprendre. Je crois avoir lu dans votre mémoire que si le gouvernement précisait la question de l'utilisation des satellites et que cet obstacle était éliminé, alors, d'après ce que l'on sait, étant donné qu'il n'y a pas eu de demande officielle pour cela, cela pourrait-il mettre un terme à toute cette affaire?

M. Spicer: Nous devons décider pour chaque cas individuellement en ayant la demande complète et c'est ce qui rend les choses si difficiles maintenant. Il est question ici de rumeurs, de demandes fantômes. Il nous faut une véritable demande. Il nous faut pouvoir lire tous les détails. C'est pour cela que nous existons.

Le président: Et permettez-moi de vous comprendre, cependant...

M. Bélisle: Si vous me permettez un petit complément d'information, l'exigence voulant que l'on ait recours à un satellite canadien n'est pas nouvelle. Elle n'a pas été créée, comme certains le crois, spécialement pour cette affaire. Lorsque Cancom a obtenu sa licence vers 1982 ou 1984, cette entreprise, en constituant son service, a été obligée de reprendre une liaison montante avec les réseaux américains pour utiliser un satellite canadien.

Le président: Il me semble, cependant, que, dans votre mémoire, vous demandiez une plus grande clarté en ce qui concerne l'utilisation des satellites canadiens.

M. Bélisle: Oui.

Le président: Si le gouvernement vous donnait ces précisions et qu'il se révélait que c'est là la principale distinction entre les deux demandes, cela pourrait résoudre le problème.

M. Spicer: C'est l'une des choses utiles que pourrait faire le gouvernement en procédant à une modification de l'ordonnance ou en émettant de nouvelles ordonnances. Cela préciserait les choses pour nous.

Le président: Il est très utile que nous le sachions.

Pour finir, je suis curieux à propos de l'avis public des 50 jours. Cela vaut-il généralement pour toutes vos mesures? Devez-vous vraiment donner un avis public de 50 jours pour pouvoir faire quelque chose ou y a-t-il des exceptions à cette règle?

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M. Bélisle: Depuis l'entrée en vigueur des Règles de procédure du CRTC, au début des années soixante-dix, pour donner un préavis suffisant d'une audience publique, les Règles de procédure ont été adoptées pour prévoir un préavis de 50 jours. La demande ne devient pas publique, tant que nous n'avons pas annoncé une audience publique. Les intervenants ont alors 30 jours pour prendre connaissance de la demande et faire connaître leur opinion au Conseil.

Le président: J'ai besoin d'explications là-dessus. Pour l'audience de First Choice Communications parue dans la Gazette le 28 octobre 1993, les audiences publiques ont eu lieu 13 jours plus tard.

M. Bélisle: Oui.

Le président: Dans le cas d'Omni Cablevision, la parution dans la Gazette date du 15 juin 1985 et les audiences publiques ont eu lieu 11 jours plus tard. Vous avez fait la même chose avec Rural Television - 32 jours. Que s'est-il passé?

M. Spicer: Monsieur Cohen, notre chef du contentieux, aimerait intervenir.

M. Avrum Cohen (chef du contentieux, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): J'aimerais rajouter un petit détail à ce qu'a dit M. Bélisle. La règle du CRTC sur le délai qui doit s'écouler entre la publication de l'avis et la tenue de l'audience prévoit, en fait, 50 jours. Toutefois, cela vaut pour l'attribution et le renouvellement d'une licence.

Nous faisons d'autres choses et certaines d'entre elles que vous avez mentionnées pourraient consister en transferts d'actions, par exemple. Nous pouvons tenir des audiences non visées par la règle de 50 jours. Nous ne pouvons toujours pas donner un préavis insuffisant, car les principes du droit administratif pourraient être invoqués par toute partie qui jugerait le préavis trop court, qui estimerait qu'elle n'a pas pu préparer et faire son intervention comme il se doit. La règle de 50 jours vaut uniquement pour l'attribution, le renouvellement et la modification d'une licence.

Dans le cas de First Choice, par exemple, lorsque cette compagnie a connu de très graves difficultés financières, lorsqu'elle a obtenu sa licence - après un certain temps - et que certaines personnes souahitaient la sauver, si vous voulez, en achetant les actions, le préavis a été de moins de 50 jours, car ce n'était pas une question d'attribution ou de renouvellement d'une licence. Il s'agissait d'un transfert d'actions. On nous a d'ailleurs intenté un procès à ce sujet. J'ai eu l'honneur de défendre la cause et le tribunal a dit que le préavis était suffisant en vertu du droit administratif, que 50 jours n'étaient pas nécessaires parce qu'il ne s'agissait pas de l'attribution, de la modification ou du renouvellement d'une licence.

Dans certains cas, donc, monsieur le président, nous donnons un préavis inférieur à 50 jours. Ce sont des exceptions et il ne s'agit généralement pas de décisions concernant les licences.

Le président: Pas habituellement? Y a-t-il jamais eu des décisions concernant des licences qui aient été prises en moins de 50 jours?

M. Cohen: Je ne crois pas pouvoir faire suffisamment confiance à ma mémoire pour dire catégoriquement que cela ne s'est jamais produit. Si c'est le cas, cela a dû être très exceptionnel et le délai n'a dû être raccourci que de quelques jours. Mais je n'ai pas souvenance de réductions importantes de délais pour une décision concernant une licence.

Le président: Merci.

M. de Jong (Regina - Qu'Appelle): Le comité va s'amuser à démêler cet écheveau.

En ce moment précis, alors qu'on essaie seulement d'obtenir des renseignements supplémentaires, avec les retards qui sont occasionnés, combien de temps pensez-vous que cela puisse prendre, au mieux?

M. Spicer: Tout d'abord, notre intention est d'agir pratiquement tout de suite lorsqu'il y aura une nouvelle ordonnance du gouvernement. Ensuite, nous essaierons de voir s'il est possible d'accélérer ou de télescoper la procédure sans refuser à de nouveaux acteurs le droit de participer et de préparer un plan d'entreprise raisonnable.

Cela dit, comme l'a indiqué le vice-président Bélisle, au mieux, nous pouvons prévoir que ce sera vers le 29 décembre 1995 que nous annoncerons une décision relative à l'octroi d'une licence, après avoir tenu une audience publique entièrement ouverte et avoir invité tous les nouveaux acteurs à participer.

C'est ce que nous pouvons envisager de mieux pour l'instant.

M. de Jong: C'est-à-dire le 29 décembre 1995. D'éventuelles poursuites pourraient-elles retarder les choses encore davantage?

M. Spicer: Je le répète, cela dépendra entièrement du libellé de l'ordonnance.

M. Cohen: J'ajouterais simplement que cela va aussi dépendre de la nature des poursuites judiciaires. Un certain nombre d'entre elles ne vont pas retarder le processus. Il est clair que si quelqu'un demandait une injonction ou une interdiction et que le tribunal devait nous ordonner d'interrompre la procédure, nous devrions obtempérer. Mais nous n'avons certainement pas l'intention de retarder les choses indéfiniment à cause de poursuites judiciaires.

.1020

M. de Jong: On peut imaginer à juste titre qu'Expressvu va contester devant les tribunaux parce que l'ordonnance est rétroactive. Selon le plan d'entreprise, la compagnie devait commencer ses opérations le 1er septembre 1995. Cela est maintenant hors de question. J'imagine qu'elle va essayer d'obtenir des dommages - intérêts pour les préjudices qu'elle va vraisemblablement subir.

Certaines de ces poursuites pourraient-elles retarder également le processus?

M. Cohen: Je crois que le Conseil serait dans une situation très difficile si l'on contestait sérieusement la légalité de l'ordonnance. Par exemple, il y a la partie qui concerne sa révocation, qui est peut-être la plus sujette à controverse, et celle qui risque le plus de donner lieu à des poursuites. Je ne pense pas que le Parlement souhaite que le Conseil agisse d'une manière qui lui semblerait, à lui et à d'autres, illégale.

Il va falloir attendre l'ordonnance pour en voir la teneur, mais le gouvernement devra comprendre que le Conseil, même s'il souhaite collaborer avec le gouvernement, n'est pas libre d'agir d'une façon qui lui paraît illégale.

M. de Jong: La rétroactivité de l'ordonnance du gouvernement m'inquiète aussi beaucoup. Je me demande quelles seraient les répercussions d'une telle chose, de façon générale, sur les investisseurs du secteur de la radiodiffusion canadienne. Pensez-vous que cela puisse être nuisible? Les investisseurs ont demandé pourquoi ils devraient investir dans quelque chose qui pouvait être unilatéralement changé du jour au lendemain.

M. Spicer: C'est, en gros, ce que disait l'ACR dans son intervention lorsqu'il a été question de ces pouvoirs. Elle a dit qu'une trop grande intervention du gouvernement était «déstabilisante». Je crois que cela inclut tous les dangers dont vous avez parlé.

M. de Jong: Nous avons déjà un marché gris relativement important. Ce sont les personnes qui se branchent sur le système SRD américain en prenant une adresse américaine. Ce sont ceux qui voient qu'il y a toutes ces émissions qu'ils aimeraient obtenir et que la seule façon de les obtenir consiste à prendre une adresse américaine. Diriez-vous que plus le processus est retardé, plus le marché gris se généralisera et plus il sera difficile d'attirer cette clientèle vers un système obéissant à la réglementation canadienne?

M. Spicer: Oui, je crois que c'est évident, monsieur.

M. de Jong: Pourquoi avez-vous exigé l'utilisation d'un satellite canadien? Est-ce pour favoriser l'industrie canadienne des satellites? Y a-t-il quelque autre raison qui vous ait poussé à exiger l'utilisation d'un satellite canadien?

M. Spicer: Les raisons sont nombreuses. Si j'en oublie, mes collègues complèteront.

Tout d'abord, regardez la Loi sur les télécommunications à deux endroits. Les alinéas 7b) et e) stipulent qu'il faut favoriser les installations techniques et de transmission canadiennes, parce qu'elles couvrent l'ensemble du pays et ensuite parce qu'elles doivent être utilisées pour les télécommunications en provenance et à destination de l'étranger.

La Loi sur la radiodiffusion comporte des dispositions concernant la propriété canadienne. Elle stipule également que, en ce qui concerne le système de radiodiffusion, nous devons utiliser au maximum toutes les ressources canadiennes - nouvelles et autres ou, du moins, surtout les ressources canadiennes, qu'elles soient nouvelles ou autres. On peut supposer, puisqu'il s'agit de distribution, que cela vaut pour les satellites.

De même, il y a eu des ententes internationales avec les États-Unis qui vont dans ce sens. Le gouvernement - je crois que c'était l'année dernière - a renvoyé notre décision concernant Cogeco et la radio payante et a dit que nous devrions favoriser plus souvent les installations de transmission canadiennes. C'est la communauté artistique qui veut cela. On nous a en quelque sorte tapé sur les doigts pour ne pas être allés assez loin dans notre recours aux satellites canadiens. De façon générale, notre travail consiste à défendre le Canada, qu'il s'agisse de contenu ou de distribution. C'est ce qu'est censé faire le Parlement.

Pour terminer - je le répète - le gouvernement a dit à deux reprises que notre ordonnance d'exemption était conforme à la politique ministérielle.

M. de Jong: L'application de la réglementation est-elle plus facile lorsque l'on utilise des satellites canadiens?

M. Spicer: Oui, très certainement.

.1025

Comme je le disais auparavant, nous voulons, dans le cadre de notre mandat, faire en sorte que les Canadiens écoutent les émissions canadiennes. Cela présuppose une certaine forme de contrôle. Si les sociétés sont assujetties à un contrôle canadien bien concret - parce qu'exige l'utilisation des ressources canadiennes, la participation des compagnies canadiennes le respect des normes techniques canadiennes, et ainsi de suite - il est plus facile pour nous de les encourager à tenir compte des intérêts canadiens dans ce qu'elles font et d'encourager la programmation d'émissions canadiennes. C'est le contenu qui est finalement au coeur de tout cela.

Ah oui, quant à savoir qui possède le contrôle... j'ai parlé des obligations liées à la propriété, dont il est question à l'alinéa 3(1)a) et de l'utilisation maximale des ressources canadiennes, qui est visée à l'alinéa 3f).

M. de Jong: Si vous avez recours aux satellites américains pour la transmission, tout en voulant respecter les critères qui s'appliquent au contenu canadien, cela signifie que le téléspectateur peut voir une foule de chaînes auxquelles il n'a pas accès parce qu'elles ne respectent pas les exigences en matière de contenu canadien. Est-ce exact?

M. Spicer: Je ne suis pas sûr d'avoir saisi l'essentiel de votre question.

M. de Jong: Si on utilise les satellites américains, les compagnies américaines transmettront toutes sortes d'autres émissions. L'application des règlements qui ont trait au contenu n'exigera-t-elle pas que certaines émissions ne soient pas transmises au Canada?

Le président: C'est une question technique. Il peut y avoir une capacité énorme quant au nombre d'émissions disponibles. Ce qui importe, c'est la façon dont elles sont captées, ainsi que le fait que certaines d'entre elles seront bloquées.

M. Spicer: Encore une fois, il y a une différence entre l'assemblage et la distribution. Si vous distribuez des émissions au Canada, vous êtes censés respecter la loi canadienne.

Le président: Mais, est-ce que cela vous facilite la tâche quand il faut faire ces choix?

M. Spicer: Ah oui.

M. Bélisle: Le point essentiel, c'est que le Conseil désire maintenir un certain contrôle sur les signaux américains qui sont diffusés au Canada. Je pense que personne ici ne prétendrait que le Canada peut imposer à un service américain des règles portant sur le contenu canadien.

Le président: Je vois que d'autres désirent poser des questions.

[Français]

M. McTeague (Ontario): Merci, monsieur Spicer. Il fait bon de vous revoir avec vos conseillers et les invités.

Ma question ne touche pas aux commentaires que vous avez faits ici sur la question des câblodistributeurs. Ma question porte sur un phénomène qui s'est présenté en fin de semaine, alors que mon voisin a acheté un satellite. Avec ce satellite, il a pu recevoir des...

Le président: Il n'a pas acheté le satellite lui-même, j'espère!

M. McTeague: Non, non! Je m'excuse. Il a acheté une soucoupe. C'est parce que les pensions des députés sont très élevées. C'est un autre sujet.

Donc, il a acheté une soucoupe et, en fin de semaine, il a pu recevoir plusieurs signaux d'autres pays. En particulier, j'ai été bien intéressé de voir le signal qu'il a reçu d'un pays qui s'appelle Dubaï. C'est un pays du Moyen-Orient qui permet à tous ses citoyens de recevoir le signal gratuitement.

J'aimerais bien savoir comment nous pouvons empêcher une personne comme mon voisin de recevoir gratuitement, sans qu'on l'en empêche, ces signaux d'autres pays.

M. Spicer: On ne veut certainement pas empêcher les Canadiens d'écouter des signaux qu'ils reçoivent à leurs frais. Notre politique ne consiste pas à censurer les Canadiens, mais à réglementer les sociétés, les entreprises canadiennes.

M. McTeague: Cela veut dire que, dans un monde où on aurait une centaine de signaux, il serait presque impossible d'empêcher que quelqu'un ait la chance de capter des signaux d'autres pays. C'est presque impossible, comme vous le dites. Si je veux voir Showcase ou A&E d'un autre pays comme Dubaï, il serait impossible de faire un genre d'interférence.

M. Spicer: Il n'y a pas de police du CRTC, je vous l'assure. Nous n'avons aucun intérêt à intervenir auprès des particuliers.

[Traduction]

M. McTeague: Dans ce cas-là, puisque le comité va examiner cette question plus large, je me soucie de voir quelle structure... Allons-nous devoir lutter contre des pirates, pour ainsi dire, si nous voulons nous assurer que les Canadiens auront accès à des émissions à contenu canadien? Le but même du satellite, bien sûr, c'est d'élargir le champ de vision pour que vous puissiez avoir un oeil sur le monde.

.1030

M. Spicer: En ce qui a trait à la qualité et aux différences essentielles qu'offre notre système, je pense qu'on pourrait dire sans trop craindre de se tromper que le système de radiodiffusion canadien actuel offre plus de choix que tout autre système au monde, y compris celui des États-Unis, où vous pouvez capter 25 chaînes qui diffusent le procès de O.J. Simpson, par exemple.

Nous avons tenté - et il en va de notre devoir - de faire trois choses: Améliorer la qualité de la télévision canadienne - et peut-être ne serez-vous pas d'accord pour dire que nous avons réussi à faire quelque chose - deuxièmement, nous avons voulu assurer une diversité fondamentale, dans la mesure du possible; et, troisièmement, nous voulions que ce qui serait diffusé soit aussi canadien que possible. C'est notre raison d'être.

Nous essayons aussi de faire en sorte que les Canadiens aient accès aux meilleures émissions au monde. Je pense que nous avons accès à tous les services américains essentiels. Certains vont exiger le History Channel, la chaîne qui diffuse des émissions d'histoire, ou une autre, mais notre devoir est de nous assurer que les services canadiens prédominent. Comme notre population est moins nombreuse, ce qui signifie que l'industrie de la radiodiffusion canadienne ne peut compter sur une assiette économique comparable à celle des États-Unis, il y a là une limite intrinsèque.

Mais vous avez raison, la technologie évolue de jour en jour, de semaine en semaine, et qui sait? Peut-être y aura-t-il tout un groupe de Canadiens qui achèteront des antennes paraboliques pour pouvoir capter les signaux qui les intéressent. Je ne sais; je ne vois rien que me le laisse supposer pour l'instant. Quant aux Canadiens qui ne sont pas satisfaits de la télévision canadienne, il faut leur prescrire une bonne dose de télévision étrangère; cela les guérira très rapidement.

M. McTeague: J'apprécie les explications que vous nous avez fournies quant à l'envergure de tout ce qui est offert, ainsi que les précisions offertes quant à votre mandat et au rôle que vous jouez dans ce contexte. Je vous félicite des efforts que vous faites, mais je comprends que ce contexte global marginalise toutes nos initiatives dans ce domaine. Nous luttons dans le contexte canadien, mais le champ d'opération s'étend à toute la planète.

Peut-être que ce que vous proposez, au fond, c'est que nous produisions des émissions canadiennes de qualité supérieure pour les diffuser au reste de la planète. Peut-être est-ce là la voie de l'avenir.

M. Spicer: Certainement.

M. McTeague: Ce n'est pas une mince affaire.

M. Spicer: Effectivement.

M. McTeague: C'est tout, monsieur le président.

M. Spicer: Peut-être pourrais-je ajouter quelques derniers commentaires.

Essentiellement, la Loi sur la radiodiffusion élaborée par les parlementaires est excellente. Nous pensons qu'elle continue d'être très valable. Il se pourrait que, au cours des années à venir, la technologie et les marchés évoluent d'une manière tellement fondamentale que vous voudrez réexaminer la loi.

Entre temps, nous devons respecter la loi actuelle et, jusqu'à maintenant, nous croyons qu'elle s'est révélée une loi excellente. Elle a su très bien prévoir l'avenir. Elle a prévu qu'il faudrait de plus en plus tenir compte des marchés, ainsi que des technologies différentes, et je pense que nous avons esquissé de façon assez précise, dans notre rapport sur l'inforoute, les approches qui nous permettront de continuer notre travail de réglementation en jouant un rôle très circonscrit et très ciblé, tel que je le proposais dans la perspective des ordonnances du gouvernement. Notre politique a toujours été de réglementer si c'était nécessaire, mais pas nécessairement de réglementer - c'est la théorie de MacKenzie King.

En ce qui a trait à la réglementation, nous pensons qu'il est très important de ne pas nous enliser dans les mots d'ordre, les dogmes ou le jargon. Les règlements doivent être infiniment variés, infiniment sensibles, afin de pouvoir s'adapter aux circonstances particulières, ce qui nous ramène au sujet du jour, les ordonnances. C'est là la raison d'être de ceux qui sont chargés d'administrer la réglementation. Ce sont des professionnels rémunérés pour faire ce travail et qui prennent le temps d'examiner toutes ces choses à la loupe pour qu'elles répondent très exactement aux besoins.

Voilà pourquoi je suis optimiste et pourquoi je pense que nous saurons mettre au point un compromis sensé quant à ces ordonnances, si le gouvernement consent à y jeter un autre coup d'oeil. C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement vous a saisis de la question; les choses se déroulent normalement. C'est un processus très sain, selon moi, et personne ne devrait y voir un duel du farwest.

C'est un processus honnête, ouvert et très transparent dans le cadre duquel le gouvernement nous a remis son projet de directives. Nous avons répondu de façon tout aussi ouverte avec notre lettre, un processus qui se poursuit ici, et je pense que la nouvelle perspective qui découlera de ce processus pourra fort bien déboucher sur l'élaboration d'un compromis réaliste éventuel.

Le président: Merci.

Je voulais simplement m'assurer, dans l'intérêt du voisin de Dan, qu'on peut supposer qu'un des attraits du service de satellite canadien, par opposition à celui de son voisin, qui n'est pas un service canadien, est qu'il fournirait l'accès aux chaînes canadiennes en plus d'une vaste gamme de chaînes de pays étrangers de partout au monde. Je suppose que votre voisin devra peut-être souscrire à un service de cablôdistribution pour obtenir les signaux canadiens, ou les obtenir d'ailleurs, et que le satellite qui lui fournit ces signaux ne lui permettra pas d'accéder à ces chaînes.

M. McTeague: J'espère que la police du CRTC ne va pas faire enquête chez mon voisin.

Le président: Oh, non; je pense que votre voisin a peut-être des goûts dispendieux.

M. McTeague: Quand j'ai dit qu'il serait peut-être possible à l'avenir de ne plus payer des frais d'abonnement aux compagnies de câblodistribution, je suppose que certains m'ont peut-être pris un peu trop au sérieux.

.1035

Le président: J'essayais simplement de faire ressortir le fait que c'est sans doute là, il faut le supposer, l'une des raisons qui encourageraient les Canadiens à vouloir s'abonner à un service de câblodistribution par satellite canadien qui offrirait, en plus de la gamme d'émissions étrangères, les émissions canadiennes. Autrement, votre voisin devra verser encore plus d'argent pour obtenir d'autres services.

M. Spicer: Absolument.

M. de Jong: Puis-je poser une question supplémentaire portant sur la différence entre les services canadiens et les autres? Quelles régions du Canada peuvent avoir accès au satellite américain par rapport au satellite canadien?

M. Spicer: Le rayon que couvre ce satellite n'est pas suffisant, à notre avis. Selon les meilleurs renseignements dont nous disposons, ces services ne sont pas accessibles dans tout le Grand Nord, et c'est d'ailleurs une autre raison qui nous pousse à nous assurer que nous pouvons offrir nos services au pays tout entier. C'est une autre raison qui milite en faveur de la présence d'un service de câblodistribution par satellite entièrement canadien.

M. Ianno: J'aurais une question supplémentaire, monsieur le président. Dans la mesure où vous pouvez le savoir, comme ils ne vous ont pas encore soumis de données, quelles économies représentent le SRD au niveau des coûts, et pourquoi voudraient-ils utiliser votre satellite plutôt qu'un satellite canadien?

M. Bélisle: Je vous prie de m'excuser; faites-vous allusion à la Power?

M. Ianno: Oui.

M. Bélisle: En ce qui a trait à Power Direct TV, les économies seraient attribuables au fait que le satellite est déjà présent. Il avait été mis en orbite pour le marché américain, et l'usage accessoire que peuvent en faire les sociétés canadiennes est gratuit. Le coût pourrait être considérablement moins élevé qu'il ne le serait si on avait recours aux installations d'une compagnie canadienne.

M. Ianno: Donc, comme quelqu'un l'a dit auparavant, on ne verra pas les émissions de la SRC ou les autres chaînes canadiennes, si on a recours à ce processus?

M. Bélisle: Vous voulez dire les émissions de la SRC qui sont retransmises par l'entremise du satellite américain, à l'heure actuelle? Quand vous parlez de la SRC...

M. Ianno: Non, je fais allusion aux chaînes canadiennes, celles qu'on voit au canal 6, par exemple, ou les autres.

M. Bélisle: Je pense que Power Direct TV, comme je le disais, a annoncé quelque part qu'elle retransmettrait les services canadiens.

M. Ianno: Moyennant certains frais?

M. Bélisle: J'imagine que oui. La compagnie n'a pas révélé son tarif, mais je pense que les services gratuits sont choses du passé. La compagnie offrirait un service de base qui répondrait, selon ce qu'elle a dit, je pense, aux critères du Conseil en ce qui a trait aux chaînes transmises et au contenu, qui doit être canadien en majeure partie. Reste à résoudre la question de la télévision à la carte, qui serait transmise exclusivement par l'entremise du satellite américain.

M. Ianno: On n'utiliserait pas la chaîne qui diffuse des films, ni celle qu'on peut voir dans l'Ouest avec les...

M. Bélisle: Nous ne le savons pas.

M. Ianno: D'accord.

M. Bélisle: Excusez-moi, parliez-vous de la programmation à la carte?

M. Ianno: Oui.

M. Bélisle: Non, ils ont dit expressément qu'ils voulaient avoir recours à Direct TV, le service américain.

Le président: Nous aurons l'occasion de parler aux intéressés la semaine prochaine.

[Français]

Mme Tremblay: Monsieur Spicer, vous aviez donné une licence à Cogeco et Shaw pour qu'ils utilisent une radio numérique. Ils utilisaient un satellite américain et le contenu était à prédominance américaine, mais le gouvernement a rescindé votre décision de sorte que vous avez été obligés de retirer la licence à Cogeco.

Maintenant, si le décret qu'on a devant nous, le décret portant le numéro 23501, est émis comme il est écrit au paragraphe 3.g), vous ne pourrez pas refuser d'émettre une licence sous prétexte qu'on va utiliser un satellite étranger. Est-ce dire que vous pourriez reconsidérer la décision, dans ce cas-là, si le décret existait tel quel?

Considérez-vous cela comme une nouvelle politique du gouvernement canadien, à savoir qu'on peut dorénavant utiliser n'importe quelle sorte de satellite? Pourriez-vous reconsidérer votre décision et redonner à nouveau une licence à Cogeco et Shaw?

M. Bélisle: Je ne pense pas que le Conseil puisse rétroactivement réordonner d'émettre une licence. Je crois que dans ce contexte-là, Cogeco et Shaw se qualifieraient s'ils voulaient déposer de nouveau leur projet.

Mme Tremblay: Il y a une autre chose que je veux me faire expliquer. C'est un mot qui est souvent utilisé, et je ne suis pas certaine d'en avoir une bonne compréhension. C'est toujours dans le même décret, au paragraphe h). On dit que lorsque l'entreprise donnera du service à la carte en langue anglaise, elle devra offrir le service de télévision à la carte en langue française. Il s'agit du mot «service».

Si, par exemple, dans mon service anglais, j'ai 60 canaux de films américains, parce que je les capte directement de mon satellite, vu que c'est du service à la carte, je suis donc obligée d'offrir un service en français.

.1040

Je vais donc aller quelque part trouver quelqu'un qui, rapidement, pourra me donner au moins un canal de films en français pour que je puisse dire que mon service français existe.

Est-ce qu'on considérerait comme équivalent un service qui offrirait 60 canaux de films en anglais et un service de films en français? Soixante pour un, est-ce que ce serait équivalent? Est-ce qu'on considérerait ça comme deux services équivalents?

M. Spicer: C'est une excellente question, madame. Ça me paraît une relation injuste pour le public francophone. Nous n'avons pas un tel cas devant nous, mais je pense qu'on essaierait d'améliorer de manière significative la proportion. Ça ne serait pas raisonnable, il me semble...

M. Bélisle: On a un appel relativement à des services francophones parce que, présentement, personne n'a de licence pour offrir un service à la carte francophone. On a un appel qui se termine le 30 juin. Je voulais seulement signaler au président qu'effectivement, selon les propositions qui vont être déposées, il appartiendra au Conseil d'adjuger ce qui est satisfaisant.

Mme Tremblay: Mais un service, ça peut comprendre plusieurs canaux. Ça, c'est vrai.

M. Bélisle: C'est la même chose que vos 60 canaux anglophones tantôt.

Mme Tremblay: Ce serait un service de films.

M. Bélisle: Parfois, le même film peut mobiliser trois ou quatre canaux, parce qu'il débute à toutes les 10 ou 15 minutes.

Mme Tremblay: D'accord. Même si j'ai 50 canaux de films, cela pourrait être considéré comme mon seul service de films dans l'ensemble de ce que j'offre.

M. Bélisle: Oui.

Mme Tremblay: Maintenant, si personne d'autre n'a des questions, je vais poser la grande question. Ce n'est pas la grande demande, mais...

Le président: Vous posez la question parce que M. Ianno a voulu poser la dernière, mais il était occupé. Donc, allez-y.

Mme Tremblay: Monsieur Spicer, j'aimerais beaucoup que vous éclairiez notre Comité sur une expression qui nous pose collectivement des problèmes, tant en français qu'en anglais. C'est un concept que vous avez utilisé et qu'il nous est très difficile de définir: l'«adressabilité» universelle.

M. Spicer: Vous nous posez une excellente question à nouveau. J'ai plusieurs experts ici qui vont peut-être donner la même réponse. Je l'espère vivement. On a du mal à trouver des métaphores pour mettre ça à la portée de...

Le président: Qui a crée cette expression?

M. Spicer: Un ingénieur fou, probablement.

Le président: Canadien, j'espère.

M. Spicer: J'ai heureusement un ingénieur à côté de moi qui n'est pas fou du tout. Il pourrait vous donner une réponse très technique. Il s'agit d'une technologie qui permet de cibler un foyer en particulier avec un service et qui permettrait donc au client vivant à la maison de choisir.

Quelle est la distinction à faire entre cela et la télé à la carte? Là, nous sommes aux prises avec un problème de terminologie parce que pay per view se traduit par «télé à la carte». En ce qui a trait à l'«adressabilité» universelle, je n'ai pas encore entendu d'expression simple et populaire pour résumer tout ça. On a dit en anglais, il est vrai, «pick and pay» et «interactivity».

[Traduction]

Même le mot «interactivity» n'est pas très attirant, très rassurant. Nous cherchons une expression qui permette de résumer tout cela.

Peut-être que M. Colville aurait un commentaire.

M. Colville: Peut-être pourriez-vous parler d'«adresse», presque dans le sens postal. Si les foyers n'avaient pas d'adresse, et si vous vouliez leur envoyer du courrier, ce ne serait pas possible. Dans le domaine de la câblodistribution, l'idée est la même; quand on parle d'«adressabilité» universelle, c'est une façon de dire qu'on veut que chaque foyer qui a la câblodistribution ait une adresse de câblodistribution, pour qu'on puisse cibler certaines émissions pour certains foyers donnés.

Le président: Pour ainsi dire, on peut aussi demander son courrier, n'est-ce pas? C'est comme si on disait: «J'aimerais recevoir telle ou telle lettre, s'il vous plaît.»

M. Colville: Oui, on parle de la possibilité de transmettre une émission donnée à un foyer particulier et aussi de la possibilité inverse, celle de demander telle ou telle émission.

M. Spicer: C'est la télévision interactive...

M. Colville: Oui, c'est aussi l'interactivité.

M. Spicer: ...ou quelque chose du genre. Je pense que nous avons ici un besoin criant d'une métaphore dans les deux langues.

[Français]

Mme Tremblay: Est-ce que l'«adressabilité» universelle est toujours interactive?

M. Spicer: Oui, par définition.

Mme Tremblay: Par définition? Parce que si elle l'est toujours, il faut complexifier. Il faut parler d'«adressabilité universelle interactive».

M. Spicer: Par définition.

M. Bélisle: Par définition, parce que, présentement, le câblodistributeur a l'option d'«adresser» tous ses clients à tout moment. On s'en sert dans le sens qu'il y a interactivité, que l'abonné va avoir le choix de faire des transactions individuelles.

[Traduction]

M. Colville: Ce n'est pas la véritable interactivité, en ce sens que vous pourriez transmettre une image télédiffusée à un foyer, qui pourrait à son tour aussi vous transmettre une image télévisuelle.

Quand les gens parlent d'adressabilité universelle dans le contexte d'aujourd'hui, ils font allusion à la possibilité de transmettre l'image au foyer de l'abonné et à la possibilité qu'a l'abonné, à son tour, de commander telle ou telle émission précise, que ce soit par téléphone ou directement par l'entremise du sytème de câblodistribution.

.1045

Le président: En d'autres termes, vous pouvez demander qu'on vous envoie certaines choses précises par courrier, mais vous ne pouvez pas expédier de courrier vous-même; vous ne pouvez qu'en demander.

M. Spicer: Vous commandez votre courrier.

Le président: C'est cela.

[Français]

Mme Tremblay: Ce serait donc quelque chose de payant.

Le président: Oui.

[Traduction]

Mais ce n'est pas nécessaire par définition.

[Français]

Mme Tremblay: Bien. By definition, c'est payant!

M. Bélisle: Tout va dépendre des projets parce que dans le projet UBI, à Chicoutimi, comme vous le savez, chaque foyer va avoir l'option. Maintenant, il appartiendra aux compagnies de déterminer, dans l'offre et la demande, si des services vont être gratuits et si d'autres vont être payants. Ce n'est pas définitif. On ne sait pas si ce sera automatiquement payant.

Le président: Si tous les éléments seront payants.

[Traduction]

M. Colville: À l'heure actuelle, l'adressabilité universelle n'existe pas encore. Elle existe pour les films seulement, ceux qu'on peut obtenir moyennant paiement par le truchement des services de télévision à la carte. Au fur et à mesure que l'adressabilité deviendra plus universelle et disponible dans tous les foyers, certains des services qui seront transmis à des foyers individuels pourront être gratuits pour les abonnés.

[Français]

Mme Tremblay: Selon vous, qui êtes un ingénieur très créatif, dans combien d'années l'«adressabilité» universelle pourrait-elle être disponible?

[Traduction]

M. Colville: Désolé, j'ai raté la question.

M. Spicer: Dans combien d'années pensez-vous...?

M. Colville: C'est une cible mouvante qui se déplace constamment dans le temps. Il y a trois ou quatre ans, nous pensions que les dispositifs permettant d'offrir ce service allaient être offerts à tous entre 1995 et 1997. Maintenant, nous pensons plutôt qu'il faudra attendre le tournant du siècle, et peut-être même plus longtemps avant que ce service ne soit offert à tous.

M. Spicer: Nous avons entendu dire qu'il pourrait y avoir

[Français]

une offre presque symbolique dès l'an prochain avec les premières boîtes interactives, mais pour la majorité des Canadiens, il faudra attendre de cinq à dix ans.

Mme Tremblay: Merci.

Le président: Nous n'avons que très peu de temps parce qu'un autre Comité a besoin de notre salle à 11 heures.

[Traduction]

M. Ianno: J'ai une question technique. Pour ce qui est du satellite américain, la transmission se ferait directement aux consommateurs...? Est-ce là l'approche dont il est question? On transmettrait les images directement du satellite américain aux consommateurs canadiens?

M. Spicer: Directement.

M. Ianno: Et comment ferait-il pour inclure la SRC ou d'autres chaînes canadiennes dans leurs signaux?

M. Colville: Nous n'avons pas vu leur proposition et nous ne savons donc pas exactement comment ils entendent y arriver sur le plan technique. Peut-être ont-ils l'intention de capter les signaux du satellite canadien et d'utiliser un cornet d'alimentation double sur leur antenne de satellite afin de pouvoir capter à la fois la programmation américaine du satellite américain et la programmation canadienne du satellite canadien.

M. Ianno: Le tout étant distribué à la tête du système.

M. Colville: Mais, comme je l'ai dit, nous n'avons pas encore reçu de propositions d'eux, et je ne peux donc pas parler des détails précis.

M. de Jong: Dans quelle mesure est-ce réalisable sur le plan technique d'avoir un dispositif de réception dans les foyers, tout en ayant deux satellites qui font la transmission? Sur le plan technique, est-ce facilement réalisable?

M. Colville: Je suppose que c'est réalisable, dans la mesure où les satellites ne sont pas trop distants l'un de l'autre, auquel cas il faudrait deux antennes.

Encore une fois, il faudrait parler aux représentants de compagnies telles qu'Expressvu et Power DirecTv pour obtenir des réponses plus précises à ce genre de questions.

M. de Jong: Les problèmes techniques ne sont donc pas exclus.

M. Colville: Sans doute ne seraient-ils pas insurmontables. Toutefois, ils ajouteraient au coût du système.

M. de Jong: Cela vaudrait la peine d'en reparler plus tard.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Messieurs, nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui, car vos propos ont permis d'éclairer le comité à propos des difficultés auxquelles nous serons peut-être confrontés dans ce domaine, à l'avenir, sur le plan politique et en ce qui a trait à la réglementation.

Je dois admettre que je fais moi aussi partie de ceux qui ont cédé à la tentation du marché gris.

J'ai dans ma cour arrière l'un de ces dispositifs dont les fils ne servent plus à rien. Je n'ai pas réussi à suivre l'évolution rapide des boîtes noires.

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Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié la variété et le niveau de sophistication des émissions qu'on peut capter à l'aide de l'antenne parabolique. Je pense que nous avons, d'ores et déjà, créé un appétit ici, au Canada, pour ce genre de services à cause du marché gris des émissions véhiculées par les antennes paraboliques, et le nombre de ceux qui y ont été exposés ne cessent de croître.

Je suis aussi d'accord pour dire que les consommateurs exigent des services d'une grande qualité et veulent goûter aux nouvelles technologies dès qu'elles sont disponibles, cela ne fait aucun doute. La difficulté pour votre organisation - et je fais ce commentaire dans son sens le plus positif - vient du fait que vous devez composer avec toutes ces forces du marché auxquelles vous-même et Jane Brown faisiez allusion ici aujourd'hui. Ce sera très intéressant d'observer l'évolution de la situation et de voir comment tout cela va se terminer.

Nous sommes devenus un groupe de consommateurs très à la page et nous voulons ce qu'il y a de mieux, nous voulons pouvoir profiter de ces services à la carte, ainsi que de tous ces autres services qui pourront nous être offerts grâce à l'inforoute.

Monsieur le président, je désire simplement féliciter les témoins et les remercier de nous avoir permis de profiter, dans nos discussions d'aujourd'hui du haut niveau de leur savoir et de leurs connaissances très poussée.

Le président: Nous allons intervenir en votre nom pour que la police du CRTC ne vienne pas vous chercher et vous mettre en prison à cause de votre satellite qui vous donne accès au marché gris. Je ferai de mon mieux pour vous venir en aide.

Je veux remercier les membres du Conseil d'avoir bien voulu comparaître devant le Comité. Cela a permis de bien lancer un débat des plus fascinants. Merci beaucoup d'être venus.

M. Spicer: Puis-je vous demander de nous comparer à des scouts plutôt qu'à la police et, si vous avez un petit moment pour jeter un coup d'oeil à notre bref échéancier ainsi qu'au document juridique, nous en serions honorés.

Le président: La séance est levée.

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