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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 novembre 1995

.0905

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Nous accueillons ce matin Mary Simon, ambassadeur aux affaires circumpolaires, qui est accompagnée de sa collègue Patricia Low-Bédard.

Je souhaite la bienvenue à Mary Simon. Je vous remercie d'être venue témoigner devant le comité. Comme je vous l'ai expliqué avant la réunion, madame Simon, le comité envisage sérieusement de faire une étude approfondie du dossier de l'Arctique et des affaires circumpolaires. Cette étude porterait sur l'ensemble de votre mandat, y compris l'environnement et les questions stratégiques, économiques et autres qui mettent en cause le Nord du Canada dans une perspective internationale. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir bien voulu nous prêter votre concours aujourd'hui en nous donnant des explications sur certains points. Je sais que les membres du comité comptent bien avoir l'occasion de vous poser des questions.

Peut-être pourriez-vous commencer par faire une brève déclaration d'introduction portant sur l'évolution de la conférence circumpolaire et nous faire part de vos réflexions à ce sujet. Nous pourrions ensuite vous poser des questions. Merci beaucoup.

Mme Mary Simon (ambassadeur aux affaires circumpolaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs. Comme vous le savez, je suis ambassadeur aux affaires circumpolaires. J'ai été nommée à ce poste il y a un peu plus d'un an, soit le 31 octobre, dans le cadre de l'engagement de politique étrangère du gouvernement de promouvoir une plus grande coopération entre les huit États riverains de l'Arctique: le Canada, les États-Unis, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Suède et la Russie.

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Je relève à la fois du ministre des Affaires étrangères et du ministre des Affaires indiennes et du Nord. Je vais vous donner un aperçu de mon mandat, afin que vous ayez une idée du genre de dossiers dont nous nous occupons à mon bureau.

Je représente souvent le Canada à des rencontres internationales portant sur des questions circumpolaires, autant pour l'Arctique que pour l'Antarctique. Je consulte également beaucoup de Canadiens qui s'intéressent à ces questions, particulièrement des représentants des gouvernements nordiques, des groupes autochtones du Nord et des gouvernements territoriaux et provinciaux. Je coordonne également les efforts fédéraux dans les dossiers circumpolaires et je préside un comité interministériel formé de représentants de 12 ministères qui se réunissent régulièrement pour discuter de questions relatives à l'Arctique.

L'une des questions prioritaires qu'on m'a confiées au moment de ma nomination était de promouvoir l'initiative canadienne visant l'établissement du Conseil de l'Arctique. Ce sera une nouvelle tribune pour la coopération multilatérale dans les questions relatives à l'Arctique. Les membres sont les huit États riverains de l'Arctique que j'ai énumérés au début de ma déclaration.

L'objectif est d'établir ce Conseil de l'Arctique dès le début de 1996 et de tenir une réunion inaugurale des ministres des Affaires étrangères des États arctiques; cette réunion aurait lieu au Canada, mais on ne sait pas encore exactement où et quand. Nous espérons avoir une discussion fructueuse à ce sujet à la réunion de la semaine prochaine à Toronto où nous essaierons de mettre la dernière main à la déclaration portant sur le Conseil de l'Arctique.

Je voudrais vous dire quelques mots sur l'historique de cette initiative et en décrire les objectifs et la structure.

C'est en 1989 que le Canada a proposé officiellement la création du Conseil de l'Arctique réunissant les huit pays riverains de l'Arctique, quoique l'idée en avait été lancée il y a au moins une vingtaine d'années. Les sept autres États riverains de l'Arctique appuient l'initiative et des consultations ont eu lieu depuis trois ans. Les leaders autochtones du Nord canadien et les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon, de l'État de l'Alaska et du Groenland ont également été consultés et ont pris l'engagement d'appuyer le Conseil.

Un tel Conseil serait avantageux. Les Canadiens et les autres disposeraient d'une tribune où ils pourraient prendre collectivement des décisions en vue de contribuer à résoudre les problèmes d'une importance cruciale qui se posent à nous tous dans les régions polaires. À cet égard, on prévoit que le Conseil de l'Arctique ne limitera pas son action à la stratégie de protection de l'environnement arctique, loin de là.

Le Conseil se penchera sur une vaste gamme de questions économiques, sociales, culturelles et autres. Pour la première fois, les gouvernements, les organisations et les peuples de l'Arctique pourraient ensemble établir formellement une liste des problèmes communs prioritaires et passer à l'action. Le Conseil de l'Arctique pourrait également devenir une importante tribune circumpolaire contribuant à la coopération et à la paix internationales.

En plus des huit pays membres, trois organisations représentant la majorité des peuples indigènes qui habitent la région circumpolaire de l'Arctique participeront en permanence au Conseil. Ce sont: la Conférence circumpolaire inuit, organisation qui représente les Inuit de l'Alaska, du Canada, du Groenland et de la partie orientale de la Russie au Tchoukotka, le Conseil Saami et l'Association des minorités indigènes du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient de la Fédération russe. Ce statut de participant permanent reconnaît les intérêts primordiaux qu'ont les peuples indigènes dans l'Arctique et leur permet de participer pleinement aux délibérations du Conseil.

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Je signale que ce niveau de participation des peuples indigènes est unique dans les tribunes internationales, où les groupes de ce genre ont généralement le statut d'observateur et non pas de participant. Ainsi, le Conseil de l'Arctique innove en créant un cadre permettant à ceux qui sont directement touchés par les politiques gouvernementales - en l'occurrence, les peuples indigènes qui, dans la plupart des cas, sont majoritaires au sein des populations arctiques - de participer aux discussions sur les questions qui les intéressent au premier chef et d'influer sur la prise de décisions parmi les États membres.

Le Conseil de l'Arctique sera un instrument intergouvernemental permettant de promouvoir la coopération et l'action concertée et de focaliser l'attention politique sur les dossiers urgents qui touchent les régions septentrionales circumpolaires. Ces questions ne se limitent pas à la protection de l'environnement et comprennent le développement économique des régions nordiques, l'utilisation des ressources renouvelables et non renouvelables, le commerce circumpolaire, l'amélioration de l'infrastructure des transports et des communications, la santé et le bien-être des résidents du Nord, le tourisme et les échanges culturels.

Les objectifs et les activités du Conseil seront groupés en deux initiatives principales: la Stratégie de protection de l'environnement arctique, qui existe déjà et à laquelle les huit États riverains de l'Arctique participent depuis 1991, et une initiative de développement durable de l'Arctique, qui est en voie d'élaboration. Le développement durable est à la fois l'objectif et le concept de base du Conseil de l'Arctique; il s'applique non seulement à la protection de l'environnement, mais aussi aux aspects économiques et sociaux du programme arctique.

Le Canada sera l'hôte de la prochaine réunion ministérielle de la Stratégie de protection de l'environnement arctique qui aura lieu à Inuvik les 20 et 21 mars de l'année prochaine. La Stratégie de protection de l'environnement arctique a permis d'accomplir énormément de progrès en une période relativement brève. Loin de faire double emploi avec la SPEA, comme nous l'appelons, le Conseil fera sienne la Stratégie qui deviendra sa pierre angulaire.

L'un des objectifs essentiels du Conseil de l'Arctique est de promouvoir de façon concrète le principe du développement durable. Par développement durable, on entend un développement planifié qui est clairement dans les limites de la capacité porteuse des écosystèmes arctiques et planétaires. Un tel développement doit contribuer à un environnement sûr et sain tout en protégeant les cultures des peuples indigènes et en respectant leurs droits fondamentaux, leurs valeurs et leurs priorités.

Quand l'initiative du développement vient d'ailleurs, des efforts doivent être déployés pour instaurer la justice sociale grâce à la participation directe des peuples indigènes à toutes les étapes du processus de planification. Une évaluation des incidences environnementales et sociales et un contrôle suivi sont des exigences fondamentales. De plus, nous devons veiller à ce que les retombées du développement avantagent les peuples nordiques d'une manière qui leur est acceptable.

La durabilité du développement prévu doit être mesurée à l'aune des générations actuelles et futures. À cet égard, il faut éviter toute contrainte limitant sérieusement nos options futures. En oeuvrant à la réalisation des objectifs importants du Conseil, les États de l'Arctique s'engagent à respecter et à utiliser les connaissances et l'expérience des peuples indigènes. C'est un principe qui figure dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, qui date de 1992, et c'est l'un des principes acceptés de la coopération au sein du Conseil.

On me pose souvent certaines questions à ce sujet. En quoi le Conseil de l'Arctique sera-t-il avantageux pour les peuples de l'Arctique? Eh bien, pour ce qui est du lien avec les gens, le Conseil donnera l'occasion de soumettre à une tribune internationale de nombreuses questions locales, régionales et nationales en vue d'en discuter et de passer à l'action en concertation avec les pays de l'Arctique. Il incombera aux représentants des organisations indigènes de porter à la connaissance du Conseil les questions qui les préoccupent, si le Conseil néglige d'aborder de telles questions.

Le Conseil de l'Arctique constituera une tribune unique permettant au gouvernement des huit pays riverains de l'Arctique de chercher à dégager un consensus en vue de trouver des solutions aux problèmes qui affligent l'Arctique, en étroite collaboration avec les peuples nordiques.

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Le programme du Conseil n'est pas étroitement défini, ce qui lui permettra d'aborder une vaste gamme de questions. Le Conseil se réunira deux fois par an au niveau ministériel. La présidence et le secrétariat du Conseil seront assumés à tour de rôle par les huit pays de l'Arctique, par rotation de deux ans, à commencer par le Canada en 1996.

Une autre question a été soulevée: le Conseil de l'Arctique fera-t-il double emploi et ne fera-t-il qu'ajouter à ce que certains pourraient considérer comme une prolifération d'organisations? Ajoutera-t-il simplement un nouvel appareil bureaucratique?

Assurément, le Conseil n'a pas pour objet de faire double emploi avec d'importantes initiatives comme la Stratégie de protection de l'environnement arctique, le Conseil Barents euro-arctique ou encore l'Accord Canada-Russie sur la coopération dans l'Arctique et le Nord.

Le Conseil de l'Arctique est conçu pour être une organisation cadre dotée d'une solide fonction de coordination. Le Conseil viendra renforcer les initiatives et les organisations qui sont déjà en place en vue de s'attaquer aux problèmes de l'Arctique et d'attirer l'attention sur les domaines où il y a lieu de déployer davantage d'efforts en matière de coopération. Surtout, il jettera un éclairage politique sur les dossiers de l'Arctique, particulièrement pour la mise en place de nouveaux cadres de coopération, le partage des compétences et le partage des coûts des solutions à apporter à de nombreux problèmes importants.

Pour ce qui est de la mise en place initiale, nous prévoyons que le secrétariat sera opérationnel d'ici la fin de l'année afin de déblayer le terrain pour le lancement du Conseil et sa réunion inaugurale. Le secrétariat sera appuyé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. À l'heure actuelle, les détails ne sont pas encore arrêtés.

On envisage que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international fournisse au secrétariat un directeur exécutif et un secrétaire, tandis que le ministère des Affaires indiennes et du Nord fournirait un attaché de direction et un stagiaire.

Ce dernier sera quelqu'un du Nunavut dont la participation se fera sous les auspices du programme de perfectionnement professionnel du Nunavut du Centre canadien de gestion.

Un financement de 275 000$ sur deux ans pour les frais de fonctionnement sera fourni par le ministère des Affaires indiennes et du Nord.

On espère pouvoir trouver des locaux pour le secrétariat de quatre personnes dans l'un des ministères qui soutiennent l'initiative, afin de réduire les coûts au minimum.

Mon bureau, qui comprend Patricia Low-Bédard, une secrétaire et moi-même, continuera de fonctionner et conservera son rôle d'élaboration des politiques et de direction, de concert avec la direction de la liaison circumpolaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui fournit également un soutien pour mon mandat.

Le secrétariat s'occupera de tous les arrangements administratifs et logistiques pour la première réunion ministérielle du Conseil qui aura lieu en 1998, ainsi que pour les réunions préparatoires des hauts fonctionnaires.

Quant à la situation actuelle, ce n'est qu'en février dernier que les États-Unis ont confirmé leur appui au Conseil de l'Arctique, lorsque le président Clinton a visité le Canada. Avant cela, les États-Unis hésitaient à appuyer le Conseil et les autres États riverains de l'Arctique avaient dit au Canada qu'ils ne voyaient pas comment le Conseil pourrait être viable en l'absence des États-Unis.

Ayant réussi à obtenir l'appui des États-Unis, nous avons été en mesure l'été dernier de tenir des discussions approfondies et de rédiger une ébauche de déclaration pour l'établissement du Conseil. Il y a eu deux réunions des hauts fonctionnaires en juin et en septembre. La prochaine est prévue à la fin du mois à Toronto, et les huit pays riverains de l'Arctique y discuteront de la Stratégie de protection de l'environnement arctique et progresseront dans la rédaction de la déclaration de création du Conseil de l'Arctique, tout en réglant d'autres questions laissées en suspens à l'issue des deux dernières rondes de négociations.

Ultimement, nous verrons naître un véritable partenariat permettant aux gouvernements, aux peuples indigènes et aux autres peuples du Nord d'élaborer de concert une vision pour l'Arctique, ce qui permettra d'harmoniser les programmes nationaux et d'encourager la diversité culturelle. Si nous pouvons réussir à cet égard, j'ai bon espoir que nous pourrions rapidement passer à l'action et définir et appliquer les principes du développement durable et équitable dans l'Arctique. Chose certaine, il est prévu que le Conseil de l'Arctique sera un instrument orienté vers l'action et axé sur les résultats.

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Comme toute tribune de ce genre, le Conseil de l'Arctique aura des limites raisonnables. Par exemple, il n'est pas possible d'aborder d'un seul coup toutes les préoccupations. Il faudra établir un ordre de priorité, à la fois au Canada et à l'échelle internationale. Au bout du compte, l'efficacité du Conseil dépendra des efforts conjoints déployés par toutes les parties prenantes.

J'étais très contente d'entendre le président dire que votre comité s'intéresse aux questions circumpolaires, car une fois que le Conseil de l'Arctique sera lancé, nous devrons décider quelles sont les questions prioritaires exigeant une attention multilatérale. Nous avons commencé à en discuter, mais il serait extrêmement utile de pouvoir compter sur de l'aide en ce qui concerne la recherche ou bien pour établir le programme du Conseil de l'Arctique.

Vous n'êtes pas sans savoir que les ressources du gouvernement sont très limitées ces temps-ci et nous n'avons donc pas beaucoup de gens pour travailler à ce dossier. Si le comité est intéressé à faire du travail dans les questions circumpolaires, cela nous ferait certainement plaisir.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je suis à votre disposition pour répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Merci beaucoup, madame Simon.

Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): Voici ma première question. Je me suis un peu documenté sur l'établissement du Nunavut et ce que cela suppose en termes d'appareil gouvernemental, etc. Je me demande s'il y a quelque chose de semblable dans un autre pays de l'Arctique, c'est-à-dire un territoire peuplé essentiellement d'Autochtones, que l'on a constitué en province à part entière, ou quel que soit le nom qu'on lui donne. Y a-t-il quelque chose de semblable dans l'un des autres pays en cause?

Mme Simon: Ce qui s'en rapproche le plus, ce serait la création du territoire autonome du Groenland. Les Inuit du Groenland ont négocié avec le Danemark l'autonomie gouvernementale qui leur a été accordée en 1979. Beaucoup de services ou dossiers qui relevaient historiquement du Danemark ont été transférés à la nouvelle administration autonome. Bien que la structure de ce territoire autonome soit différente de celle du Nunavut, ce sont deux régions que l'on peut comparer à certains égards parce que la majorité de la population du Groenland est inuit, ou plutôt groenlandaise.

M. Mills: Le coût semble énorme, compte tenu du nombre d'habitants et des coûts prévus pour l'établissement de l'appareil administratif, etc. Avez-vous fait une comparaison de ces coûts avec ceux des autres provinces, etc.? Ils me semblent tout simplement exorbitants.

Mme Simon: Il y a un contexte qui explique pourquoi les Inuit du Nunavut estiment que c'est une bonne chose. Je faisais partie de la commission qui a été établie par le gouvernement pour conseiller le gouvernement fédéral sur la création du Nunavut. J'étais membre de cette commission jusqu'à ce que je sois nommée au poste que j'occupe actuellement.

Le coût était évidemment le tout premier élément à examiner; il fallait s'assurer que nous n'étions pas en train de créer un nouveau gouvernement qui coûterait plus cher aux contribuables canadiens. Nous étions convaincus, et je crois qu'ils le sont toujours, qu'à long terme, cela ferait économiser de l'argent au Canada, parce qu'il y a toujours eu beaucoup de dédoublements des services gouvernementaux dans le Nord. Partout dans le Nord, que ce soit dans l'est ou dans l'ouest, il y a depuis nombre d'années plusieurs administrations qui se superposent: il y a le gouvernement fédéral, l'administration territoriale, dans la région d'où je viens, il y a le gouvernement du Québec, et puis il y a les municipalités. Il y a toujours eu dédoublement des efforts.

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Nous espérons, à juste titre, je crois, qu'une fois que le gouvernement du Nunavut sera établi et que le taux d'emploi augmentera pour la population locale, cela réduira la dépendance à l'égard de l'assistance sociale, éliminera beaucoup de chevauchements et de dédoublements dans les programmes et services, et créera de l'emploi pour les gens de la région. À long terme, je crois que le coût sera assurément plus bas. Les gens sont obnubilés par le coût du lancement; or, le coût baissera probablement au cours des prochaines années.

M. Mills: Voyez-vous la région devenir autosuffisante à un moment donné?

Mme Simon: Cela dépend du genre d'entente que le territoire du Nunavut pourra conclure avec le gouvernement fédéral pour ce qui est de l'exploitation des ressources.

À l'heure actuelle, il y a des négociations vraiment intenses avec les Territoires du Nord-Ouest sur l'entente entre les territoires et le gouvernement fédéral quant aux paiements de transfert et aux recettes provenant de l'exploitation des ressources. Je pense que cela dépendra beaucoup du genre d'entente que le nouveau territoire du Nunavut pourra négocier avec le Canada fédéral. Je ne suis pas certaine que cela permettra jamais d'éliminer complètement les subventions que les provinces et les territoires reçoivent du gouvernement fédéral.

Le président: Merci.

Monsieur Speller.

M. Speller (Haldimand-Norfolk): Je vous remercie d'être venue rencontrer le comité. J'ai une question sur ce que fera essentiellement cette nouvelle organisation et sur la façon dont nos intérêts dans le Nord canadien que vous représentez seront défendus.

Vous avez évoqué des questions commerciales et peut-être des questions de sécurité. Au cours des premières années, comment envisagez-vous tout cela? Quelles seront les priorités? En quoi cela avantagera-t-il les intérêts du Canada? Quand je parle des intérêts dans le Nord, je songe notamment au passage du Nord-Ouest et aux problèmes que nous avons avec les Américains. Une organisation comme celle-ci aidera-t-elle à renforcer notre position dans cette région, par exemple vis-à-vis de la position adoptée par les Européens dans le secteur de la fourrure? Comment cette organisation aidera-t-elle le Canada à défendre sa position face aux Européens dans le dossier de la fourrure?

Mme Simon: Premièrement, il y a une entente actuellement entre les pays de l'Arctique sur les questions environnementales; cela s'appelle la Stratégie de protection de l'environnement arctique. Beaucoup de travail a été fait dans ce dossier, beaucoup de recherche et de contrôle, et l'on a commencé à identifier certains problèmes environnementaux.

L'un de ces problèmes, ce sont les contaminants qui se retrouvent dans la chaîne alimentaire dans le Nord, avec les conséquences que cela peut avoir sur la population humaine, et ce que devraient faire les pays de l'Arctique pour essayer de remédier à ce problème à la source.

Les questions environnementales seront assurément au tout premier plan. Dans cette catégorie, il y a différents dossiers, notamment la question des contaminants. Je pense que le Canada continuerait d'être avantagé sur ce plan dans un cadre de coopération multilatérale. Peut-être que nous serons même avantagés davantage en mettant en place une organisation cadre qui ne s'occupe pas seulement des questions environnementales, mais dont l'une des principales initiatives a trait au développement durable. Il est évident que les problèmes environnementaux et les questions de développement sont liés au bout du compte.

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Nous espérons que lorsque l'initiative de développement durable sera établie dans le cadre du Conseil de l'Arctique, nous serons en mesure d'identifier de façon plus concrète comment les habitants du Nord seront avantagés sur le plan de l'emploi, pas seulement dans les domaines traditionnels, à cause de la stratification des groupes d'âge dans le Nord, surtout parmi les Autochtones; en effet, 50 p. 100 et plus ont moins de 25 ans. Ces jeunes sont beaucoup plus instruits que les Autochtones du Nord ne l'étaient traditionnellement. Ils cherchent donc des emplois; ils cherchent à se placer dans le monde des affaires. Ainsi, je pense que la coopération entre les pays de l'Arctique peut déboucher sur des solutions dans ce domaine.

M. Speller: Comment se situe le Canada, en comparaison avec les autres pays, pour ce qui est de l'emploi, du revenu ou de la santé parmi la population autochtone? Comment nous comparons-nous à la Russie ou au Danemark?

Mme Simon: Le Nord canadien est très avancé sur le plan de la technologie, de la santé et d'autres services, de sorte qu'il n'y a vraiment aucune comparaison entre, disons, le Nord du Canada et le Nord de la Russie. Pour les pays nordiques, c'est plus comparable.

J'allais justement aborder la question que vous venez de soulever, à savoir le commerce des fourrures. Il pourrait être avantageux d'aborder ce dossier par l'entremise du Conseil de l'Arctique. La Suède et les autres pays nordiques ont un secteur de la fourrure d'élevage et les peuples indigènes de ces pays dépendent également du commerce des fourrures d'animaux sauvages. Le Canada n'est pas seul en cause. Il faut tenir des discussions afin de concilier ces intérêts antagonistes; il ne faut pas tuer un secteur pour promouvoir l'autre. Le dossier de la fourrure pourrait être prioritaire parmi les questions abordées par le Conseil de l'Arctique.

On pourrait également y discuter de questions comme celles du passage du Nord-Ouest. Il n'y a pas d'agenda prédéterminé, de sorte que tout pays peut soulever au Conseil de l'Arctique les questions dont il voudrait discuter. Ainsi, si le Canada proposait une discussion sur le passage du Nord-Ouest et que les huit pays membres soient d'accord, cette discussion pourrait avoir lieu.

Le seul aspect que les pays membres estiment devoir écarter de l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique, ce sont les questions militaires, c'est-à-dire des questions stratégiques ou sensibles relatives à l'activité militaire. Toutefois, nous avons fait savoir que nous ne voulons pas exclure tous les aspects du dossier militaire, parce que beaucoup de questions environnementales sont liées à des activités militaires qui ne sont pas nécessairement sensibles ou stratégiques et qu'il pourrait être avantageux d'en discuter au Conseil de l'Arctique, notamment les déchets nucléaires, l'immersion de déchets dans l'océan Arctique, etc.

Le Canada a beaucoup à gagner de cette initiative.

Le président: Monsieur Morrison.

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Vous avez déjà abordé brièvement la question que je voulais poser, madame Simon, mais je voudrais que vous nous en parliez davantage.

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Je suppose que l'on peut dire que les îles de l'Arctique sont maintenant reconnues territoire canadien en vertu de la doctrine de l'occupation effective, mais pratiquement personne ne semble reconnaître nos droits sur les eaux libres entre ces îles. En fait, on ne nous demande pas la permission avant d'aller naviguer dans ces eaux; on se contente de nous dire qu'on prévoit de le faire ou même qu'on l'a déjà fait. Les Américains et les Russes font naviguer leurs sous-marins là-bas en toute impunité et ils ne nous le disent même pas.

À titre d'ambassadeur, avez-vous abordé cette question précise de la liberté de navigation entre les îles de l'Arctique? En a-t-on discuté? Dans quel contexte?

Mme Simon: Non, je n'ai pas encore discuté de cette question avec d'autres officiels du gouvernement. Il y a une division au ministère des Affaires étrangères qui s'occupe de ce dossier. Mon bureau n'a pas abordé spécifiquement ce dossier; la question n'a pas été soulevée.

M. Morrison: Votre poste n'est donc pas vraiment un poste d'ambassadeur, il se situe plutôt à un rang inférieur, puisque vous n'abordez pas ces questions.

Mme Simon: Je m'excuse, je ne comprends pas la question.

M. Morrison: Eh bien, vous n'avez pas vraiment le rang d'ambassadeur représentant un pays, si vous ne discutez pas de ces questions qui sont d'une importance vitale. Voilà ce que j'essaie de savoir.

Mme Simon: Il y aura des occasions d'en discuter. Depuis un an, je concentre tous mes efforts sur les négociations visant à la création du Conseil. Nous avons abordé beaucoup d'autres dossiers en plus de celui-là, notamment le commerce des fourrures et la réserve naturelle de l'Arctique, c'est-à-dire le Arctic National Wildlife Refuge en Alaska et au Yukon, mais nous n'avons tout simplement pas eu le temps d'approfondir des questions de politique.

J'aurai assurément un rôle à jouer dans ces dossiers. Quant à savoir si j'ai autant d'influence que les autres ambassadeurs, je ne le pense pas. Je ne suis pas un ambassadeur à part entière; je suis ambassadeur spécial pour les affaires circumpolaires. Mais j'espère pouvoir influencer la politique du gouvernement en discutant avec d'autres porte-parole officiels du gouvernement.

M. Morrison: Merci.

Le président: Monsieur Caccia.

M. Caccia (Davenport): C'est justement le genre d'ambassadeur dont nous avons grandement besoin, monsieur le président, également pour faire entrer une bouffée d'air frais dans le système. Je tiens à vous remercier d'avoir organisé cette réunion et de nous avoir donné l'occasion d'entendre Mme Simon. Ce qu'elle nous a présenté ce matin est tout simplement passionnant.

Le rôle du Conseil offre un potentiel extraordinaire. Le Conseil lui-même, comme vous le savez, est préconisé depuis nombre d'années par d'éminents universitaires, scientifiques, Autochtones et autres personnes qui s'intéressent vivement au Nord canadien. C'est une idée qui est dans l'air depuis longtemps et qui atteint enfin la maturité.

Il me semble que le rôle du Conseil, surtout en matière de sécurité, est de se pencher sur les menaces non traditionnelles à la sécurité qui sont énoncées dans le document de politique étrangère publié par le gouvernement en 1995. Je pense que c'est la manière moderne d'aborder la sécurité, et c'est ce qu'il faut faire dans les années 1990.

En ce sens, la sécurité est d'ordre social et économique; il s'agit notamment de protéger le mode de vie, la culture et de promouvoir l'expression artistique du peuple de l'Arctique dont la réputation internationale a grandi celle du Canada à l'étranger, comme vous le savez. Cet art a même été copié ou reproduit à l'intention du public canadien par des artistes blancs comme William Kurelek, que vous connaissez probablement et dont les tableaux dépeignant l'Arctique sont très révélateurs du point de vue du message social.

Il y a une question qui a déjà été abordée par Mme Simon, celle de la pollution transfrontalière. Il me semble qu'il faut impérativement s'attaquer à ce problème de la pollution transfrontalière au moyen de protocoles internationaux. À ma connaissance, nous n'avons ratifié qu'un seul protocole, celui sur le bioxyde de soufre, mais il y en a beaucoup d'autres qui sont en suspens, faute de volonté politique au niveau international. Ce sont ces substances qui se retrouvent souvent dans le corps des gens de l'Arctique et qui causent des inquiétudes considérables.

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Il y a ensuite la question qui a été soulevée en mai dernier par les membres du Comité de l'environnement, à savoir les matériaux toxiques abandonnés par les militaires dans le Nord ou le long du réseau d'alerte avancée. Les gens du Nord demandent que ces matériaux soient rapportés d'où ils viennent, ce qui est fort compréhensible. Cela ne cadre pas du tout dans le paysage ou l'environnement de l'Arctique et les gens du Nord ont présenté à notre comité des instances très fermes en ce sens. Je crois que leur message était particulièrement fort à Campbell River.

Je suis certain, monsieur le président, que vous serez stupéfié d'apprendre qu'il y a encore une station de ce réseau d'alerte avancée qui est partiellement opérationnelle. Nous ne savons pas qui est l'ennemi, monsieur le président, mais nous avons encore une station d'alerte avancée qui est très bien équipée et munie d'écrans radars chargés de nous alerter en cas d'invasion d'avions ennemis, probablement en provenance de Mars.

M. Mills: C'est peut-être le SCRS.

M. Caccia: Ma foi, voilà une interprétation intéressante.

Le président: Je crois, monsieur Caccia, que les OVNI intéressent davantage pour le moment le Comité de l'environnement que notre comité, qui se consacre exclusivement aux affaires terrestres.

M. Caccia: Nous nous intéressons au développement durable et je suis très content d'entendre la définition qu'en a donnée ce matin Mme Simon ainsi que les diverses interprétations.

Enfin, il me semble que la stratégie de l'Arctique devrait s'étendre aux activités des sous-marins nucléaires russes, mais à ma connaissance, ce n'est pas le cas. Ce sont de véritables Tchernobyl flottants, monsieur le président. Ils constituent une menace pour l'Arctique oriental et la question a d'ailleurs été abordée au comité en mai dernier. Ils constituent également, évidemment, une menace sans précédent pour les régions arctiques de la Scandinavie. La question, c'est leur déclassement et le coût de ce déclassement, ainsi que la nécessité peut-être de mettre des technologies américaines et canadiennes à la portée des autorités russes afin d'élaborer de concert avec elles une méthode pour la mise hors service de ces maudits sous-marins, qui sont une cinquantaine et qui menacent la santé des habitants de l'Arctique non seulement en Russie, mais peut-être aussi en Finlande, en Norvège, au Groenland et au Canada.

Ce serait peut-être la question idéale à mettre à l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique pour sa première réunion. Il faudra beaucoup de volonté politique dans ce dossier. Le savoir-faire technologique existe. Il est donc inconcevable que le gouvernement de Russie laisse planer cette incertitude, cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des gens de l'Arctique des sept ou huit pays en cause.

Je vous suis donc très reconnaissant de nous avoir donné l'occasion d'entendre Mme Simon et de m'avoir permis de faire ce petit exposé.

Le président: Merci beaucoup.

M. Caccia: Ma question est: «N'est-ce pas?»

Des voix: Oh, oh!

Le président: Souhaitez-vous considérer l'un ou l'autre de ces énoncés comme une question, madame Simon?

Mme Simon: Je peux faire quelques brèves observations.

Pour ce qui est de la pollution transfrontalière et du protocole international, des négociations se déroulent en ce moment même en vue de conclure une entente sur la pollution organique persistante. L'entente ne sera peut-être pas finalisée au moment où la réunion ministérielle aura lieu en mars, mais d'après les discussions que nous avons eues, le Canada et les autres pays de l'Arctique espèrent s'entendre sur un protocole à cet égard en 1996 ou au début de 1997. C'est la Norvège qui a pris l'initiative dans ce dossier et nous espérons conclure une entente très bientôt.

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J'ignore si vous êtes au courant, mais pour ce qui est du nettoyage des sites du réseau d'alerte avancée, une personne du nom de Anne Charles a été nommée négociateur spécial avec les États-Unis dans ce dossier. Elle discute actuellement avec les Américains du financement de cette opération; il s'agit de voir comment les Américains pourraient contribuer financièrement à cette activité. La dernière fois que je lui ai parlé, il n'y avait pas encore d'entente, mais elle se disait optimiste quant à une éventuelle entente canado-américaine. J'ai pensé que ce renseignement pourrait vous intéresser.

Maintenant, pour ce qui concerne le programme du Conseil de l'Arctique relatif aux déchets nucléaires, je conviens avec vous qu'il s'agit là d'un très grave problème dans l'Arctique. Cela vient peut-être de la Russie, mais une fois que les déchets sont immergés dans l'océan Arctique, le problème ne se limite pas à la Russie. Avec les courants et tout le reste, je suis certaine qu'une partie de cette pollution transfrontalière dont nous sentons les effets au Canada vient de l'Europe de l'Est. J'espère assurément que le Conseil de l'Arctique accordera une attention prioritaire à ce dossier. Votre comité peut faire des recommandations au gouvernement du Canada quant aux éventuelles priorités du Conseil de l'Arctique au moment de son lancement, et il s'agit là d'un dossier qui exige manifestement une intervention.

Le président: Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le président, vous-même et notre comité sommes en train d'écrire l'histoire aujourd'hui. En effet, c'est la première fois dans l'histoire du Canada et du Parlement canadien que l'ambassadeur aux affaires circumpolaires comparaît devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Je vous félicite pour votre nomination, madame Simon. Je crois qu'il était grand temps que nous ayons quelqu'un de votre calibre au poste que vous occupez.

Tout ce dont nous parlons... Je souscris aux inquiétudes évoquées par M. Caccia quant à la contamination nucléaire dans l'Arctique. Vous avez déjà mentionné les contaminants qui sont entrés dans l'écosystème et qui empoisonnent le lait des mères qui allaitent leurs bébés, etc. L'interdiction dont l'Union européenne menace de frapper les fourrures canadiennes risque d'ôter leur gagne-pain à beaucoup d'Autochtones. Presque tout ce qui se passe là-bas, et toutes les questions que vous avez soulevées, comportent des conséquences nuisibles pour les habitants de l'Arctique. C'est à se demander par où commencer. Faut-il attaquer simultanément sur tous les fronts? Faut-il plutôt concentrer ses efforts dans un domaine précis?

Il y a une suggestion que j'ai entendue quant à la possibilité de créer un collège de formation des enseignants pour les huit pays de l'Arctique, au lieu d'obliger les Autochtones à aller apprendre à Ottawa, à Toronto ou à Hamilton pour ensuite retourner enseigner aux enfants autochtones dans le Nord. Est-ce un dossier que le Conseil de l'Arctique pourrait examiner, ou bien que vous-même pourriez défendre à titre d'ambassadeur, grâce à vos contacts avec les autres ambassadeurs?

Dans le passé, nous avons toujours parlé de l'Arctique, mais nous oublions de parler des habitants de cette région. Je suis heureux de constater que vous venez de cette région. Vous envisagez de faire participer en permanence les peuples indigènes et je voudrais donc entendre ce que vous avez à dire quant à savoir par où il faut commencer, quelles devraient être nos priorités et comment éviter de perdre de vue les torts que nous avons déjà infligés à ces gens-là.

J'ai déjà séjourné dans une famille inuit dont le fils s'était suicidé. Nous savons que le taux de suicide est élevé. Tous les problèmes que j'ai énumérés et beaucoup d'autres que je n'ai pas mentionnés contribuent, j'en suis sûr, à ce taux de suicide élevé.

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Par où faut-il commencer?

Mme Simon: C'est une bonne question. Je pense que vous avez touché du doigt un point très important quand vous avez dit qu'il fallait accorder la priorité à l'enseignement.

Historiquement, l'un des problèmes du Nord, c'est que les Autochtones ne pouvaient apprendre leur langue et leur culture dans le réseau scolaire. Je pense qu'à long terme, cela a eu un effet démoralisant et a ébranlé l'identité des gens, parce que la culture inuit traditionnelle a été en grande partie perdue, et c'est beaucoup à cause du système d'éducation qui existe depuis de nombreuses années dans le Nord. Telle n'était probablement pas l'intention au départ, mais c'est ce qui arrive quand on met en place un système d'éducation qui ne vous permet pas de promouvoir votre propre langue et votre propre culture.

Cela change quelque peu dans le Nord, mais pas autant qu'il le faudrait. Je pense que l'une des façons de faire avancer ce dossier est de faire appel à la coopération des pays de l'Arctique. Au Canada, dans certaines régions, comme celle d'où je viens dans le Nord du Québec, il y a un programme de formation des maîtres qui est tout à fait unique. Il a été élaboré par l'Université McGill. La région d'où je viens est l'une de celles où il y a le plus d'enseignants autochtones à l'heure actuelle. Il y aurait donc probablement beaucoup à apprendre en comparant les différentes régions du Nord et beaucoup de leçons à tirer des échecs. Il faut s'habituer à faire les choses différemment.

En rétablissant la fierté et l'intégrité des gens, je pense que les nouvelles générations auront une meilleure santé pas seulement physique, mais aussi mentale. Cela pourrait contribuer à réduire de beaucoup les problèmes sociaux et le taux de suicide, qui est tellement élevé dans le Nord.

À coup sûr, je crois que les pays de l'Arctique doivent examiner cela de près et en priorité. La question a été examinée de façon approfondie dans le cadre de la Conférence circumpolaire inuit, l'organisation internationale dont j'ai parlé tout à l'heure. Au niveau non gouvernemental, il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet.

M. Flis: Comment convaincre les Européens que leur menace d'interdire les fourrures canadiennes a des répercussions sur le mode de vie de ces gens-là? Nous avons reçu des parlementaires de l'Union européenne qui sont venus visiter l'Arctique. J'ai accompagné une délégation et le président de l'Assemblée des Territoires du Nord-Ouest a adressé la parole à ses membres et leur a expliqué comment on fait le piégeage par quadrant. Le temps qu'on revienne au premier quadrant, il y a toute une nouvelle génération d'animaux, de sorte que les espèces ne disparaîtront jamais. Il leur a également signalé la recherche que nous avons faite dans le domaine du piégeage à l'aide de pièges à ressorts à mâchoires en caoutchouc, de pièges qui tuent instantanément l'animal, etc. Pourtant, tout ce que nous pouvons dire aux parlementaires européens à ce sujet a l'air de tomber dans l'oreille d'un sourd.

Le président de l'assemblée, qui est un Inuit, leur a expliqué que dans chaque famille qui se voit privée du piégeage comme gagne-pain, les gens deviennent habituellement alcooliques ou toxicomanes. Dans chaque famille qui peut continuer de faire le commerce des fourrures, les membres de la famille conservent leur estime de soi et le mode de vie traditionnel est préservé. Pourtant, les Européens ne semblent pas comprendre le message. Peut-être qu'en travaillant de concert avec sept autres pays, nous réussirons à transmettre ce message.

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Mme Simon: Nous espérons que cela aidera à long terme, mais le dossier de la fourrure comporte un élément immédiat et urgent. Comme vous le savez, le règlement est censé entrer en vigueur au début de l'année et les dirigeants autochtones ont exercé beaucoup de pressions pour faire changer d'idée aux parlementaires d'Europe.

J'ai lu la transcription de certaines émissions radio diffusées récemment par la.AAC et d'autres diffuseurs européens, surtout en Angleterre, et j'ai constaté qu'ils sont complètement opaques aux arguments qu'on leur sert au sujet de l'industrie de la fourrure d'animaux sauvages. Ils n'y voient qu'une activité cruelle. Je ne sais pas trop comment on pourrait leur faire changer d'idée. Manifestement, ils appuient sans réserve les groupes de défense des animaux.

Il y a eu des discussions sur la possibilité de repousser d'un an l'échéance du règlement, mais ce serait une solution à très court terme. En fait, j'ai rencontré hier des gens de notre ministère et il ressort de nos discussions qu'un délai à court terme serait une bonne chose parce que cela nous permettrait de continuer à travailler aux normes en la matière, mais compte tenu de tous les efforts que les gens ont consacrés à ce dossier ces derniers mois parmi les Autochtones, ce serait une véritable défaite.

Nous espérons donc pouvoir discuter au Conseil de l'Arctique d'une éventuelle coopération des huit pays de l'Arctique dans les dossiers des échanges commerciaux. Il s'agit évidemment d'une question commerciale fort importante pour le Canada. Vous savez probablement que plus de 90 p. 100 des fourrures canadiennes exportées proviennent d'animaux sauvages. Il y a plus de 100 000 Canadiens qui travaillent dans ce secteur, dont environ 80 000 sont des Autochtones du Nord. C'est assurément un dossier capital pour le gouvernement du Canada. Nous allons donc faire tous les efforts pour qu'il figure à l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique.

M. Flis: Merci.

Le président: Monsieur English.

M. English (Kitchener): On a déjà posé la plupart de mes questions, mais à l'instar de M. Flis, je veux vous féliciter pour votre nomination et je crois que c'est un pas très important pour le gouvernement canadien.

Ma question a trait à ce que vous avez dit tout à l'heure. J'ai participé il y a une quinzaine d'années à une conférence au cours de laquelle le développement de l'Arctique canadien était comparé de façon très défavorable à celui de l'Union soviétique. On peut trouver des articles datant de cette période où l'on fait des comparaisons, affirmant que les Soviétiques ont bâti au-delà du cercle polaire des villes de plusieurs centaines de milliers d'habitants et que leur infrastructure est beaucoup plus élaborée que la nôtre.

On trouve ce genre d'affirmation dans des ouvrages comme ceux de Jim Lotz. On lit de tels propos dans des travaux d'universitaires et aussi, par exemple, dans le livre de la sénatrice Landon Pearson sur l'éducation soviétique, où elle fait une comparaison entre les systèmes d'éducation soviétique et canadien dans la région Arctique et cette comparaison est très défavorable aux Canadiens, alors qu'elle affirme que les Soviétiques ont fait du très bon travail.

Vous avez dit tout à l'heure qu'en comparaison avec la Russie, nous étions beaucoup plus avancés. Il m'a semblé que vous faisiez référence à l'infrastructure, mais peut-être que vous alliez encore plus loin et que vous disiez qu'il n'y a en fait aucune comparaison possible, parce que nous sommes tellement plus avancés. Cela se compare-t-il au phénomène de l'Allemagne de l'Est, que nous pensions beaucoup plus prospère qu'elle ne l'était en réalité? Je ne veux pas dénigrer les travaux des universitaires ou des sénateurs, mais comment se fait-il que nous semblons maintenant être devenus beaucoup plus avancés qu'eux?

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Mme Simon: Je suis allée deux fois dans le Nord de la Russie et j'ai eu de longs entretiens avec les gens qui y habitent. Les conditions dans lesquelles ils vivent, sur le plan de l'infrastructure, sont très inférieures à ce que nous avons dans le Nord du Canada. Je ne dis pas que tous nos problèmes sont résolus dans le Nord, mais la question tout à l'heure était très précise...

M. English: En réponse à M. Flis, vous avez évoqué le système d'éducation. Si je me rappelle bien, dans son livre, la sénatrice Pearson traite de l'éducation dans la langue indigène et des manuels scolaires. Elle affirme que les Russes ont beaucoup plus de succès à cet égard. Avez-vous constaté que dans le domaine de l'éducation, ils étaient plus avancés que nous?

Mme Simon: Non. En fait, la plupart des jeunes ont perdu leur langue dans le Nord de la Russie. Je me suis entretenue personnellement avec des gens là-bas, notamment des personnes qui avaient travaillé dans le système d'éducation. Ce système est peut-être très bon pour ce qui est de l'enseignement dans la langue soviétique, mais dans la langue indigène, il est extrêmement faible. En fait, la plupart des jeunes ont perdu leur langue. Voilà ce que disent maintenant les dirigeants autochtones dans le Nord.

Quant on évoque l'infrastructure dans le Nord de la Russie, il ne s'agit pas seulement des écoles, mais aussi de la pollution de l'environnement. Je crois que le développement était à courte vue et que rien n'était prévu pour l'avenir.

Il y a donc beaucoup de pollution dans le Nord de la Russie, ce qui a des conséquences néfastes pour la santé des gens. De plus, en bien des endroits, les animaux et les poissons dont ces gens dépendent normalement pour se nourrir ne sont plus comestibles.

Si je regarde tout cela et que je me tourne ensuite vers les conditions qui règnent dans le Nord du Canada au chapitre des logements, des écoles et des cliniques de santé, je dois dire que même si les services que nous avons dans le Nord ne sont pas encore à la hauteur des attentes de ses habitants, ils sont bien meilleurs que ceux qui sont offerts dans le Nord de la Russie.

M. English: Merci beaucoup.

Le président: Je voudrais poser moi-même quelques questions à Mme Simon. Mais je voudrais d'abord faire une observation dans la foulée de ce qu'a dit M. Flis. Je vous prie de croire que ce n'est pas la seule fois que nous avons écrit une page d'histoire dans notre comité. Cela nous arrive souvent et nous sommes heureux que vous ayez l'occasion d'en être.

Je voudrais donner suite à votre observation sur le niveau de participation des Autochtones aux travaux du Conseil et sur la façon dont vous envisagez cela. Vous avez dit qu'il y avait une différence à cet égard entre le Conseil et les autres organisations internationales et je me demande si vous pourriez nous préciser quelle est cette différence?

En quoi cette présence sera-t-elle différente de la représentation aux gouvernements des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut, lesquels assurent après tout la représentation de leurs commettants? Certains groupes auront-ils presque le statut de groupes d'intérêt? Par exemple, aura-t-on un groupe inuit siégeant en bloc, comme au Parlement de la Communauté européenne, de sorte qu'il n'y aurait pas un groupe inuit russe, un autre américain ou canadien, mais plutôt un groupe qui représenterait tous les peuples du Nord dans l'ensemble des pays en cause? Ou bien aura-t-on des groupes nationaux distincts? Comment cela sera-t-il structuré? Cela me semble une importante initiative que nous devrions mieux comprendre.

Mme Simon: Merci. La structure envisagée pour le Conseil comprendrait trois volets. Il y aurait d'abord les huit pays de l'Arctique. Comme ce sera une organisation intergouvernementale, les membres votants seraient les huit pays de l'Arctique.

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Ce sont donc ces pays qui prendront les décisions au cours des délibérations du Conseil. Comme, jusqu'à maintenant, les habitants du Nord se sont souvent sentis exclus de ces initiatives, le Canada a fait un effort déterminé pour les inclure dans celle-ci. Cette volonté est également attribuable au fait que les questions qui seront discutées au Conseil de l'Arctique auront une incidence directe sur les habitants du Nord, en particulier les Autochtones.

Donc, pour compenser le fait que la plupart des gouvernements nationaux ne comptent pas d'Autochtones dans leur délégation, soit à titre de députés au Parlement ou de fonctionnaires de haut rang comme moi-même, nous avons décidé de les faire participer dans un cadre non gouvernemental. Ce sera la deuxième catégorie de participants au Conseil. Cette deuxième catégorie comprend des organisations autochtones internationales comme la Conférence circumpolaire inuit, le Conseil Saami et les Russes.

Ils n'ont pas droit de vote et l'on n'envisage pas de leur conférer un pouvoir décisionnaire. Mais ils seront invités à participer aux délibérations et ils auraient un siège, en fait un siège pour la CCI, un pour le Conseil Saami et un pour les peuples autochtones du Nord de la Russie. À l'avenir, une ou deux autres personnes pourraient venir s'ajouter à ce groupe.

Ces gens-là participent donc aux délibérations, mais pas aux décisions. On les invitera à participer aux groupes de travail et aux autres organes que créera le Conseil de l'Arctique. Ainsi, ils ne sont pas exclus, ils sont parties prenantes.

Maintenant, pour ce qui est de la participation nationale et régionale, vous avez raison de dire que, dans les Territoires du Nord-Ouest, la majorité des ministres et des députés sont des Autochtones. C'est considéré comme un gouvernement territorial et leur rôle sera de faire partie de la délégation nationale canadienne. Ils pourraient être invités à faire partie de cette délégation ou à y déléguer un représentant, de même que le Nunavut, à titre de gouvernement territorial régional.

Il y a donc deux niveaux de participation, gouvernemental et non gouvernemental. Nous faisons une distinction très nette entre la participation gouvernementale et la participation non gouvernementale.

J'ignore si cela répond à votre question.

Le président: Oui.

Le modèle qui me vient à l'esprit est celui de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. Il arrive très souvent, quand cet organisme se penche sur des dossiers particuliers, que des organisations non gouvernementales spécialisées dans ce domaine précis soient invitées à participer aux débats, sans pour autant avoir droit de vote, à moins d'être habilités à représenter un gouvernement. Je crois donc que c'est un modèle très positif dont on pourrait s'inspirer.

Je conviens avec vous qu'il serait intéressant de voir dans quelle mesure...

Mme Simon: Un dernier point pour compléter ma réponse. La seule autre initiative qui se rapproche le moindrement de ce modèle est la Stratégie de protection de l'environnement arctique; ces mêmes organisations sont invitées à titre d'observateurs permanents à la SPEA. On les appelle observateurs, mais en réalité, ils participent aux discussions.

Donc, quand nous avons commencé à discuter du Conseil de l'Arctique, nous avons utilisé l'entente sur la SCEA comme modèle pour les négociations. Mais nous avons décidé de leur donner un nom qui correspond à ce qu'ils sont vraiment, puisqu'ils participent réellement aux délibérations, mais pas aux décisions.

Le président: Vous avez longuement parlé de l'environnement. Je suppose que le Conseil s'intéressera également à la pollution canadienne intérieure qui aurait également des conséquences dans l'Arctique, n'est-ce pas? Il ne se limiterait pas à la pollution étrangère, parce qu'évidemment les autres pays de l'Arctique vont s'intéresser à notre pollution au même titre que nous nous intéressons à la leur, du moins je le suppose.

Mme Simon: Nous ne nous sommes pas nécessairement penchés sur la définition des limites de notre cadre d'action, mais ce sera assurément l'Arctique et les régions subarctiques du Nord canadien. Chaque pays a sa propre définition du territoire du Nord, de sorte qu'il faudra également en tenir compte.

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Chose certaine, les questions bilatérales comme les différends frontaliers continueront d'être discutés bilatéralement. Vis-à-vis des États-Unis, par exemple, la question de la mer de Beaufort sera abordée dans un cadre bilatéral. Le Conseil de l'Arctique ne serait pas nécessairement saisi de cette question. En fait, les pays de l'Arctique ne veulent pas vraiment que le Conseil de l'Arctique soit saisi des questions frontalières, préférant plutôt traiter ces questions bilatéralement avec le pays en cause dans chaque différend.

Le président: M. Morrison a évoqué la question de la liberté de navigation, qui est évidemment très importante pour nous. Croyez-vous que l'on pourrait s'en remettre à la Convention sur le droit de la mer pour régler ce dossier, plutôt qu'au Conseil, puisque la question semble avoir déjà été discutée dans ce cadre? Ou bien envisagez-vous une sorte de chevauchement des compétences?

Mme Simon: Je crois qu'il y a chevauchement. Nous aurons une discussion sur le droit de la mer au cours des prochains mois, afin de voir comment nous envisageons l'action du Conseil de l'Arctique dans ce domaine. Je pourrai peut-être vous fournir plus tard des renseignements plus précis, dans la foulée de cette discussion.

Le président: Merci. J'ai une dernière question. J'ai cru comprendre que votre mandat s'étend également à l'Antarctique. Même si cela ne nous touche pas de près, avez-vous des observations à faire au comité au sujet de l'Antarctique et sur notre politique actuelle dans ce dossier? Avez-vous eu l'occasion de vous pencher là-dessus?

Mme Simon: Je peux certainement vous faire part de certaines réflexions initiales. Nous sommes justement en train d'organiser une réunion au ministère des Affaires étrangères afin de discuter des résultats de la réunion sur le traité de l'Antarctique qui a eu lieu à la fin de mai à Séoul, en Corée.

Nous nous demanderons si le Canada devrait intervenir davantage dans les dossiers de l'Antarctique. À l'heure actuelle, la Commission canadienne des affaires polaires participe également aux discussions du point de vue de la recherche, dans le cadre de l'élaboration d'une future politique en matière de recherche. Donc, à la lumière des recommandations émanant de la réunion sur le traité de l'Antarctique, nous verrons s'il y aurait lieu pour le Canada d'intensifier ses efforts dans ce domaine.

Pour le moment, on a beaucoup dit que les ressources étaient limitées et que le gouvernement du Canada n'a pas beaucoup de ressources à consacrer aux questions arctiques. Dans quelle mesure devrions-nous étendre nos activités dans les dossiers de l'Antarctique, qui accapareraient des ressources dont on a si désespérément besoin dans l'Arctique?

Personnellement, je pense qu'il ne devrait pas nécessairement y avoir rivalité entre les deux régions, car je crois que les deux pourraient vraiment bénéficier des activités menées dans l'un ou l'autre des dossiers. Beaucoup de questions qui concernent l'Antarctique, notamment le réchauffement planétaire, l'appauvrissement de la couche d'ozone et la pollution de l'environnement, intéressent également la région de l'Arctique.

Par conséquent, la recherche qui pourrait se faire dans l'Antarctique pourrait également avoir des retombées pour l'Arctique. Je pense qu'il faut davantage de coordination et de planification des travaux qui se font dans les deux régions polaires.

Le président: Sans compter qu'il y aurait un lien entre des dossiers semblables dans les deux régions. Le Canada a-t-il des intérêts directs dans l'Antarctique, à part la ressemblance qui existe entre les deux régions et ce que nous pourrions apprendre de ce qui se fait là-bas?

Mme Simon: Je le crois. Les chercheurs manifestent beaucoup d'intérêt et le secteur privé est certainement très actif dans l'Antarctique. L'écotourisme est en train de devenir toute une industrie dans l'Antarctique. J'ai justement rencontré la fin de semaine dernière les représentants d'une compagnie très active dans le secteur du tourisme.

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Le secteur privé s'intéresse donc vivement à l'Antarctique en vue d'y faire des affaires. Les chercheurs sont également intéressés et actifs et n'hésitent pas à utiliser les stations des autres pays pour se livrer à leurs recherches. Il y a donc souvent des arrangements réciproques conclus entre des chercheurs.

Donc, oui, il y a un intérêt direct pour ce qui est du rôle du Canada.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Quelqu'un veut-il proposer que le comité aille séjourner dans l'Antarctique?

M. Flis semble sceptique.

M. Flis: Non, je veux seulement traiter du troisième pilier de notre politique étrangère que notre comité a contribué à élaborer de concert avec le comité mixte du Sénat, c'est-à-dire promouvoir notre culture et notre éducation, etc.

Aux derniers Jeux de l'Arctique en Norvège, il y a eu un excellent exemple d'art autochtone nordique. L'art serait peut-être le meilleur instrument pour amorcer le partage de nos valeurs culturelles avec au moins les huit pays membres.

Y a-t-il des activités de ce genre actuellement?

Mme Simon: Vous voulez dire...?

M. Flis: Y a-t-il actuellement des activités en vue de promouvoir le partage de nos cultures respectives et notamment de nos talents artistiques, entre les huit pays en cause?

Mme Simon: Je crois qu'il y a beaucoup d'activités dans ce domaine. Diverses expositions artistiques ont été montées avec des oeuvres d'art des différentes régions du Nord. Il y a également un projet pour lequel on nous a pressentis et qui s'appelle Rencontres nordiques, qui réunira les pays nordiques et le Canada. J'ignore si la Russie est également présente dans ce dossier.

Mme Patricia Low-Bédard (conseillère principale auprès de l'ambassadeur aux affaires circumpolaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Ils essaient.

Mme Simon: Ils essaient de les intéresser et de les amener à participer.

Cela aura lieu à Toronto, en juin prochain, je crois.

Mme Low-Bédard: Non, en 1997.

Mme Simon: Ah bon, en 1997. Ce sera un événement mixte réunissant des artistes, tous les arts musicaux et l'artisanat du Nord. Ce sera une très grosse affaire et les pays nordiques s'y intéressent vivement. C'est donc une première activité à ce chapitre.

Par ailleurs, l'été dernier, l'Exposition nationale du Canada avait pour thème l'art inuit. L'exposition était intitulée: «L'esprit de l'Arctique» et réunissait des artistes du Nord canadien mais aussi de l'Alaska et du Groenland.

Il y a donc de l'activité dans ce domaine. Il faudrait qu'il y en ait davantage, surtout dans le secteur du commerce où les gens cherchent des débouchés. Il y a beaucoup d'obstacles au commerce dans ce secteur, notamment entre le Canada et les États-Unis, et nous nous sommes aussi penchés sur cette question.

M. Flis: Notre comité s'est demandé comment on pourrait aider les petites et moyennes entreprises à trouver des débouchés dans les marchés d'exportation. Quel potentiel y a-t-il dans nos régions arctiques pour ce qui est de promouvoir la vente d'oeuvres des Autochtones du Nord dans d'autres pays, ou même au Canada? Beaucoup de Canadiens n'ont pas encore été mis en contact avec les richesses du Nord.

Mme Simon: Je crois qu'il y a beaucoup de potentiel à cet égard. La commercialisation des produits n'a jamais été examinée de façon détaillée, à l'exception peut-être des sculptures en stéatite. Je pense que les seules activités viables de cette communauté sont celles menées par les petites et moyennes entreprises. Le développement sur une grande échelle dans le Nord est généralement le fait de grandes entreprises et organisations, mais si l'on se tourne vers la base, au niveau communautaire, les activités auxquelles s'intéressent les gens du Nord concernent surtout les arts et l'artisanat et même la musique traditionnelle.

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Je pense qu'il faut chercher activement à intensifier l'activité dans ce domaine. Il y a beaucoup d'obstacles. D'abord, le coût de la vie est élevé dans le Nord. Dès que quelqu'un essaie de lancer une entreprise, le coût de lancement est généralement très supérieur au revenu prévu.

Cela mérite d'être examiné de près. Il y a bien des programmes de subvention, mais ils ne répondent pas toujours aux attentes. En fait, il y a eu beaucoup de compressions dans ce secteur.

M. Flis: Serait-il facile de sensibiliser un comité comme le nôtre aux questions qui se posent dans le Nord? Nous avons discuté d'une foule de questions, notamment la sécurité, l'environnement et le mode de vie des Autochtones. Le Nord pourrait-il recevoir un comité comme le nôtre, le sensibiliser aux questions du Nord et l'amener à travailler en étroite collaboration avec l'ambassadeur?

Mme Simon: Vous voulez dire vous rendre dans le Nord?

M. Flis: Oui.

Mme Simon: Si nous planifions cela à l'avance et organisons la comparution de témoins devant le comité, cela pourrait être très utile, mais je trouve qu'il faudrait planifier soigneusement et décider quelles régions vous voulez visiter.

Il faudrait préciser les régions que vous voulez étudier, parce que chaque région a des caractéristiques différentes. Par exemple, l'Ouest est très différent de l'Est.

Dans certains dossiers, il faudrait des présentations formelles pour vous donner un aperçu historique du développement des petites entreprises dans le Nord. Il y a des gens qui ont beaucoup d'expérience dans ce domaine. On pourrait les inviter à comparaître devant le comité. C'est très faisable.

M. Flis: Mon objection est que nous transposerions alors notre modèle dans le Nord, au lieu de le mettre de côté et de nous mêler à la vie collective. Autrement dit, certains députés pourraient aller visiter des écoles, d'autres iraient dans des hôpitaux, d'autres encore pourraient passer une nuit dans une famille pour vraiment se sensibiliser aux questions locales. Je ne recommanderais pas d'adopter intégralement le modèle du comité, mais plutôt quelque chose de différent, dans l'esprit du Conseil de l'Arctique que vous avez en tête. Serait-ce plus facile ou plus difficile à organiser?

Mme Simon: Je ne crois pas que ce serait plus difficile. En fait, les gens du Nord se sentiraient peut-être même plus à l'aise de cette façon. Ce n'est pas aussi formel et les gens se sentent beaucoup plus libres de livrer leur pensée dans un cadre moins rigide. Il serait possible d'organiser cela.

M. Flis: Merci.

Mme Simon: Les gens adorent recevoir des invités chez eux.

Le président: Merci beaucoup, madame Simon, d'être venue nous rencontrer ce matin. Nous vous sommes très reconnaissants de vos observations. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion. J'espère que nous aurons l'occasion de vous rencontrer de nouveau pour poursuivre cette discussion.

Mme Simon: Merci beaucoup de m'avoir invitée.

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Le président: Avant d'ajourner, je voudrais simplement signaler que notre prochaine réunion prévue à l'horaire est mardi prochain.

Il n'y a pas de réunion jeudi, mais nous essayons de prendre des arrangements pour queM. Boutros Boutros-Ghali comparaisse devant le comité. Cette réunion aurait éventuellement lieu demain après-midi. Nous vous ferons savoir le plus tôt possible s'il peut trouver du temps pour cette réunion. On me dit qu'il aime bien rencontrer les parlementaires et pas seulement les porte-parole officiels du gouvernement, et nous ne raterons pas l'occasion de le rencontrer si jamais c'était possible.

M. Alcock (Winnipeg-Sud): J'ai des observations à faire sur ce rapport.

Le président: D'accord.

Comme nous n'avons plus le quorum, nous ne sommes pas en mesure d'adopter ce rapport, mais je me demande si des membres du comité ont des observations à faire là-dessus avant de partir. Je sais que M. Morrison voulait intervenir, ainsi que M. Alcock.

M. Morrison: Je suis inquiet. Je croyais que le comité directeur se pencherait sur la question de la comparution de l'ACDI pour défendre son budget supplémentaire. Maintenant, cela n'est plus prévu et je crois que nous allons manquer de temps.

J'ignore si vous avez jeté un coup d'oeil sur son budget de dépenses, mais le budget supplémentaire comprend à la fois de l'argent frais et de l'argent déplacé latéralement pour soutenir des pays de l'ancien bloc soviétique, au détriment, à mon avis, du mandat de l'ACDI qui est d'aider les plus pauvres d'entre les pauvres. À cause d'un problème de procédure, je crois que la situation est telle que nous n'aurons même plus l'occasion de rencontrer ces gens-là.

Le président: Je déduis de votre observation, monsieur Morrison, que si nous voulons nous pencher sur ce budget de dépenses, il faudra le faire avant le 7 décembre. C'est bien cela?

M. Morrison: Je crois que c'est juste.

Le président: Ou le 5 décembre.

Les autres membres du comité seraient-ils d'accord pour organiser...? Nous siégerons de 9 heures à 11 heures dans la matinée du 28 novembre pour rencontrer le sous-ministre, M. Gordon Smith. Si nous pouvions ajouter une heure et demander aux gens de l'ACDI de venir discuter de leur budget supplémentaire ce jour-là, je crois que ce serait le meilleur créneau.

M. Morrison: Cela me conviendrait.

Cela pourrait-il se faire sans problème de procédure, sans qu'il soit nécessaire d'adopter ou de modifier quelque chose?

Le président: Je crois que nous pouvons le faire. En tant que président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais communiquer avec les gens de l'ACDI et la greffière leur parlera également, et nous prendrons des dispositions pour qu'ils viennent témoigner, à moins qu'il ne leur soit impossible de le faire.

M. Morrison: Bien sûr. Si j'étais à leur place, je dirais que c'est impossible.

Le président: Nous ne ferons pas une telle suggestion. Nous leur ferons comprendre que ce n'est pas impossible.

Nous ferons de notre mieux pour organiser cela. Merci.

M. Alcock: Je veux soulever un autre point. Au paragraphe 6 de ce rapport, vous proposez que le comité procède à un examen des questions circumpolaires au début de 1996. C'est une tâche importante pour le comité, mais je veux signaler autre chose également.

Au cours de l'examen initial effectué par le comité, il a été recommandé que le ministère se réorganise et crée une section ou un poste qui serait chargé d'amorcer le processus de compilation de l'information et de suivi des questions de politique sociale internationale. Cela s'inscrit dans le cadre des préoccupations générales voulant qu'une bonne part de nos leviers traditionnels en matière de politique du travail, etc., soient passés dans l'arène internationale.

Le ministère a donné suite à notre demande et a créé un poste de sous-ministre adjoint, ou de directeur, je ne sais trop. J'en ai rencontré la titulaire il y a quelque temps.

C'est une question très importante qui a des incidences sur beaucoup de nos programmes sociaux, une grande partie de notre législation en matière de travail, etc. Cela a donc de vastes répercussions au Canada. Je voudrais que le comité commence à déblayer un peu le terrain dans ce domaine. Je pense que Steve aura besoin d'instructions à cet égard. Je trouve que cela nous permettrait à tous d'être mieux au fait des forces qui ont une incidence sur nous à l'heure actuelle, au moment où nous essayons d'opérer une refonte de notre propre législation en matière de travail et de notre politique sociale.

Je demande donc simplement que l'on se penche là-dessus à une date ultérieure, non pas dans un avenir lointain, mais à une date assez rapprochée.

Le président: Je vais soulever la question au comité directeur. C'est une observation très valable.

Je crois que le ministère comprend un nouveau service qui s'occupe des droits de la personne, des questions de politique sociale auxquelles vous avez fait allusion et même de questions environnementales. Il essaie d'aborder ces problèmes de façon cohérente et je trouve que c'est une très bonne chose et que nous devrions peut-être nous pencher là-dessus.

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Il y a une question connexe dont j'ai discuté quelque peu avec le sous-ministre de l'Immigration, et ce sont les mouvements de population, problèmes qui sont d'un grand intérêt pour nous, compte tenu des mouvements de population massifs qui se feront jour au XXIe siècle. Je crois que tout cela s'inscrit dans la foulée de la conférence de Copenhague sur la politique sociale et que nous pourrions aborder tout cela ensemble. Nous allons donc examiner la question et peut-être que nous pourrions avoir un entretien là-dessus, monsieur Alcock, afin de voir ce que l'on peut faire dans ce dossier.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que nous essayons encore d'organiser la réunion du 7 décembre sur les questions agricoles. Il ne nous sera peut-être pas possible de concilier l'horaire des divers intervenants et il faudra peut-être repousser de nouveau la date de cette réunion, cela dépendra des circonstances, mais je vous dirai le plus tôt possible ce qu'il en est de cette réunion du 7 décembre.

Merci beaucoup. Nous ajournons donc à mardi prochain, sous réserve de la possibilité d'une rencontre demain après-midi avec M. Boutros Boutros-Ghali.

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